24 oct. 2013

Irréflexions (74) (Eric Dejaeger)

La fille est un long fleuve tranquille. Sauf une fois toutes les quatre semaines.

À quand une union europaïenne ?

« L’os m’ose ! » s’exclama la vierge enfin pénétrée.

La mouche à merde adore prendre son taon.

L’accro à l’héroïne voit-il les aiguilles tourner ?

22 oct. 2013

Quelques crétineries passagères

-Connais-toi, toi-même.
-Vas chier !
-C'est un bon début.

***

une pensée sur le point
d'aboutir
à une phrase
toute faite

***

des regards à la dérobée
pickpocket
de la séduction

***

renoncer à certaines choses
pour mieux
renoncer au reste

***

être
mal dans sa peau
mais
bien avec les autres

***

je bois beaucoup de cafés noirs
un jour
mon sang
ne sera plus qu'un lointain souvenir

***

mon enfance est un panier
percé
suis-je encore assez souple
pour ramasser
ce qui en est tombé ?

***

je voudrais être quelqu'un d'autre
je voudrais être
moi
à tout prix !

***

aucun boulot ne m'intéresse
et la plupart du temps
c'est réciproque

***

-SOS comptes en détresse, j'écoute ?
-Mon compte courant est bigrement anorexique...
-Alimentez-le !

***

ici
l'espérance de mort
augmente
au détriment
du désespoir de vivre

***

c'est fou
le temps que je peux
trouver
pour en perdre

***

le bonheur
se mesure
dans le sens contraire
des aiguilles d'une montre

***

le vide
est plein
d'un je-ne-sais-quoi 
de familier

***

à la froideur des temps
la chaleur de ton corps
fait un peu
contrepoids

***

conquérir le monde
assis
devant l'ordinateur

***

une phrase toute faite
sur le point
d'aboutir
à une pensée

***

un sandwich au pâté
de maison
un croissant au beurre
noir
un coca
phonie
j'avale
l'heure ajoutée

***

profiter de l'instant présent
comme s'il était déjà
passé

***

écrire un poème
sur une semelle de plomb
marcher
dessus dix fois vingt fois cent fois
pour voir s'il
résiste bien

***

s'adresser à l'un
en pensant à l'autre
et ne plus savoir
qui est qui
à la fin

**

la boutique a fermé ses portes
c'est la crise
on va rentrer par la fenêtre !




18 oct. 2013

AVIS DE PARUTION : BUK YOU!


Le projet a démarré en Février 2010, sous la houlette de Cap'tain Hervé Merlot.
Il devrait être finalisé par les Editions Gros Textes très prochainement.





160 pages au format 14 x 21, 12 € (+ 2 € de port – port compris à partir de l’achat de 2 exemplaires)
Commande à Gros Textes
Fontfourane
05380 Châteauroux-les-Alpes
(Chèques à l’ordre de Gros Textes)


11 oct. 2013

4

depuis longtemps déjà
l'homme invisible est
en ville
dans notre ville
il se terre quelque part
mange du poisson pané et de la salade
regarde la télé et les films de Superman
il sort parfois de chez lui
bien décidé à en découdre
avec un invisible ennemi
mais
pensif
il se rétracte
il croit dur comme fer
que les autres font semblant de
ne rien voir

**

4h57 du matin
la sonnerie stridente
du réveil
me tire du lit
j'enfile un vieux slip
un vieux pantalon
de vieilles jambes
un gros bide
&
de vieilles baskets
je bois un café
dans lequel je ne parviens pas
à lire l'avenir
je tire sur mes rides
sur mes cernes
&
sur les draps
pour voir son visage
-je suis prêt, je vais à mon rendez-vous
-mmmmmmmmmm, me répond-elle encore endormie
-je te dirai si ça s'est bien passé
-mmmmmmmmmmmmmm répond-elle, toujours endormie
je l'embrasse furtivement
une fois dehors
le froid glacial me donne envie
de retourner m'allonger près d'elle
nom d'un chien !

**

le dernière étoile
est morte il y a très longtemps
et d'elle il ne reste plus
que quelques particules
de poussières
les vautours du ciel
les ont laissées
pour plus tard
quand la nuit polaire aura
tout recouvert

**

je ne lis plus désormais
je bouffe les livres
de mes auteurs préférés
page par page
sans assaisonnement
pour que leur poésie
crûe
imprègne tout mon sang
du cerveau
à l’œsophage






9 oct. 2013

méthode Coué

Il me reste quelques
vieux souvenirs de
lycée et de fac quand
on nous parlait de cycles
économiqes
plus ou moins longs

et le mental fonctionne
un peu comme ça
des hauts, des bas
des très bas, des bien hauts

on ne s'en cache d'ailleurs pas auprès d'elle
qui connaît
nos difficultés financières
récurrentes

par une curieuse ironie
elle étudie les Trente Glorieuses
en cours d'Histoire
elle me dit :
-on aurait dû vivre dans les années 50 ou 60, papa
et d'ajouter :
-comme ça, tu aurais déjà trouvé un travail sans problème

je lui réponds
avec mes
vieux souvenirs de
lycée et de fac
-ça va finir par se tasser ; Joseph Kitchin parle de cycles de trois à quatre ans
-c'est long quand même

je suis bien conscient
que mon discours
est plutôt mal approprié
méthode Coué
devant l'urgence de la
situation

je ne vais quand même pas
lui parler de cycles menstruels
ni de roues de vélo
lancées à vive allure
dans une descente à pic

-c'est vrai, c'est long mais on va s'en sortir
-moi aussi, j'espère papa





5 oct. 2013

un demi-tour

A l'écart de la ville
c'est un bâtiment immense
accolé à deux autres bâtiments immenses
-un de chaque côté-

tout-à-l'heure en approchant
lentement
avec ma voiture
j'ai senti une sorte de peur instinctive
j'ai allumé une clope
je me suis convaincu qu'il s'agissait
d'une peur sans doute irraisonnée

le nom de la société figure en grand
en lettres rouge vif
dessous c'est écrit
"spécialiste des composants informatiques"
il ne fait pas encore tout-à-fait jour
et ce rouge sang
ne me quitte pas des yeux

je passe devant une statue monstrueuse
plantée au milieu d'un bassin
circulaire
un jet d'eau régulier sort
de la gueule du monstre
et m'éclabousse
j'avance rapidement dans la cour intérieure
je ne croise personne

ça sent la peinture fraîche
à moins que ce ne soit dans ma tête
de grandes baies vitrées
-très propres-
des lumières blanches à l'intérieur
des salles vides près d'autres salles vides
à pertes de vue

je me présente à l'accueil
-une jolie une femme brune-
je dis que c'est mon premier jour ici
la femme sourit
-j''espère que vous vous y plairez
je lui souris en retour
elle m'invite à monter au 4è étage
par l'ascenseur
de gauche
-je préviens Mr Priaud de votre arrivée

je la remercie
j'avance à pas résolus
pour faire bonne impression
en attendant l'ascenseur
je me demande si je ne ferais pas mieux
de faire demi-tour
illico presto


4 oct. 2013

6 petites pensées du vide intérieur

L'un parle,
l'autre écoute
à moins que ce ne soit l'inverse
quand l'un et l'autre
ne font qu'un
souvent ils se détestent

***

Je vais au travail
pour me sociabiliser
pour toucher ma paie
une fois que je suis bien sociabilisé
que j'ai touché ma paie
qu'il ne reste plus rien
je m'enferme chez moi
des jours entiers
et face à la fenêtre je cherche
une porte
comme un ciel de secours

***

Je suis au volant de
ma Clio grise
je jette un oeil sur le tableau de bord
puis dans les rétroviseurs puis
droit devant
-Tu ne démarres pas ?
et moi de te répondre qu'il est
finalement
plus prudent de rester là
si on ne veut pas risquer
la panne d'essence
ou
l'accident

***

J'aimerais être différente
me dis-tu
différente de quoi ?
j'aimerais ne plus avoir toutes
ces voix dans ma tête
tu ne sais toujours pas les faire partir ?
j'aimerais que tu ne te soucies
plus de moi comme ça
ne me demande pas l'impossible
j'aimerais que tu me prennes
dans tes bras
si seulement on pouvait revenir en arrière
très loin en arrière

***

Sur le Place noire
de monde
je me sens mal à
l'aise
épié
observé
ridicule
dans ma démarche
avec mon jean et
mes baskets
et ce chien invisible au bout de ma laisse
qui pisse
sur tous ces gens

***

Dehors c'est
la nuit
ici
aussi
et c'est
plus sombre
encore







La flamme de L'Ecrivain Inconnu et (quelques) autres aphorismes (d'Eric Allard)

Tous les jours, je ranime la flamme littéraire de L’Ecrivain Inconnu que je suis.

Plus d’une fois ce critique annonça ma mort. Pour qu’enfin on me lise.

Même mon chat ne me lit pas.

Ma femme lit dans mes yeux. Et c’est bien suffisant, dit-elle.

A l’intensité de ma voix, mes proches savent si j’ai bien ou mal écrit. Quand j'ai une toute petite voix plusieurs jours de suite, ils n’ont pas à redouter la parution prochaine d’un nouveau livre.

On ne parle pas assez des poètes qui tombent des nues en donnant de beaux poèmes éclatés.

Cet auteur était si content de lui qu’il écrivit un nouveau livre.

Les lecteurs n’ont pas d’imagination. Alors qu’il pourraient prendre des milliards de milliards de chemins de lecture, il vont du début à la fin sans se douter de ce qu’ils ratent.

J'ai décidé d’arrêter ma carrière littéraire en pleine gloire : la vente de cent dix-sept exemplaires de mon dernier ouvrage.

Même moi, je ne me lis pas.

5 crétineries à la volée

la tête sur l'oreiller
les doigts de pied
en éventail
je fais le tour du monde
(le plafond ressemble à l'Australie)

***

j'écris un poème qui
parle d'écrire un
poème
(ma vie ainsi résumée)

***

regarde bien mon crâne
une moto passe en trombe
humeur noire
un scooter dans l'autre sens
humeur grise
le camion des éboueurs
humeur bleue
le bus chargé de passagers
humeur rouge
tu vois j'ai l'humeur très changeante

***

tu dors profondément
et quand tu te réveilleras
tu auras ce petit sourire
(mine de rien)
qui me dira
qu'on peut se passer l'un de l'autre
finalement
(mais pas trop longtemps)

***

pas
exactement les mêmes gestes
qu'hier
pas
exactement les mêmes mots
qu'hier
pas
exactement la même tête
qu'hier
(mes cheveux sont plus gras)




un peu plus haut

Poussés par le vent
les nuages
s'étiolent
      se dispersent
              s'étirent puis
s'agglutinent un peu plus loin avec d'autres nuages en masses compactes
(c'est un peu la même chose aux heures de pointe dans le métro)

un peu plus haut
les traînées d'avion
résistent plus
longtemps
(si je n'avais pas tant le vertige, nous serions déjà partis)

un peu plus haut
un soleil
(le nôtre)
meurt encore plus lentement
(pas avant plusieurs millions d'années)

un peu plus haut
les dieux sont immortels
la grâce est un mystère
les âmes des défunts un vieux souvenir
(dommage sans doute que je n'y crois plus)

je suis assis
dans la clarté du jour
face à la fenêtre
la vie ne se bouscule pas non
la vie prend son temps
sur le mien
je suis assis
face à l'inconnu
paré à prendre de la hauteur
sans rien brusquer
je ferme les yeux