31 mai 2013

Une belle proposition

A cette époque j'avais les cheveux longs
jusqu'au cul
je portais un chapeau
toujours le même
empli de pellicules
grasses
et un pantalon en nylon
toujours le même
troué au niveau
des burnes
j'écoutais parfois Nirvana
je lisais encore Bukowski
j'écrivais quelques poèmes pourris
(mais je m'en rendais pas compte
qu'ils étaient pourris)
je buvais mon café du matin avec une
bonne rasade de rhum
en salle de pause
(avec un pote qui tenait bien mieux l'alcool que moi)
et ça me plaisait
d'aller bosser
comme un clochard
l'ambiance était sympa
cool
les heures de travail
passaient vite
finalement

Un jour le boss
m'a convoqué dans son bureau :
-T'es le plus ancien ici, Mobert.
-Exact
-Tu voudrais pas évoluer ?
-C'est-à-dire ?
-J'te vois bien devenir TeamLeader... T'as le charisme, les compétences qu'il faut...pour encadrer ces jeunes, là...
Il a marqué un temps d'arrêt
me scrutant de
haut en bas
-Mais putain c'est quoi cette dégaine ?
J'ai rien répondu
juste souri
-Tu crois que ça fait sérieux un mec sapé comme toi dans une entreprise ? Si on reçoit des clients ? Si le grand patron s'amène à l'improviste, j'aurais l'air de quoi ? T'en penses quoi, Mobert ?
J'ai rien répondu
juste continué à sourire
(plus ou moins)
-C'est pas grand-chose : juste t'habiller correctement et te couper la tignasse... Mobert ?
J'ai rien répondu
juste ravalé ma haine
du système
(ça se travaille sur le terrain le statut
de looser)

Neuf ans plus tard
j'étais toujours dans l'entreprise
(le chef avait été remplacé par un autre chef puis par un autre etc)
j'avais coupé mes cheveux depuis pas mal de temps
j'étais mieux fringué
mais
je n'avais pas su saisir ma chance au bon moment
parce que
j'étais toujours au même poste
avec le même salaire
(quasiment)
sauf que
les meilleures propositions
(rares soit dit en passant)
appartenaient désormais
à un passé bel et bien révolu :
j'étais en passe de me faire
licencier
comme une grosse merde
pensé-je un peu amer
(mais pas trop)

30 mai 2013

Trucs machins chose

Elle s'est endormie
dans le lit 
du fleuve
autant dire 
qu'elle a déjà
bu sa tasse
avant même
que le réveil ne sonne

***

A la fenêtre d'en face
un homme
me regarde
vivre
à peine
et ne rien faire
devant l'ordinateur
je ne sais pas trop
s'il m'envie
(pourquoi pas)
ou
s'il me hait
(de lui ressembler
comme deux gouttes d'eau)

***

Sur le toit
un oiseau roucoule
d'amour
et
de sexe
près de son oiselle
quoi d'autre ? 
attendre, picorer, chier
et
puis
crever
un jour ou l'autre
à peu de choses près
je pourrais grimper sur
le toit
à sa place

***

Croquer la vie
à pleines dents
on verra...
d'abord passer chez
le dentiste
pour 
me faire extraire
une molaire
toute
pourrie
(enfin ce qui était une molaire
au tout début)

***

Elle aime danser
j'aime la regarder
danser
dommage que la musique
se soit 
tue

***

Je vais demander
au dentiste
de bien m'anesthésier
j'ai peur d'avoir mal
j'aime pas la douleur
la dent bouge beaucoup
je vous l'offre
en souvenir
de mon manque de 
courage

29 mai 2013

pouvoir souffler comme le vent dehors

un long interminable tunnel qui mène nuit et jour au même endroit d'où vient d'étouffer à ce point dans cette vie étriquée que nous menons on n'en profite pas assez me répètes-tu sans cesse il faudrait pouvoir souffler comme le vent dehors sur les arbres plantés dans les minuscules jardins municipaux nous autres ne savons pas le faire l'argent manque cruellement de poésie l'argent toujours leitmotiv quand il sait si bien modeler le quotidien de mots usuels crédits factures relances chômage d'un long interminable tunnel j'ai bien peur de lire minable dans tes yeux d'où vient d'étouffer les larmes d'un cri qui ne sort pas comme retenu par les mains de l'abattement toujours dans ce long interminable tunnel faites qu'un jour il se s'écroule pas sans qu'on ait revu un filet de lumière

25 mai 2013

Dilution (La Nouille Martienne)

chaque soir
elle s'applique un disque
coton sur le visage
et même le cou 
la couleur  déteint
devient inqualifiable
c'est doux pourtant
les yeux se ferment et lentement
elle repasse les contours
s'attarde sur les creux
quand elle ouvre les yeux
dans le miroir sans état d'âme
se reflète un vide anonyme
chaque soir  
elle s'efface



Course contre la montre

Dans l'anuit
je marche
à touta
lure
du métro
à la partemendu
3è éta
ge
jusqu'à dix
paraître
con
plètement
happé par la
force du re
pli
sursoi

24 mai 2013

de ville en ville fantôme j'ai marché

De ville en ville
fantôme
j'ai marché
avec un clou
entre les orteils
l'oiseau a chié
plusieurs fois
sur mon crâne
le même oiseau
me suivait
depuis ma naissance
les voitures
ont freiné
parfois trop tard
sur mes pieds
écrasés
mais
de ville en ville
fantôme
j'ai marché
avec un clou
entre les orteils
il y avait du sang
partout
et un seul
oiseau
perdait ses plumes
sur mes chaussures
trouées
les infirmiers
qui m'ont sauvé
m'ont trouvé beau
et laid à la fois
ils ont dit que
je sentais des pieds
que je n'étais pas
un fantôme
que je racontais vraiment
n'importe quoi
ils m'ont enfermé dans
un placard
avec un
poème d'Allen Ginsberg
pendu par les couilles
et un
ticket de métro vieux
de 45 ans
qui sentait
le sperme chaud


23 mai 2013

le haut de la citerne

je suis déjà
en nage
dans mon bleu de chauffe
un peu trop large

derrière une
énorme citerne
il me dit :
-viens on va s'en griller une là
comme j'hésite
un peu
il trouve à me convaincre :
-t'inquiètes, le boss peut pas nous voir d'où il est

je pose mon grand pinceau
et le seau maculé d'huile
par terre

-moi, c'est Bob
-Thierry, je réponds
je lui demande ça fait combien
de temps qu'il
bosse dans la boîte
-deux ans, un peu plus peut-être
puis je lui demande si
ça lui plaît
ici

il se marre comme une baleine
et les regards d'autres ouvriers se tournent
vers nous
-merde, y'en a bien un qui va nous dénoncer, tu vas voir !
qu'il fait
tout bas

puis il énumère sur ses doigts
d'un ton presque doux
de 1-ici, c'est ambiance de faux-culs
de 2-le patron est un enculé
de 3-le salaire est pourri
de 4-je te parle pas de l'organisation, des rotations

il me tend une
heineken 33cl
sortie d'un sac plastique à ses pieds
et tiédie
par le soleil
-je trouve pas de 5 pour l'instant mais j'te jure qu'il doit bien y en avoir un...
-t'as sans doute raison
-à la tienne, mec ! faut faire avec c'qu'on a, hein ?

un peu plus tard dans l'après-midi
fatigué par
la répétition des efforts
je prends une petite pause
clope
bien méritée
à l'abri des regards

mon collègue de tout-à-l'heure
(il a l'oeil)
vient me voir et
ma lance gentiment :
-t'avances pas vite, nom de dieu... tu veux un coup de main sur le haut de la citerne ?
-nan ça ira, j'vais m'y remettre
-c'est la première fois que tu bosses sur un chantier, hein ?
puis il me dit
tout sourire:
-et de 5, j'ai trouvé.. je crois que t'es pas fait pour ça !

on s'est salué
à la fin de la journée
et j'ai repensé à lui
le lendemain
quand je suis resté
chez moi
fourbu de partout


22 mai 2013

Un renoncement aux paradoxes

par paresse
ou
par commodité
mes pensées
ne dépassent
pas
la limite
autorisée

elles se situent
dans un espace
temps/lieu/causal
bien coordonné
&
couru
d'avance

une mémoire
très
sélective
permet au présent
d'exister
sans encombre
parmi les autres /
avec moi-même

l'usage même
restreint
que je fais
des mots
cédant sans doute à la facilité
du simple /
oubliant la richesse
inouie de la langue /
participe de cet
effort
du peu

auquel je prête
parfois
une bien meilleure intention
et qui se pourrait être
une forme
de sagesse
ou
de maturité

ne m'empêche nullement
de nommer "je"
nommer "moi"
sans y voir
forcément
un renoncement
ferme
aux paradoxes



17 mai 2013

5 autres crétineries



Si l'existence
précède
l'essence
alors le baril de brut
ne sert à
rien
(j'ai quand même fait le plein
au cas où ce soit l'inverse)

***

Après un rapide entretien
(de ses seins)
il l'a embauchée
sur le champ
espérant mieux
la débaucher
ensuite

***

Nous avons parlé
de tout
et de rien
au final c'est
le rien qui
l'a emporté.

***

On se serre la main
on se regarde droit dans les yeux
on se sourit
on se parle normalement
à part ça ?
on ne peut pas se blairer !

***

Aujourd'hui c'est
vendredi
c'est sans doute l'assertion
la plus faussement
évidente que
j'ai eue à écrire
aujourd'hui.



8 Fois debout (FILM de Xabi Molia)


Week-end



on s'arrêtera
au bord de l'autoroute
avec nos casse-croûtes
déjà préparés
la veille
tu me diras en plaisantant que
je n'ai pas vraiment
le sens
de l'orientation
je te répondrai
qu'on s'y
retrouvera quand même
tu me diras de ne pas dépasser
la vitesse
autorisée
je te répondrai que le moteur
devrait pouvoir tenir
jusqu'au bout
parce que

cette vieille
Clio
nous mènera bien
encore dans des endroits
insolites
en pleine campagne
puante de lisier
ou le long
de falaises
à pic
de la côté atlantique
ou près
d'une plage touristique
et on finira
par dégoter un
hôtel
pas cher
près d'une zone
industrielle
et on prendra
des photos
de nous deux
dans cette chambre
minuscule
en train de nous reposer
d'un si long voyage







Ni trop... ni trop peu


ni trop
ni trop peu
ça commence
dans la douceur
avec ce franc soleil
matinal
&
de la bonne musique
en arrière-fond
&
un dernier rêve
plutôt amusant
(je me souviens juste de la fin)
&
un café bien serré
posé à côté
&
l'odeur
parfumée de
ses cheveux encore
mouillés
puis
des mots
échangés
qui ne heurtent
personne
puis
simplement
voir naître
à l'éphèmère
les volutes
des fumées de nos
clopes
sans songer à rien
de grave
&
approcher
lentement du
souffle de
l'autre
&
ça pourrait continuer
encore un peu
comme ça
n'est-ce-pas
&
s'en tenir à ce précieux
équilibre
des choses
sensibles
&
ça ne serait
ni trop
ni trop peu


16 mai 2013

Dimanche (Mu LM)


Dimanche, je prendrai mes enfants sous le bras et nous irons pêcher
Nous sortirons de la gibecière 
(ce n'est pas le bon mot
j'aurais du dire sac 
ou poche 
car ici on dit poche 
on porte à bout de bras les trous de nos tissus)
des vers

Sur le bord du fleuve, il fera beau
Les dimanches dans mes poèmes, il fait toujours beau
un trou à la main, des moucherons dans le cerveau
à balancer en rythme les enfants sous le bras
dans l'eau grasse les vers
à attendre
attendre
attendre
dans x fois huit lettres 
l'infusion des secondes 
le frémissement de la corde tendue
(le fil de pêche est épais comme un gros ombilic 
noué entre des rires et nos vieux souvenirs)

Derrière ou à côté
une fille noire lippue  
(moi ?) 
embrassera à pleine bouche
un homme trop grand pour elle
(lui ?)
c'est comme ça le dimanche
les espérances folles et la crudité nue

Jusqu'à la fin du jour
des couleuvres
des poissons
des regards globuleux
(ô magie du poème
gobe)
frétilleront dans l'herbe au bord de la Garonne

Son blog : http://l-oeil-bande.blogspot.fr/

Opération secrète


les éboueurs
ont repéré
un lourd sac plastique
hermétiquement fermé
&
pestilentiel

ils se sont longuement
dévisagé avant
d'appeler les flics :
-on dirait une sale odeur de cadavre

quand la police
scientifique
a ouvert le lourd sac plastique
pestilentiel

une masse colossale
de chiffres
d'euros comptables
et de comptes bancaires
s'est déversé sur le trottoir

avec un bout d'adresse
mal déchiré
provenant de l'Elysée...





Un tout dévasté ?


je m'installe à ma table de travail
c'est-à-dire que je fixe
l'écran de l'ordinateur
une bonne partie de la journée
(ç'a un côté un peu monomaniaque).
(et certainement aussi un aspect maladif)

je t'entends paisiblement ronfler
dans le lit
(tu n'es pas allée bosser aujourd'hui).
(tu as perdu énormément de poids ces derniers temps)

pourtant
il reste un coin de ciel bleu
au milieu des nuages
sombres
(acte de résistance voué à l'échec ?)

je lis des articles d'actualité
des faits divers
des informations sur les people
les résulats de foot
je lis les décès survenus cette année
les années précédentes sur Wikipédia
mais aussi les biographies
succinctes de poètes déjà morts
et enterrés

pourtant
il reste une chance de s'en sortir
sans sombrer
complètement
(est-ce qu'on y croit vraiment ?)

j'ai besoin d'une n-ième clope
d'un n-ième café noir sans sucre
d'apprendre à respirer convenablement
j'ai besoin de
ne plus sentir cette boule au bide
j'ai besoin de quelque chose de
constructif
de te prouver que tu
n'es pas toute seule
à surnager dans cette merde

pourtant
il n'y a bien que mes poèmes
(certains d'entre eux, tout au plus)
qui sachent
vivre au dessus du vide
(est-ce qu'ils ont un avenir ?)
(est-ce qu'ils font partie d'un tout dévasté ?).


15 mai 2013

Rien n'a vraiment changé


je collectionnais
les magazines
quand j'étais adolescent
les Pariscope
les Onze-Mondial
Les Historia
les France Football
du mardi et du vendredi
les Télé 7 Jours
des fêtes de fin d'année
je cachais aussi
quelques photos un peu érotiques
souvent en noir et blanc
découpées dans les magazines
d'information de mon père

je les empilais dans
une double armoire
ça pesait son poids
ça n'avait aucun sens
d'empiler ainsi
des magazines que je ne rouvrais
quasiment jamais

j'ai continué à collectionner
ces mêmes magazines
et d'autres
en habitant
un studio de 20m2

et puis
j'ai fini par tout jeter
à la poubelle
ça n'avait aucun sens de tout
jeter ainsi

c'était comme effacer
une partie de moi
qui ne ressemblait certes à rien
de consistant
mais qui avait pris toute
la place de la
consistance

c'était prendre le risque
de déclencher
un obus
et d'y creuser un
trou de
mémoire
sur tout le reste

aujourd'hui
je ne collectionne
plus rien
mais je note
scrupuleusement
sur l'ordinateur
tout ce qui m'arrive dans
les moindres détails les
plus insignifiants

ça n'a aucun sens
d'empiler ainsi
mémos sur mémos
année par année

ça n'a aucun sens


fort sens commercial


c'est bien payé
mais
c'est pas pour moi
l'annonce précise
qu'il faut être doté
d'un fort sens commercial

je sors une bière du frigo
je demande à ma femme
pourquoi je ne suis pas
doté d'un fort sens commercial

elle me sourit gentiment
-t'as d'autres qualités, mon amour
-peut-être, mais pas pour l'annonce
-t'en fais pas, tu trouveras bien quelque chose
-ouais, ouais

je bois une longue lampée de bière
je demande à ma femme
si elle m'aime toujours
même si j'ai pas un fort sens commercial
-y'a pas que le fric dans la vie, me dit-elle

puis
elle approche

son souffle est sur
ma nuque
-j'ai envie de toi

sa main est sur
ma queue
fièrement dressée
-je t'avais bien dit que t'avais d'autres qualités, mon amour

à ce moment-là
j'ai bien failli
la croire





Frigo là-haut ?

plusieurs fois
le soleil a couché
avec la pluie
et de leur union
hasardeuse
est née
une tripotée
d'arc-en-ciels
embryonnaires
portés disparus
depuis

Une petite histoire de mouche

il était une fois
une mouche à merdes
qui en avait marre
de renifler les excréments
elle resta un an sans rien faire
d'autre que regarder
 les autres mouches à merdes
qui ne sachant faire que ça
reniflaient les excréments
elle mourut
écrasée
comme une merde
à défaut d'avoir été mouche

Grand Seigneur

le siège sur lequel je suis assis
est une reproduction
de style Louis XV
ce qui me donne l'impression
de gouverner
la royaume des
pixels
&
de Navarre
devant l'écran de l'ordinateur

En attendant...


les jours passent
plus ou moins
vite
plus ou moins
identiques
c'est banal
lancinant

et l'horizon dans tout ça ?

d'un côté le carcan
de l'autre la phobie
au milieu c'est une tête
lestée
de tension
vague

qui se dit :
mieux vaut
s'enfermer
ici
volontaire
(mais la volonté se fout bien
d'elle-même)

alors que tant d'autres
y sont déjà
les pieds et les poings
déliés

puisque

la vie poursuit son
cours
juste à côté
(c'est ailleurs, c'est si loin)
(ce sont des bruits, des pas
des gens abstraits en somme
on ne se connaît pas)

on chercherait en vain
ici
l'alchimie
d'une réussite
&
le soupçon
d'un renouveau
(un modèle neuf et bien ficelé)

s'enfermer
volontaire
en attendant mais
que faire
d'autre
quand l'attente
paraît
interminable

et

qu'elle mène à
une voie sans issue
(c'est le serpent qui
se mord la queue) ?

8 mai 2013

Impro



je laisse glisser
les mots

les uns après les autres
sans trop savoir
si ça va donner
quelque chose

parfois
les mots
se bousculent
avec fluidité

s'estimant en droit
de venir noircir
la page

puisqu'ils le
veulent

puisque ce sont
les mêmes
que d'habitude
à peu de choses près

quant aux autres
mots
ceux
qui pourraient
fournir d'autres images
ils ne sortent pas
si facilement
que ça

est-ce de la
retenue
est-ce de l'
ignorance

et quand la page
est bien noircie
comme c'est le cas 
à présent

je me rends bien
compte
que quelque chose
cloche vraiment

qu'il y a un
blocage
que des connections
nouvelles
ne se font pas

qu'une paresse
finit par remplacer
l'impuissance
à faire mieux



et ça leur donne la dalle


avec toute cette pluie
qui se déverse
sur la ville
les hommes et les femmes
le nez à la vitre
voient

pousser
de plusieurs centimètres
les hommes et les femmes
dehors

qu'ils comparent à des
carottes à des
navets à des
brocolis

ils n'ont pas de jardin
par ici
et ça leur donne
faim.


7 mai 2013

comme aujourd'hui, brouillard...


Demain
sera
tristesse
comme
aujourd'hui
brouillard

quel poids porteras-tu sur
les épaules ?

quelle pensée t'obsédera
au point d'en perdre
l'appétit ?

quelle sensation ton corps
quelle image ton passé
quel sourire pour adoucir

ce qui ne se dit pas ?



5 mai 2013

D'être quelqu'un à tes yeux ?


Je sais que je tiens-là
une justification
aussi absurde que romantique
à mon manque d'ambition
professionnelle

et à tout ce qui en
découle
de négatif -
par exemple dans le
regard des autres -

oui, j'écris des poèmes
oui, j'écris de courts textes en prose
non, je ne fais rien d'autre
pour alimenter le compte en banque

suis-je encore
digne
d'être quelqu'un à tes yeux ?

Anniversaire !

Tu viens d'avoir
trente-huit ans
aujourd'hui
tu observes dans la glace
les avancées
du temps
et tu en conclus
qu'il n'est vraiment pas nécessaire
de souffler toutes ces bougies
comme si c'était jour
de fête

Couches superposées

Une pensée
en amenant une autre
sans forcément un lien
entre elles
il m'est parfois très difficile
de savoir
si elles ne sont pas
seulement
les couches superposées
d'un vieux mur
peint
&
repeint
à plusieurs époques
différentes.

3 mai 2013

La métamorphose des cloportes (FXF)


La métamorphose des cloportes

Le miracle en poésie
c’est qu’un type
affreusement dégueulasse
peut s’avérer être
un excellent poète
et qu’un type
absolument formidable
peut au contraire
se révéler être
un très mauvais poète
Je pense me situer
entre les deux.

© François-Xavier Farine - 24/04/2013.

Pschiit !



La prédisposition au
Bonheur
Ce doit être un truc
Dont on parle
Sans l'avoir jamais vu
Et ça fait pschiit !

Sans haine, ni arme, ni violence ni rien de tout ça


A trop écouter les
faits divers
à la télé

voilà que
le fantasme naît

y'en a toujours un qui
finit par retenir notre attention
plus que les autres

fourgon blindé / attaque d'un distributeur...

des fois on en parle
en se disant qu'on pourrait
faire la même chose
on plaisante bien sûr

et puis des fois
on y pense plus sérieusement

parce que pour se sortir
de la merde
y'a pas trente-six solutions
elle doit être radicale

sauf

qu'on se heurte
à de gros problèmes
logistiques
ça ok

&

surtout
de conscience

sous ce mot
peut-être
la lâcheté
va savoir

ou bien

le besoin qu'on en a
n'est-il pas encore
si désespéré qu'on croit

en attendant d' y voir plus clair
velléitaire
de toujours

je relis Curzio Malaparte
quelques pages
de sa "Technique du coup d'état"

ça peut servir
un jour ou l'autre
sait-on jamais...






ordinateur chronophage

quelques mots
à l'emporte-pièce
mémoire, que faire, sortir, plus tard, chercher,
soleil, grilles, toujours le même
la même, enfance(s)s, déni
jamais, peut-être, plus tard
pourquoi, sans raison, trop loin, pourtant

justement le temps
qu'on n'a plus trop

le lien existe

sensible
à ce qui m'empêche
d'avancer

et c'est facile de comprendre que
ce qui m'en empêche
vraiment
d'avancer
aujourd'hui

c'est très simple :

le cul collé à cette chaise
confortable
devant l'ordinateur chronophage

Qui t'attend et se sent inutile


Assise à ton poste de travail
je t'imagine
en train de regarder
par l'une des fenêtres

l'herbe
taillée
arrosée par les
puissants jets d'eau

de suivre
le parcours précis du jardinier
penché sur les
lilas les roses & les gardénias

de lever les yeux au
ciel
un instant
pour savoir si les nuages
ressemblent à quelqu'un
que tu connais

et d'avoir
de fil en aiguille
une petite pensée pour moi
qui t'attends - et me sens inutile

puis de te concentrer
à nouveau
sur les nombreux objectifs
de ton planning quotidien

avant que le chef
revenu de ses statistiques
à la con à la clé
ne transmette tout son stress
à l'équipe

je ne peux rien pour toi
mais
je suis là
qui t'attends - et me sens inutile






2 mai 2013

Un message fort à faire passer !


Allongé dans
mon lit je rêve à des mondes
parallèles

le peuple des gouloulous
qui vit sur les
réverbères
ne rencontre jamais
le peuple des falalas
qui s'est installé
au milieu de la route
s'ils se rencontraient
...

Je tire subitement
de ma poche
un tract sur
lequel
est écrit
"NON au capitalisme sauvage !"

Je me souviens du mec
qui me l'a filé
ce tract
il ressemblait à n'importe qui
portant barbe grise mal rasée
lunette d'intello
jean cool
&
un message fort à faire passer
au plus de monde possible
OK

Puis je reviens
vers les mondes parallèles
parce que si les gouloulous
&
les falalas
lisaient le tract
peut-être que ça changerait
la donne dans ce monde
non ?








la panoplie de l'anti-héros


Je passe
devant
la fenêtre
sale
devant
la tasse de café
vide sur
la table
devant
la petite araignée qui
tisse une toile
presque invisible
devant
l'armoire aux poètes
suicidés
déglingués
devant ce
qui nous mène par
le bout du nez
devant l'acharnement
du manque
devant ta pile
de médicaments
mystérieux

et ce n'est pas de l'indifférence
vois-tu

je passe devant
tout un tas de choses
qui n'en demeurent pas moins

bel et bien là

on n'efface pas d'un coup de
baguette magique
l'ombre de Brautigan
&
la panoplie complète de l'anti-héros

on les fait cohabiter
au mieux

1 mai 2013

réflexe

ciel d'automne
au printemps
pluie battante

envie d'écrire
des mots sans savoir
où aller où finir

envie de jouir
tout simplement
sans pression ?

envie de petits riens
de quelque chose
et la chanson besoin de rien, envie de toi

qui me vient
comme réflexe conditionné
par la mémoire, putain de mots

ciel d'automne
au printemps
nuit tombante


des progrès à faire


On se fait face
dans la pièce
à l'écart du bruit
ambiant

-Notre entreprise est en pleine expansion, on cherche 3 postes, votre profil...
etc

l'entretien se passe
cordialement
sans questions trop
embarrassantes
enfin disons que c'est
juste du réchauffé - j'ai l'habitude maintenant.

puis elle me regarde
un peu gênée :
-Excusez-moi d'être aussi directe mais comment dire...
-Oui ?
-Vous avez 45 ans... et on a la désagréable impression que vous stagnez professionnellement...
-Je suis bien d'accord avec vous.

elle ne s'attendait sans doute pas
à ce que j'aille dans son sens
aussi vite
sans montrer
aucune rebéllion
aucune honte
aucun remords

me contentant d'un sourire
sincère
qui en dit long
trop long pour elle
-Vous n'envisagez donc que des boulots alimentaires, en fin de compte ?
-Oui, c'est exact...mais ça ne m'empêche pas d'aimer ensuite - parfois - le boulot que je fais.

elle a un de ces regards
dubitatifs
qui laisse peu de chance
à l'espoir

parce que
savoir convaincre
faire sa pute
ce n'est pas donné
à tout le monde

j'ai des progrès à faire, je crois

NON
j'en suis sûr



Chronique...



Il y avait une petite rivière ici
Dans le temps elle prenait sa source par là-bas
Jure le vieil homme
Montrant du doigt
L’eau stagnante d’un caniveau
Souillé
De pisse.

(Extrait d'un truc en cours)

4 Crétineries d'un mercredi pluvieux


Je gare ma voiture
juste
devant chez moi
je sors une grosse corde
que j'accroche au mur
solidement
je démarre
en tirant
mon appartement
loin de la ville.

***

Elle lit dans les
lignes de ma main
me dit qu'il faut
filer droit au but
ne plus tergiverser
ne plus hésiter une
seule seconde
-c'est écrit là me dit-elle
je ne savais pas les lignes
de ma main aussi
bavardes...
moi qui suis plutôt
timide.

***

Il pleut
des phrases toutes
faites
dans une grisaille
de mots
inutiles

***

Je consulte mon compte
bancaire et je le trouve
bien maigrichon
celui-là
presque rachitique
je me demande s'il ne lit pas
en cachette
les magazines de mode
féminin
avec d'anorexiques mannequins
en couverture