13 janv. 2016

J'ai perdu (Marlène Tissot) + Anti-héros (Thierry Radière)


J'aime les lectures matinales quand, après avoir fureté sur quelques blogs, je tombe (raide dingue) sur deux textes comme ça :

J’ai perdu

Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Et j’ai perdu la tête
J’ai perdu le fil de mes pensées
J’ai perdu la notion du temps
J’ai perdu l’envie de lutter
Quand le jour s’est levé, je me suis couchée
C’est pas grave, tu sais
On peut baisser les bras en gardant la tête haute

Et si on s’aimait les jours ouvrables, les jours impairs, les jours pluvieux ?
Le reste du temps, laisse moi t’oublier dans les bras de la solitude
Elle aussi, elle sait me faire du bien

Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
J’écoutais le bruit du temps qui coule
Une fuite quelque part, impossible à colmater
Parfois j’ai l’impression étrange de savoir exactement où je vais
Dominants et dominés, ils me font marrer 
Les héros ne sont pas toujours ceux que l'on croit
Tu peux chercher à m’apprivoiser, mais n’essaie pas de me dompter
De toute manière, ce qui te plait, c’est mon côté insaisissable

Les grands esprits se rencontrent parfois, ils baisent rarement
Le matin, j’habille mes humeurs par pudeur et
comme tout le monde, je descends les poubelles

(Marlène Tissot)



Anti-héros

J’aurais dû être  mort des dizaines fois. Ou disons, je suis un grand  rescapé, aime-t-il à répéter. Comme on dit un grand brûlé, directement transféré dans une unité spéciale où certains accidentés sont accueillis. Avec un corps bien réduit. C’est vrai, nous sommes essentiellement constitués d’eau. Un drap blanc posé sur des cris de souffrance et un personnel hospitalier à cent à l’heure autour de la civière. Une odeur de viandé grillée parcourant les couloirs. Mais à la fin, après de multiples soins, greffes, et années de déboires, il finit par survivre, le grand brûlé. Avec des cicatrices sur tout le corps et un visage complètement défiguré. C’est ainsi que je l’imagine quand il me raconte qu’il est un grand rescapé. 
Face à un tel aveu et surtout à mes représentations mentales, je me sens proche de lui. Il faut que je passe le voir régulièrement si je suis dans le coin. Autour d’un café, dans sa maison au plafond bas et aux journaux stockés partout dans la cuisine, j’ai le sentiment de ressembler à un nain dans un conte de Grimm. Dès qu’il ouvre la bouche, j’entends la voix lointaine d’un père fantasmé me lire des histoires le soir avant de m’endormir. J’en perds la parole, les mains collées contre mon mug bien chaud, un goût de café fort dans la bouche. Presque amer mais délicieux.
Incipit d'une fiction inédite, Anti-héros.

(Thierry Radière)


2 commentaires:

Thierry Radière a dit…

Merci, Thierry, de partager cet incipit.

Mon Nuage a dit…

oui, merci Thierry pour tes lectures et partages !