24 déc. 2015

bordel de merde (un putain de bon texte de Heptanes Fraxion)

bordel de merde

à l'heure qu'il est
avec le temps qu'il fait
ils vont éviter la ville
le cowboy de l'espace
et le poète obscur
et se caler au bar 
que tient la rouille
au bord des rails
au crépuscule
loin de la route
à coté du parking 
à gauche du hangar
qui fait aussi camping
deux parpaings
une grille 
quelques saucisses
quelques bières à craquer
à même le sol
sur le béton
à la santé du chien Platon
tabac de cuisine
et pommes des fous
y a le ciel du soir qui enchaine
les archipels et les pochoirs
bordel de merde
comme c'est vital parfois
de décevoir

FC Nantes de mon enfance

Saison 1978-1979


Stade Marcel Saupin (à Nantes)




Saison 1977-1978

23 déc. 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 37)

Un jour au collège
je fais l'école buissonnière
avec des copains de classe
c'est même pas de ma propre initiative non
je me contente simplement de suivre le mouvement
pour bien m'intégrer dans la bande quoi
ce jour-là
je fume ma première clope
et je trouve ça super cool
on joue au flipper
dans un bistrot du centre-ville
je m'éclate comme un fou
ce jour-là
on me demande ce que j'écoute comme musique
-heu ben un peu de tout, je réponds vaguement
je vais quand même pas leur parler de Guy Béart ou des Tri Yann
-tu connais AC/DC ?
-ouais, ouais
-t'as l'air d'être bon en classe, toi
-bah non pas vraiment et de toute façon j'm'en branle pas mal
on me demande si j'ai déjà embrassé une fille sur la bouche
parce que eux ils l'ont fait hein
ils sont même allés beaucoup plus loin
mec si tu vois ce qu'on veut dire
je me marre avec eux évidemment
ce jour-là
on me propose ensuite un truc roulé
avec de l'herbe
qui sent fort une fois allumé
mais j'ose pas leur demander ce que c'est
je veux pas passer pour un abruti complet auprès de mes nouveaux copains
je tire quelques taffes
et je commence à me sentir mal...
ce soir-là
je crois que je reçois
la plus grosse branlée
de mon père
&
de ma mère
réunis
dans une parfaite entente pour l'occasion
on me prive aussi de ce qui me tient le plus à coeur
à savoir :
deux mois d'entraînement
et
de matches de foot
ce soir-là
j'ai bien conscience que dieu n'existe pas
ou alors il ne m'aime pas...
putain de vie !





Les mots, en peu de mots

Les mots
stricto sangsues
me collent à la peau.

***

Pas facile de reconnaître
le mot de trop
il est timide
il est discret
il est finalement très effacé.

***

Le moi
s'imagine
un tas de possibilités
parce que les
mots
qu'il écrit
lui échappe.

***

J'aime embrasser
ta langue
étrangère.

***

Les mots
sont des condamnés
à mort
en sursis.

***

Tes mots
portent
les habits noirs
d'un combat
perdu d'avance.

***

Les mots
s'envolent
à condition d'ouvrir
la bouche
&
les fenêtres

***

Quand je dis je
à qui crois-tu que
je me parle ?






Catarrhe N°18

Au sommaire du Catarrhe N°18 (décembre 2015) : 
L'éditorial : « Noël blanc » du boss Jean-Paul Verstraeten. 
Marc Sanders. André Stas & Éric Dejaeger. Paul Guiot. Lou Dubois. Jean-Paul Verstraeten. Thierry Roquet. Céline Maltère. Thierry Lechat. Patrick Beaucamps. Christine Schmidt. Fabrice Marzuolo. Éric Dejaeger. Perrin Langda.
Dessin de couverture et petites illustrations d'Olivier Texier







22 déc. 2015

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 36)

La R16 bleu foncé
file sur les petites routes
quasiment désertes
interminables et sombres
la voiture presque neuve
souffre déjà du long voyage
et nous aussi
on ne chante plus
on ne joue plus à reconnaître
les panneaux de signalisation
avec des cartes
on ne parle plus de ces deux semaines de vacances
excitantes
en terre étrangère
mais au moins
on ne crève plus de chaud
sur nos sièges en skai
la nuit est fraîche par ici
lors de la traversée de la Manche
en hydroglisseur
j'ai vomi tout mon déjeuner et mes tripes
j'ai découvert le mal de mer
aussi fort que mon horreur des huîtres
nous voici quelque part
dans la campagne anglaise
sans doute un peu perdus
mais ça, papa ne l'avouera jamais
à chercher l'adresse
de notre location Bed & Breakfast "chez l'habitant".
mon frère roupille profondément
je tente d'en faire autant
mais je me sens encore vaseux
maman se retourne de temps à autre vers nous
elle me sourit
un sourire à la fois tendre, forcé et fatigué
-on est bientôt arrivés ?
maman me répond vaguement oui
jetant un oeil sur la carte routière
puis elle se met à hurler
tire brusquement sur le bras gauche de mon père
en apercevant le poids lourd qui fonce droit
sur nous
-Attention ! Attention !
papa se replace vite fait sur la bonne file
celle de gauche celle de l'Angleterre
sans répondre au klaxon énervé
ni au doigt d'honneur du conducteur d'en face
en toutes circonstances
papa cherche à garder la maîtrise et son calme
maman n'en peut plus
elle commence à craquer à pleurer
-Qu'est-ce qui se passe ?
demande mon frère qui vient de s'éveiller
-Les anglais sont des malpolis
lui répond papa
qui se met à chantonner We all live in a yellow submarine
posant sa main virile sur la cuisse de maman
moi je pense déjà avec angoisse au retour en hydroglisseur






21 déc. 2015

Marlène Tissot & compagnie (avec un texte de Saida)


Au sommaire : Marlène Tissot, Lidia Badal, Samantha Barendson, Isabelle Bonat-Luciani, Séverine Castelant, Hélène Dassavray, Estelle Fenzy, Alexandra Kalyani, Mélanie Leblanc, Mijo, Murièle Mdély, Perrine le Querrec, Jany Pineau & SAIDA !!!!!!!!!!!!!!!!!!

Couverture souple, 108 Pages
Prix : 6,00€ (HT)
Édité par Walter Ruhlmann
Co-édité par Marlène Tissot
Illustration de couverture :
« Broken Doll», photo Marlene Tissot




19 déc. 2015

Les bruits de la nuit ont un petit air de death metal
griffu
bagarre de matous sur le toit
cris de guerre pour un bout
de territoire
l'un des deux finira par se casser
(et peut-être revenir avec plus de stridence dans la gorge)
je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet vide à la poubelle
faut que j'mange quelque chose

Au loin
les bruits de la nuit ont un petit air de punk rock
vintage
sirènes de flics de pompiers d'ambulances
au choix
motos scooters bagnoles qui
défient la vitesse du vent
dans l'avenue
des hurlements de poivrots des tatoués qui se battent
en duel
autour d'un feu de poubelle
et leurs cadavres de bouteilles
des poètes qui tentent d'écrire
en rythme
le fameux meilleur poème de leur collection
avec tout ce qu'il faut de concentration fatiguée
et qui en restera là : au stade de tentative

Les bruits de la nuit ont un petit air de folk
triste
on repense à ce qui s'est dit
entre nous
à ce qui se trame
dans les coulisses du monde
on a en tête une mélodie de Leonard Cohen
qui s'insinue
en plein coeur
on se souvient
qu'on n'a pas fait grand chose de sa vie
qu'on ne fait pas grand cas
des signaux d'alerte
qu'on court après des chimères
qu'on ferait mieux de fermer sa gueule
une bonne fois pour toutes

je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet est le dernier
les bruits de la nuit ont un petit air de fin
du monde
(tout rentrera dans l'ordre au matin faut pas s'en faire)




18 déc. 2015

Vivre s'apprend sur le tas


A chaque jour suffit sa peine
on se contente parfois d'expressions toutes faites
on se contente de ça
en attendant mieux
alors oui, à chaque jour suffit sa peine
(le mieux ne viendra sans doute pas)

Les motifs de satisfaction
alors, là, sont pas légion ceux là
c'est dur pour tout le monde comme ils disent
faut faire avec faut faire sans faut faire
quelques conseils placardés dans un coin du cerveau
maîtriser la respiration
laisser venir les pensées
y compris les sombres pensées oui
les laisser repartir
ainsi chasser l'angoisse
ça marche ? tu crois ça marche ?
ensuite s'esbaubir d'un vol d'un chardonneret
(il n'y pas de chardonneret par ici)
(pas grave, on peut en inventer, ça s'invente un chardonneret)

Les chiffres nous cernent
le prix de ceci
les chaînes télé
la taille de mon sexe en érection au repos
je ressens moins de désir est-ce ma faute ?
la valeur de notre appartement
les dettes du dossier de surendettement
l'âge de nos artères
la radiologue m'a dit que j'avais les artères de l'aorte déjà bouchées
qu'il fallait faire gaffe
ça ne m'inquiète même pas vraiment

Tu peux pas rester comme ça
comme ça rester sans rien faire
tu peux pas tout simplement tu peux pas
tu veux bien m'aider s'il te plait ?
la poésie ta poésie n'y suffit pas bordel de merde
l'amour non plus
(ce qu'il reste entre nous)
"Poste de téléconseiller"
pas dans la vente
le conseil, uniquement le conseil
je sais pas vendre, je n'aime pas vendre
penser à relire les Initiés de Dan Fante
par exemple
et des exemples on en tire des expériences
et ainsi va la vie continue
à couler quelque part
la somme de nos irrémédiables
lacunes
(vivre s'apprend)


17 déc. 2015

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 35)

Je me souviens rarement de mes rêves
mais celui-là revient
parfois
avec la même insistance
je tourne je tourne
toupie
aspirée par un vide
obscur
sans fin sans fond
je tourne je tourne
pris dans une chute
vertigineuse
la chute
n'en finit pas
m'engloutit quelque part
qui me réveille
chaque fois
en
sursaut
&
en
sueur
je me demande ce qui m'arrive
je me demande si quelque chose a changé autour de moi
je n'ose plus me rendormir
la chambre est désespérément silencieuse
je m'assieds sur mon lit
les yeux grands ouverts
jusqu'à ce qu'ils
s'habituent
jusqu'à ce qu'ils
devinent les formes
les contours
les objets
avec davantage de netteté
je me prends pour un chat
prêt à bondir sur une proie
imaginaire
c'est ma façon d'apprivoiser
la peur
&
de prendre ma revanche
sur la nuit.

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 34)

Quand je vais pas bien
que je me sens trop seul
par exemple
je ne me l'explique pas
vraiment
je ne sais pas mettre des mots précis
sur ce que je ressens
&
ce que je ressens prend d'ailleurs différentes
directions
qui ne font qu'accentuer le chaos
intérieur
je ne sais pas à qui en parler
surtout pas à papa ni à maman
surtout pas à mon frère
j'en touche un mot à mon journal intime
qui regorge de questions métaphysiques
que je crois être le seul à me poser
puisque les autres n'en disent rien
ne m'en disent rien
alors c'est mon secret
alors je le cache bien à l'abri des regards
je fais comme si de rien n'était
je prends tout à la rigolade
mais
je sens bien que j'ai un sérieux problème de
concentration
&
de compréhension
le monde m'échappe
les études m'échappent
mon cerveau même m'échappe
avec toutes ces phobies
tous ces tics
toutes ces démonstrations d'impuissance
rien ne se résout tout s'aiguise et se transforme
parfois je n'ai d'autre solution
que de vider les placards
de la cuisine
sucré, salé, tout y passe
dans mon ventre
jusqu'à ce que mes obsessions
soient tournées vers autre chose
de plus concret
&
maman de hurler comme si c'était la fin du monde :
-qui a mangé tous les gâteaux ?
-qui d'entre vous a liquidé les cacahuètes ? C'est pas possible bon dieu, c'est pas possible cette gourmandise !
&
papa de gifler
celui qui finit par avouer son horrible forfait
c'est-à-dire
moi
(et ça, je vais le noter dans mon journal intime).







5 déc. 2015

Un très beau texte de Saida

Dis hamdulillah...

Tous les jours, je dis Hamdullilah,
Le matin le midi le soir chaque instant de ma vie je dis Hamdullilah..
Louange à Dieu.
Merci Dieu. Merci tout le temps même quand je suis triste même quand je suis en colère même quand les temps sont durs même quand j'ai mal.
Allah est grand, il me protège me dit-on,
Je n'en doute pas, j'en suis sûre.

Tout est noué à l'intérieur, tout est confus.

Quand je dois dire Hamdullilah et que ça va pas, y a du ressentiment. Comme si j'avais pas le droit d'avoir des émotions négatives, comme si j'avais pas le droit de pleurer comme si je devais accepter une vie de merde et ravaler mes larmes.
J'ai peur, j'ai peur de brûler dans les flammes de l'enfer si je ne dis pas ce Hamdullilah.
Et puis je pense à cette putain de vie, mon passé
Tous les péchés.
Et je sais très bien que j'irai en Enfer. J'ai pris dès le départ,dès mon enfance un billet aller simple.

Mais l'enfer, je le connais déjà,
Il est là
Dans ma tête, au jour le jour.
Tu n'es pas à plaindre, tu as tout pour être heureuse ma fille.
Dis Hamdullilah, bordel de merde dis Hamdullilah
Tu as un mari aimant, une fille intelligente, tu n'as jamais manqué de rien, tu as eu la chance d'avoir un père une mère des frères et sœurs la chance de faire des études un travail un toit,tu manges à ta faim.
Tu n'es pas à plaindre ma fille.
Moi je n'ai pas eu de mère
Ton papa a vécu la misère.
Nous n'avons pas eu la chance d'aller à l'école pour apprendre à lire et à écrire.
Une vie de malheur pour tous les deux.
Alors pourquoi tu dis pas Hamdullilah?
Pourquoi?
Mais si Maman je le dis, je le dis!!!!
S'il te plaît maman j'ai juste envie de pleurer parfois parce que c'est trop dur. Parce que je vois bien que ma vie c'est que dalle! Dès mon arrivée en France.
Maman je t'en supplies Maman je sais que je suis pas à plaindre. Je le sais y a pire que moi.
Est ce que ça console de savoir que dans le monde, y a des personnes qui n'ont pas de quoi manger, pas de toit pas de mari pas d'enfant?
Est ce que dire Hamdullilah ça voudrait dire que je ferme ma gueule et tout accepter?
Sans broncher?

Mine de rien,
je dis Hamdullilah le matin
le midi le soir tous les jours de l'année
Mais je sais très bien que quand je m'en irai
il ne restera pas grand chose de moi
juste le souvenir d'un nana complètement timbrée.

Hamdullilah, Louange à Dieu
Et je fais juste de mon mieux.
Pour survivre tant bien que mal.
Les larmes coulent en silence, j'étouffe mon mal être ma solitude mon désespoir
Etre face à moi même le jour du jugement dernier
L'enfer je le connais déjà, j'y suis habituée.
Éternellement à vie pour toujours...

Pourquoi moi?
Hamdullilah!