30 nov. 2013

3 choses entre nous soit dit

je tape des lettres
qui forment mots
qui deviennent phrases
qui font poème sur fond
d'ennui

***

par la pensée
improviser
un lien avec
le monde extérieur
si ténu
que ma pensée
s'y perd
sans rien toucher
rien déplacer

***

écrire
pour se donner un sens
une raison
d'être là de se poursuivre
écrire
comme sorte de religion
où dieu serait le trop présent
qu'on porte en soi
celui qui veut sortir du je
l'absenter
remplir l'espace de sa compréhension
de ses lacunes
écrire



29 nov. 2013

soirée devant la télé

j'avais
en sortant de la médiathèque
la tête pleine de livres
la nuit était là
devant moi
je lui ai demandé de s'écarter pour me laisser
passer
j'ai vu des ombres des silhouettes marcher
marcher
devant marcher à côté
sortir d'Intermarché
je leur ai demandé de s'écarter pour me laisser
passer
j'ai vu les réverbères à la lumière pâle
mourir à petit feu
sous le froid crachin d'automne
je leur ai demandé de s'écarter pour me laisser
passer
la tête pleine de livres
j'avais tous ces noms d'auteurs
inconnus
lointains
étranges
mais qu'avaient-ils donc écrits ?
étaient-ils morts ? vivants ? malades ?
de quoi parlaient-ils ?
est-ce qu'on se souviendrait d'eux dans cinquante ans ?
pourquoi avaient-ils écrits tout ça ?
pourquoi n'avais-je rien lu d'eux ?
j'avais
en sortant de la médiathèque
toutes ces pensées en tête
je leur ai demandé de s'écarter pour me laisser
passer
la soirée devant la télé

22 nov. 2013

Assortiment de crudités (Recueil collectif)

Ça sort le 10 décembre.
J' ai écrit une nouvelle de près de 9 pages (ouah) !
Et je suis bien entouré.




Plus d'infos sur le site de l'éditeur : http://cactusinebranlableeditions.e-monsite.com/

ça arrive tous les jours, y paraît

Un soir
en rentrant chez lui
Jim a trouvé
sa femme
assise sur le canapé
-Qu'est-ce-tu fous là ? lui a t-il demandé
-Je regarde une série à la télé

Une minute plus tard
en rentrant chez lui
Jim a trouvé
un flic
allongé dans le lit
-Qu'est-ce-tu fous là ? lui a t-il demandé
-J'essaie de dormir, mon chéri
-Où est passée ma femme ?
Le flic a pas répondu

Une minute plus tard
en rentrant chez lui
Jim a trouvé
un chien
dans le frigidaire
-Qu'est-ce-tu fous là ? lui a t-il demandé
-J'arrive plus à aboyer mais je peux parler
-Où sont passés ma femme et le flic ?
Le chien a refermé la porte du frigo

Une minute plus tard
en rentrant chez lui
Jim a trouvé
son ombre
pendue au plafond
-Qu'est-ce-tu fous là ? lui a t-il demandé
-T'as oublié de me décrocher, Jim
-Où sont passés les autres ?
Son ombre, enfin détachée, a sauté par la fenêtre
et s'est accrochée à quelqu'un d'autre.


poème perdu

dans un poème
il y a la vie

dans la vie
il y a des cacahuètes

dans les cacahuètes
il y a du sel

dans le sel
il y a de l'eau

et dans l'eau
j'ai perdu les mots

avant
avec les bras pour me noyer
je jouais du piano
et
c'était un merveilleux poème



21 nov. 2013

Ce serait (Co Errante)

Ce ne serait pas 

comme si on ne disait
rien

Ce serait juste
taire l’inutile
éliminer le superflu
rayer le cliché
froisser l’emballage cadeau

Ce serait
la flèche dans le cœur
le caillou dans la chaussure 
le grain de sable dans l’œil
qui forcerait à s’arrêter

Ce serait se défaire
de quelque chose
pour mieux le regarder

Ce serait
dérouter la flèche
polir le caillou et
grossir le grain de sable

Ce serait écrire

dans le tiroir

dans le tiroir
je trouve nos vieux téléphones portables
qui ne s'allument plus
depuis des lustres
et qu'on empile
comme le linge humide sur la
la peinture écaillée
des radiateurs

dans le tiroir
je trouve quelques semblants de bijoux
que tu n'as jamais portés
que tu ne porteras sans doute jamais
et qui s'entassent
avec des petites piles usagées ou
des modes d'emploi d'appareils ménagers
déjà partis
aux encombrants

dans le tiroir
je trouve une carte routière
qui devait nous amener
dans l'ouest du pays
une petite ville sans rien autour 
est cerclée de rouge
et d'un point d'interrogation

Je referme le tiroir
en le laissant tel quel

en vrac

Le tireur fou arrêté près de Paris
les tracteurs manifestent
la neige dans un quart sud-est du pays
l'aide humanitaire aux Philippines
un attentat inter-religieux en Irak
l'équipe de France qualifiée pour la coupe du monde
le moral des français en berne
le beaujolais nouveau
un gentil débat sur la reprise économique
un nouveau règlement de comptes à Marseille
les bonnets rouge
la neige la pluie le vent
l'approche de Noel
les bruits de la ville
le micro-ondes qui tourne
&
ce présentateur qui voudrait me convaincre
qu'il raconte toute la vérité
rien que la vérité

Sans Gene Kelly ni Fred Astaire

traces de doigts
et nez collé
à la fenêtre
la pluie
tombe

les parapluies
se croisent mais
Gene Kelly
n'est plus là
pour chanter

la facteur a
posé son vélo
contre un réverbère
où pissent les chiens
en rut
les chiens n'aboient pas
c'est étrange 
ils ont trop faim d'amour

la sacoche encore pleine
de lettres
humides
le facteur sonne à notre porte

on reçoit le calendrier des
pompiers
une carte postale de Biarritz
&
une revue télé

de ces instants de peu
je fais un rythme
dans ma tête
mais
Fred Astaire
n'est plus là
pour m'apprendre à
danser



Que l'attente

je n'ai pas de colère
pas de rage
pas plus que ça
je n'ai pas l'envie
d'en finir
pas de folie
diagnostiquée
pas plus que ça
je ne suis pas
fonceur OK
mais ne suis ni
aveugle
ni soumis
pas plus que ça
te dis-je
je suis parfois moi-même
au quotidien
souvent je ne suis rien
de plus qu'un jour soustrait du reste
je n'ai pas grand-chose à
attendre mais
je n'ai que l'attente


Pas du matin

chaque matin
c'est le
même rituel
je me lève après une mauvaise nuit
j'ai parfois la gaule
je marche à tâtons jusqu'à l'interrupteur
je mange un truc sucré
ma tête est embrumée
il fait toujours froid dans l'appart'
tes ronflements sont légers
je me souviens peut-être d'un rêve étrange
je réchauffe du café noir
je pisse un coup
je fume une clope à pleins poumons encrassés
j'aère légèrement
quelques lumières sont allumées en face
la vie paraît lointaine
j'hésite
entre
rester éveillé
&
retourner
au lit
&
la journée ne fait que commencer


s'en aller un peu plus

Je ne fais que survoler
sa vie
je suis là
près d'elle mais
je reste en retrait

son sommeil
est si profond
qu'elle semble s'en aller
un peu
plus

quand elle se souvient de ses rêves
elle
voudrait leur trouver
un sens
prémonitoire
je me souviens surtout de la justesse
de sa voix
quand elle parlait de nous de tout de rien

je ne vois pas
ce qui l'étrangle de l'intérieur
elle ne sait pas non plus
c'est comme ça
dit-elle
c'est l'oiseau de proie qui plane
au dessus de ses forces

je reste là
près d'elle
quand même
sait-on jamais

19 nov. 2013

4 crétineries intensément crétines

Passer larme à gauche
avec soupir
en pire

***

Un homme
descend les escaliers
en se demandant
s'il a bien refermé la porte
de chez lui
l'homme remonte
alors
les escaliers
en se demandant
pourquoi
chaque fois qu'il sort
il se pose la même question

***

Un homme
marche tête baissée
dans le couloir
il se cogne contre les murs
tâte son front
et part dans l'autre sens
l'homme
en lui-même
pense qu'il fera taire
ainsi
ce qui l'empêche d'avancer

***

Un homme
HURLE
son prénom
à l'oreille de
chaque personne qu'il croise
bientôt la ville
n'entend plus que ce hurlement-là
bientôt la ville
n'est plus qu'un
HURLEMENT
douloureux
qui s'étend jusqu'aux
oreilles de la ville voisine
et ce sont des
HURLEMENTS
par centaines de milliers
jusqu'à toutes les villes
du pays
et personne ne sait plus comment
sortir de
cette folie-là




Par l'ironie d'une obsession

on marche
marche tout près des vies
qu'on voit
si proches qu'elles
nous échappent
on marche
marche dans un sens
puis dans l'autre
si brusquement que notre
propre vie
rejoint le confluent des autres
elle nous échappe
encore
on marche
marche le regard un peu perdu
avec des mots des phrases
pour soi seul
des arrache-vides
des greffe-consciences
on marche
marche de moins en moins
c'est le temps de l'attente
celui de l'ironie d'une obsession  :
quel est ce mince espoir
d'un réconfort
qui lutte encore
après plusieurs dérives ?

17 nov. 2013

Les moi passent et ne se ressemblent pas (Marlène Tissot)

Je parviens à me souvenir
Sans me souvenir vraiment
Ce sont comme des images animées
Projetées sur un écran blanc
Des choses arrivées à quelqu’un
Qui aurait pu être moi
J’étais un autre corps
Un autre esprit
Quelqu’un avec qui je ne partage
Qu’un ADN
Une gourmette chiffrée
Scientifiquement
Qui ne définie mon identité
Que légalement
Dans ces souvenirs, ce n’est pas moi
Ces souvenirs, je les invente peut-être
Et je me dis que l’avenir
N’est pas différent du passé
Quand je pense au futur
C’est le moi d’aujourd’hui
Que je projette
Dans un décor imaginé
Un moi qui n’existera plus
Dans un film qui ne se réalisera
Probablement jamais
Et tous ces moi chimères
M’encombrent passablement
Mais j’ai peur un peu parfois
De m’en défaire
De me retrouver seule
Avec un moi de l’instant
Qui ne sait ni
D’où il vient
Ni où il va

12 nov. 2013

Le gris d'où l'on revient (Extrait) (de Jean-Baptiste Pedini)

Des fois, on ne s’attend à rien en ouvrant les volets. Un bock de soleil renversé sur la table. Un vieux chat qui le lape. Des bulles. De la tiédeur. Un peu de mousse jaune dans la barbe du ciel. Une brise sucrée. Les enfants qui courent vers la plage en laissant loin derrière leurs ombres essoufflées. Une mer entrouverte. Les dunes désertées. Les nuages collés à la vitre comme de petits post-it froissés. La buée les fait glisser tout doucement jusqu’à nos yeux. Mais on n’y lit qu’une tempête.


Vu à la télé


Deux documentaires
mettant en cause
des puissants
(industriels, politiques)

les faits remontent
aux années 70
&
aux années 80

protections
procédures ajournées
contre-expertises supplémentaires
pressions auprès des plaignants
et bien sûr les meilleurs avocats de l'époque

ces puissants
(industriels, politiques)
abusant de tous les recours
plus ou moins légaux
pour s'en tirer à bon compte

leur mauvaise foi
évidente
était à gerber

&

pris dans la nasse d'une justice
à deux vitesses
les victimes
(des gens simplement "normaux")

ont dû lutter comme des morts-de-faim
une vingtaine d'années
(quand ils n'ont pas laissé tomber)
(quand ils ne sont pas morts avant)
pour obtenir un semblant de réparation

&

aujourd'hui
qu'en est-il, hein
qu'en est-il
(ce n'est pas une question...)


11 nov. 2013

4 autres pensées par 4°

Quand on ne sait pas
quoi faire
de sa propre vie
on se demande si
elle commencera
un jour
à bien finir

***

A tourner
en rond
c'est
comme une force
centrifuge
qui m'empêcherait
de rester tranquille
au milieu
de moi-même.

***

L'homme sale
qui dormait sous un carton
au coin de la rue
est peut-être mort
à l'heure qu'il est

***

Par la fenêtre du voisin
d'en face
je distingue
un intérieur bien rangé
&
la vie confortable
des objets
qui ont l'âme
bien comme il faut
&
le voisin tire les rideaux
sur ce qu'il a de plus cher
Je retourne
à ma vie



4 pensées par 4°

Tendre la main au froid
regard
espérer vers soi
le glissement d'un sourire

***

Dire les choses comme
elles sont
(si tant est qu'elles soient ce qu'elles sont)
quand elles seraient plus
faciles à taire

***

De mes lointaines années
il reste
un peu de ma mémoire
c'est peu, si peu
parmi
ce qui a disparu
mais ça finit par ressembler
à mes lointaines années.

***

Certains jours
se figent
en une épaisse congère
sur le bas-côté
d'une vie
en attendant de
leur donner une couleur
plus vive