30 mars 2010

sans qu'on sache si

Elle est sur le quai à
attendre le métro qui
d'après le panneau lumineux en rouge
doit arriver dans deux minutes
elle a son sac sur l'épaule
sa main droite posée dessus
pour ne pas qu'on le lui vole
l'autre main balancée vers sa jambe
au rythme discret d'une musique
étouffée
qui provient d'un des nombreux couloirs
elle regarde la grande affiche publicitaire
sur le quai d'en face
et timidement les gens de part et
d'autre
quand le métro ayant fait crisser ses freins
dans une odeur de pneu brûlé
s'arrête à sa hauteur elle y grimpe et
disparaît pour de bon sans qu'on sache
si ces quelques instants
ont suffi
pour incruster sa présence
dans la mémoire des lieux.

salve

Je fais semblant de comprendre
ce qui m'arrive mais je ne
suis pas dupe
le ciel décomposé
en mes artères
est plus fluctuant
qu'une salve de sombres nuages
au dessus de la ville
endormie

Depuis des semaines des mois

Les coudes posés contre
le rebord en fer forgé
il s'est amusé à compter les
passants pendant un certain temps
avant de complètement
s'emmêler les pinceaux
dans ses calculs
à mesure que la rue s'animait
il aurait aimé leur crier
d'avancer moins vite et de cesser
de venir
de droite à gauche de gauche
à droite
qu'il puisse reprendre le décompte
exact
tranquillement
il s'était arrêté à 327 ou 328 mais
il ne savait pas s'il avait compté
certains d'entre eux à plusieurs
reprises ça en devenait infernal
il est retourné s'allonger
épuissé lessivé vidé
pleurant doucement
sur le ridicule de la situation
et
sur la maladie qui couvait depuis des semaines des mois

27 mars 2010

Compartiment 32

à la fenêtre les images
défilent les villes se suivent
les immeubles se ressemblent
le train
ce train-là
sur les rails
à la fenêtre les paysages
changent
de couleur les paysans
leur courent après
les bêtes sauvages poussent des
grognements
dans les forêts traversées
de loin
le train sur les bons
rails
somnolante à présent
sur le siège
un peu dur
dans le compartiment 32
un livre posé à côté
elle pense que
le voyage se terminera un jour
quand la nature
aura limé les rails
sur les pierres de la nuit
première
quand ce sera l'heure de montrer son ticket au
contrôleur
avec dans le regard
au vague
une ombre de ce qu'on a quitté

25 mars 2010

To let herself go

Balançoire flotte au vent
par temps noir
il n'y a plus de cris dans
la grand jardin dans
la maison vide
une intense pinède fait de l'ombre
à l'harmonie du lieu
avant de partir elle a tenu
à passer par le cimetière
une dernière fois à
quelques cent mètres plus loin
en tenant par la main
son enfant
dans les mauvaises herbes

L'automate

il est parti travailler
à la même heure
il a pris le métro pendant quelques stations
il est resté debout aux heures de pointe
il est descendu avec d'autres inconnus
il a marché un peu
en pressant le pas
il a pris l'ascenseur
a sorti son badge
la porte en verre transparent s'est ouverte
l'hotesse d'accueil lui a dit bonjour
il a répondu bonjour
il la trouve jolie ce matin
il a salué un ou deux collègues
il est allé s'asseoir devant son ordinateur
il s'est senti bien sans savoir pourquoi
un détail peut-être qu'il ne saurait
définir en lui
Tu t'actives dans la cuisine
J'entends que tu bats des oeufs
dans la farine
avec quelques pommes
vertes
J'aime ces odeurs de gourmandise
Il y a parfois un chien qui aboie
une voiture qui éclabousse les passants
une sirène de police ou de pompier
il y a parfois des articles en rupture de stocks
des femmes avec des caddies des poussettes
des discussions sans importance des bonjours
il y a parfois des stores qui se lèvent
des regards à la ronde
une histoire à écrire
d'un revers de la main brandi
à la fenêtre
toucher la pluie dehors
sentir la fraîcheur
douce des gouttes
une à une
d'un jour de semaine
se contenter de ces
quelques instants volés

Quand s'impose une proximité d'enfermement

On ne sort pas beaucoup
On ne sort quasient pas
On est dans l'immobilité des corps couchés
On laisse la vie aux autres
la vie en mouvement
Sans leur donner la part en jachère
Sait-on jamais
Si elle devait servir un jour

Pour le monde du dehors
le temps passe peut-être plus vite
je me souviens avoir garé la voiture
près d'un petit jardin
cloturé
Des enfants y jouent avec d'autres enfants
avec leurs mères
sans doute encore

Saison après saison
le monde n'en fint pas de grandir
et de mourir déjà nous avons peur
de vieillir parfois

24 mars 2010

d'un vent échoué

Il pose ses lunettes à côté du livre
il se lève jusqu'à la fenêtre
au dehors un bruit sec de pas claque
venu d'on ne sait où
il observe la rue
sombre
personne n'est
là personne ne
passe
il a le front collé contre la vitre
de longs instants
les trottoirs le fascinent
depuis que sa vie
se résume à la gestuelle
du vent
échoué

23 mars 2010

Zin-zin

Il est dans une rage
maboule
cinglée
zinzin
Il grimpe dans sa bagnole
démarre frappadingue
et roule
fonce
décape l’asphalte
jusqu’à réservoir vide
La voiture s’arrête
sur le bas-côté
d’une petite route
Il ne sait pas
où il est
Il ne sait plus
pourquoi il enrageait
Il se sent tout con.