27 nov. 2014

"Thierry Roquet & Friends" (Recueil collectif)

Recueil de 56 pages sorti début Novembre et paru chez Mauvaise Graine (de Walter Ruhlmann).

Au sommaire : Eric Dejaeger, Heptanes Fraxion, Jean-Marc Flahaut, Frédérick Houdaer, Jérôme Leroy & myself !
Que des poèmes inédits.

Illustration de couverture : Cathy Garcia.

Fred Houdaer en dit ceci : "Sans doute la meilleure anthologie à laquelle j'ai participé à ce jour (de par sa cohérence). Du beau linge (mais rien que des slips, pas de petite culotte)...".

Hepta en dit ceci : "Avec ma gueule au milieu de quelques ténors de la poésie narrative minimaliste...je dirai...minimaliste et non anecdotique...".

Jérôme Leroy en dit ceci : "On est dans cette horde sauvage-là, et on en est bien content".

Et ben moi, je suis d'accord avec eux !

Prix modique (5 euros).
Il faut toutefois ajouter des frais de port... heu... de 5 euros (pour la France) et 7 euros (pour la Belgique)...!!



On peut le commander ici : Sur Amazon
Ou ici : Sur Lulu
(format papier, version kindle...).



5 nov. 2014

Microbe #86

Le dernier numéro de l'excellente revue belge d'Eric Dejaeger & Paul Guiot vient de sortir.
J'ai pris grand plaisir à "piloter" ce numéro !
PS: pour les abonnés, il est accompagné du supplément Mi(ni)crobe de Jason Héroux.



4 nov. 2014

Cohues #15 (Revue numérique)

Le dernier numéro de la revue numérique "Cohues" est arrivé.
Des nouvelles, de la poésie.
Au sommaire, côté poésie : Stéphane Poirier, Brice Haziza, Perrin Langda, Antonella Fiori, Claire V.Corda, Wilfried Salomé et ma pomme.
Avec des dessins de Yasmine Blum.
A déguster ici


24 oct. 2014

Portrait de quartier (4)

On l'appelle comme ça depuis des années
le voisin du dessous
on le croise de moins en moins souvent
il a une maison en Touraine
où il semble vouloir finir ses jours et
il ne revient par ici
que pour des séjours à l'hôpital
il tente de soigner un cancer de la gorge
qui lui donne la voix rauque
cassée
qui lui donne une maigreur
à faire peur
des rougeurs sur le visage et dans le cou
sa femme est morte d'un cancer des poumons
avant il était dynamique
il faisait des travaux de peinture dans les escaliers
il réparait l'éclairage du hall et l'alarme incendie
il remettait d'aplomb la boîte aux lettres
il sortait les poubelles
il disait que ça l'occupait
que la retraite c'est souvent de l'ennui
à présent on ne compte plus que
notre bonne volonté pour le faire
ce qui n'est pas donné hein
je l'ai croisé récemment
le voisin du dessous
pour lui donner le chèque des charges de copropriété
il m'a remercié
il paraissait encore plus fatigué
encore plus maigre
mais il a tenu à discuter quelques minutes
et à conserver un semblant de sourire sur son visage
terriblement marqué

Portrait de quartier (3)

Y'a pas si longtemps
c'était encore mon coiffeur
c'est lui que je venais voir en tout cas
pas loin de la soixantaine
bedonnant
rougeaud
les cheveux bien blancs
dressés sur le crâne
il vous accueillait avec un grand sourire
un petit mot gentil
il savait discuter de tout et de n'importe quoi
vous demandait des nouvelles de la famille
de votre boulot de votre santé de vos hobbies
tout en glissant des plaisanteries
bon enfant
tout en restant concentré sur la coupe de cheveux
et il savait y faire
puis le salon qui l'employait a fermé ses portes
il me disait qu'un nouveau propriétaire
était pressenti pour bientôt
qu'il le connaissait un peu
et il espérait donc qu'on lui ferait à nouveau confiance
le salon a effectivement rouvert ses portes
s'est rénové
s'est rajeuni
s'est embelli
est devenu plus clinquant mais
celui qui était mon coiffeur n'y travaille pas
il habite un deux pièces
avec sa mère
une vieille dame qui peine à bouger
à quelques pâtés de maison de là
on se croise encore de temps à autre
il ne me reconnaît pas toujours
il passe le plus clair de son temps
désormais
à écluser les verres de vin au bistrot du
coin du petit matin à la tombée du soir
&
il n'en sort que pour s'occuper de sa mère
quand il en est encore capable


23 oct. 2014

Portrait de quartier (2)

depuis la mort de son mari
il y a déjà quelques années
elle vit seule mais elle
n'est pas malheureuse
elle voit plus souvent sa sœur jumelle et
toutes les deux retrouvent la complicité qu'elles avaient
quand elles étaient jeunes
elles s'habillaient pareil
elles se parfumaient pareil
elles reluquaient les mêmes garçons
leur mère avaient même du mal à les différencier l'une de l'autre
et cette situation les amusait beaucoup
elles ont encore toute leur tête
ne dépendent de personne
font leurs courses ensemble à la supérette du coin
elles ont bien sûr les stigmates de leur grand âge mais
elles n'ont pas peur d'avouer qu'elles ont
près de quatre-vingt dix ans au compteur
elles ont un sourire presqu'enfantin
refusent obstinément toute aide pour porter leurs sacs de provisions
elles ont toujours vécu dans le quartier
n'imaginent pas une autre fin qu'ici et
dans la légèreté et
dans un dernier grand éclat de rire
c'est ce qu'elles espèrent

Portrait de quartier (1)

ils gagnent bien leur vie
y'a pas à dire
ils ont un petit pavillon près de chez nous
ils ont deux belles voitures
sans être trop ostentatoires non plus
lui est expert-comptable
il est à son compte
il vérifie les comptes des entreprises
il effectue parfois des contrôles inopinés
son boulot lui prend énormément de temps
elle est avocate
au tribunal administratif de Versailles
elle s'occupe des litiges sur les permis de construire
elle invalide même parfois des élections municipales
son boulot lui prend énormément de temps
ils se croisent peu
mais ils ne font pas chambre à part
ils fonctionnent comme ça depuis des années
et ils ont trouvé un certain équilibre
ils ont deux enfants
qui poursuivent leurs études dans une école privée
l'aîné était dans la classe de ma fille avant
ils ne croient pas trop dans l'excellence de l'école publique
ils ont leurs raisons
ils disent qu'ils forment un couple moderne
où chacun suit sa route
et apporte sa pierre à l'édifice de la cellule familiale
ils font encore l'amour bien sûr
pas autant qu'ils le voudraient mais
ils espèrent que ça va durer longtemps comme ça




9 petites choses sans importance

deux de mes slips
pendent dans la salle de bain
il y a aussi quelques paires de chaussettes trouées
c'est ma première expo
d'art moche

***

une bière bien fraîche
m'attend dans le frigo
je crois que je vais avancer
d'un peu l'heure de la soif

***

je voulais écrire un poème sur les Bootleggers
puis sur un slogan de Mai 68
puis sur un groupe de cold wave de 1981
rien n'est sorti / de précis / sauf ce constat d'échec
en quelques lignes

***

je me regarde parfois dans la glace
je surveille l'avancée de deux ou trois tâches
dont la sombre couleur m'inquiète
ma femme ne trouve rien d'anormal / c'est possible
mais je regarderai quand même encore demain

***

à la télé ils montrent des morts
par dizaines
par centaines
par milliers
et juste après un but en pleine lucarne
et de la pub pour la nouvelle Audi
et j'exagère à peine hein

***

la nuit porte
le poids du jour
et c'est pour ça qu'on dort
si mal
tu penses

**

je me souviens de la mort de Patrick Dewaere et
de Romy Schneider
ou encore de celle de Bukowski et
de Léo Ferré et de tant d'autres
je me souviens d'un tas de choses
extérieures
mais je suis bien incapable de retracer ma
propre vie avec la même netteté

***

parfois tu ronfles fort
parfois tu parles dans ton sommeil
parfois tu cherches ta respiration
parfois tu te crispes de peur
dehors des papiers volent au vent
sous la pâle lumière d'un réverbère

***

je voudrais trouver le mot juste
celui qui ne se justifie pas
celui qui s'évidence
celui qui marche tout seul
celui qui vient ici
sans se soucier de moi

***



22 oct. 2014

Quelques photos du Cabaret Poétique (dimanche 19 octobre 2014)






D'autres photos sur le blog de Fred : http://houdaer.hautetfort.com/archive/2014/10/21/c-etait-le-cabaret-poetique-du-19-octobre-premiere-partie-5472958.html


Les fantasmes ont pas d'âge (Grégoire Damon)

le sage m'a dit     tu frimes tu te vautres dans la complaisance
tu es très occupé à t'engluer dans la réalité la plus quotidienne    et le reste du temps tu rêves à des clichés en croyant que ces rêves ont exactement
                                 ton âge
                                 ta taille
                                 tes artères
                                 tes bronches
mais les fantasmes n'ont pas d'âge
ni le tien ni celui de personne
la richesse
la gloire
les trucs humides et parfumés
ne sont pas ton histoire      c'est l'histoire tout court
tu ne feras pas de poésie avec ton inconscient
TOUT LE MONDE A À PEU PRÈS LE MÊME
tu ne feras pas de coup d'édition avec tes frustrations
TOUT LE MONDE SAIT À PEU PRÈS CE QU'IL FERA AVEC UN MILLION
quant à signer de ton nom
ce serait
              une violations des principes les plus élémentaires de l'honnêteté intellectuelle
et
              un abus de bien social

(bien qu'il faille reconnaître
que tu croises
beaucoup de philosophes déguisés
en clodo
pour un mec de ton âge et de ton milieu)

à ce tableau de Munch

quand la lumière du jour
révèle
une ombre d'épouvante

qui se refuse à disparaître

elle ne ressemble pas au passé
et ni toi ni moi
ne pouvons y
mettre de mots dessus

de ces mots qui pourraient rassurer
elle a ton visage entre
ses paumes
fermement serrées

quand tu dis qu'elle agit
de jour en jour
sur toi
en toi
à travers toi
que c'est inéluctable

qu'elle est le tranchant d'une lame
intime
qui te scinde
en deux parts inégales

je te regarde
intensément
dans ces moments-là et
je ne vois plus
que cette ombre d'épouvante

je pense à ce tableau de Munch
à un pont sur la Seine obscure
je pense au dernier pas juste avant la falaise
et
je n'ose imaginer la suite


18 oct. 2014

Cabaret Poétique ce dimanche 19 Octobre 2014

Voilà ; c'est demain à 17h, à Lyon.
J'en serai, en compagnie de 4 poètes slovènes.
J'ai réservé tout le TGV. Pour m'entraîner correctement.
Je lirai 17 de mes textes au Cabaret Poétique.
Accompagné à la guitare par Greg Damon.
Merci à Fred Houdaer pour son invitation.
Non, je ne suis pas stressé, absolument pas. Alors, là, hein !
Et Saida m'apprend à respirer correctement...


17 oct. 2014

Dans la maison de mon enfance (Extrait 20)

Quand on fait les courses
maman choisit
ce qu'on mange
mais aussi
mon cartable
&
mes vêtements
maman choisit aussi
ma coupe de cheveux au bol
&
quand je donne mon avis
elle répond
ça ira très bien comme ça
elle dit aussi qu'elle n'a pas le temps de cuisiner
alors on dîne généralement
d’œufs brouillés
de pâtes
&
de boîtes de conserve
je déteste le goût des salsifis
des fois j'en ai marre de toujours manger la même chose
maman réplique
arrête de te plaindre c'est fatiguant à la fin je fais ce que je peux
de toute façon
elle n'a pas d'autorité sur moi
elle s'énerve mais je rigole
elle me donne une claque mais je rigole encore
alors elle me traite d'insolent
&
brandit la menace
tu verras quand ton père sera là !
des fois
je les entends s'engueuler
quand papa rentre trop tard du travail
je reste planqué dans le noir
à l'étage
j'entends maman pleurer
&
claquer une porte
je retourne alors vite fait
dans ma chambre
j'éteins la lumière
&
je fais semblant de dormir

16 oct. 2014

Dans la maison de mon enfance (Extrait 19)

"J'ai bien reçu ta lettre
où tu racontes ton voyage en Afrique
&
les animaux que tu as vus dans la savane mais
ici c'est différent
il y a des punaises
qui puent très fort
quand on les écrase
elles se faufilent le long du rebord boisé
de ma fenêtre
il y a des grenouilles
près de la minuscule rivière
en bas du jardin
elles sautillent de joie quand on les approche
tu les aimerais bien j'en suis sûr
il y a des guêpes aussi
qui se posent sur la table
quand on déjeune dehors
certains dimanches d'été
j'ai horreur des guêpes depuis
que je me suis fait piquer
deux fois de suite à la même main
alors j'emporte mon assiette à l'intérieur
de la maison à l'abri des bourdonnements
&
je termine mon repas tout seul
papa et maman se moquent gentiment de moi
il y a des serpents
dans les champs d'en face
papa dit que ce sont des couleuvres
mais il n'en est pas sûr alors on détale à toute vitesse
quand on en croise une mon frère et moi
on aime bien jouer à se faire peur tu vois
il y a des cousins
qui se posent sur l'eau
je ne sais toujours pas s'ils piquent plus fort
que les moustiques
mais ils n'ont pas l'air très sympathiques
il y a aussi
d'énormes toiles d'araignées
près des piquets de thym
&
de laurier
qui poussent le long d'un mur
et maman m'a surpris plus d'une fois en train de pisser dessus
et j'ai reçu plus d'une fois des grosses claques
j'espère qu'on se reverra un jour
parce que j'ai encore plein de trucs
à te raconter..."

Dans la maison de mon enfance (Extrait 18)

Maman
est institutrice
dans mon école
mais elle ne veut pas que j'aille dans sa classe de CM1
&
papa
est ingénieur en informatique
j'ai pas trop compris ce qu'il faisait exactement chez IBM
Maman
conduit une deudeuche bleue
qui bouge beaucoup
de bas en haut
de haut en bas
&
papa
a une R16 bleue foncée
avec des sièges en skai
qui brûlent les fesses
quand il fait chaud
maman
vient de la campagne
plus exactement d'une ferme
avec quelques vaches quelques cochons
quelques lapins quelques poules
quelques champs de mais
avec aussi un tracteur Massey Ferguson
&
papa
ne parle pas trop de là
où il vient
c'est maman qui en parle à
sa place
juste un peu sans entrer dans les détails
sauf quand
il s'agit de conclure
qu'il ne veut pas faire de nous
des enfants pourris gâtés à qui tout serait dû
parce que c'est
à la force du poignet
&
d'énormément de travail
qu'on peut s'en sortir
dans la vie
et pas autrement
il faut que ce soit bien clair aussi pour vous insiste t'il
oui oui répondons-nous en chœur mon frère et moi


Dans la maison de mon enfance (Extrait 17)

Quand on m'a dit que pépé
était mort à l'hôpital
j'ai ressenti un peu de tristesse je crois
mais pas tellement
il était déjà très vieux
depuis longtemps
&
je l'avais finalement assez peu connu
mais c'était pépé quand même
puis on m'a dit que son corps
allait venir à la maison
qu'on allait le veiller pendant
quelques jours
j'ai demandé à maman si on pourrait faire la même chose
avec un hamster
mais elle m'a répondu de ne pas raconter n'importe quoi
&
il a fallu l'embrasser sur le front
c'est la coutume on m'a dit
pépé était allongé dans le lit
de la chambre d'ami
son corps imposant était tout raide
ça me faisait sacrément peur de l'approcher
encore bien plus de devoir l'embrasser sur le front
j'ai regardé maman et papa
j'ai regardé mamy et papy
j'ai regarde mémé et mon frère
j'ai regarde par terre et dans le vide
&
j'ai regardé pépé qui ne bougeait pas
c'était à mon tour de l'embrasser sur le front
à mesure que j'approchais de lui
des idées bizarres me traversaient l'esprit
comme quoi pépé allait subitement se réveiller
et me crier dessus de lui rendre son âme
comme quoi il allait me donner le virus de la mort
et que j'allais mourir moi aussi juste après
j'ai récité très fort une prière dans ma tête
une de ces prières que j'avais apprises au catéchisme
et dont je ne pensais pas devoir un jour me servir
&
j'ai embrassé le front glacé de pépé
du bout des lèvres
&
en fermant les yeux
je ne me sentais pas plus rassuré mais
il a pu être enterré en Bretagne
un peu plus tard

15 oct. 2014

Dans la maison de mon enfance (Extrait 16)

Seul dans ma chambre
je m'ennuie
je n'arrive pas à me
concentrer sur quoi que ce soit
ni sur mes devoirs 
ni sur une histoire 
ni sur une pensée
j'ai demandé tout-à-l'heure à mon frère s'il voulait jouer au ballon avec moi
dans le jardin
mais ça ne l'a pas intéressé alors
je feuillette quelques revues quelques BD puis
je les range sous mon lit
je pose le front à la fenêtre vers
la piscine des voisins vers la minuscule rivière
en bas de chez nous vers les
champs à l'abandon vers l'horizon de la
grande ville mais rien ne
me fixe bien longtemps alors je décide de faire du rangement
pour la n-ième fois je change les livres de place
en m'imaginant que cela m'incitera à voir
la vie sous un angle neuf mais rien n'y fait alors
je m'allonge dans mon lit
je commence à croire
que la journée n'en finira jamais
absolument jamais et puis
je pense à K. que j'aime en secret
et qui m'a regardé plusieurs fois hier en classe
et qui est peut-être aussi amoureuse de moi
mais jamais je n'oserai le lui demander
&
quand j'ai suffisamment pensé à K.
je me relève du lit je recommence
à m'ennuyer à tourner en rond
dans mon bocal je toque contre le mur
de la chambre de mon frère je lui demande encore
s'il veut jouer au ballon avec moi dehors
mais il répond NON sèchement alors
j'ai l'impression d'avoir été maudit par je ne sais qui
&
d'être le plus malheureux sur terre
en ce moment ah ça oui
&
c'est comme une sensation d'étouffement
à l'évocation de cette phrase je sens d'ailleurs
quelques larmes couler
&
c'est dans ces moments-là
pourtant
ou juste après je ne sais pas trop
qu'un déclic se fait
c'est très curieux quand même


14 oct. 2014

Dans la maison de mon enfance (Extrait 15)

Un jour
mon frère est rentré de l'école
en disant
d'un air tout-à-fait tranquille
qu'il pissait tout rouge
mais que ça ne lui faisait pas mal pour autant
maman affolée a demandé
à vérifier
&
ce rouge avait la consistance du sang
c'est ce qu'elle a affirmé à papa au téléphone
qui était encore à son travail
&
qui lui a répondu de l'emmener aux urgences
j'ai accompagné maman
&
mon frère à l'hôpital de Nantes
on a attendu longtemps
maman ne tenait pas en place
nous non plus
&
une fois que le médecin
est revenu nous voir
il arborait un étrange et grand sourire
maman a éclaté en sanglots
j'ai cru qu'il voulait lui faire du mal exprès
mais elle a ensuite chaleureusement remercié
le monsieur en blouse blanche
qui a questionné mon frère sur ce qu'il avait mangé à la cantine
maman a alors appelé papa
qui était encore à son travail
pour lui dire que ce n'était plus la peine
qu'il nous rejoigne aux urgences
oui ça va mieux il a simplement mangé beaucoup trop de betteraves ce midi
mon frère
était tout content
et plutôt surpris
de provoquer ainsi l'hilarité générale
j'en étais presque jaloux



13 oct. 2014

Dans la maison de mon enfance (Extrait 14)

Le mercredi après-midi
il n'y a pas école mais
papa & maman nous ont
concocté un programme bien chargé
on commence d'abord
mon frère et moi
par une heure de
"Mini school" avec d'autres enfants
où une grosse femme
très antipathique nous enseigne
des rudiments d'Anglais
papa et maman insistent
sur l'importance de bien apprendre cette langue
pour plus tard
puis je vais à mon entraînement de foot
mon frère fait du judo
je m'amuse comme un fou
à dribbler tout ce qui bouge
&
je me fais assez vite engueuler par l'entraîneur
justement
parce que je dribble tout ce qui bouge
puis je vais au catéchisme
mon frère en est exempté c'est dégueulasse
le curé en soutane
nous raconte la vie de Jésus
nous demande de réciter les pêchés capitaux
&
deux ou trois prières apprises par cœur
sans rien comprendre
on termine l'heure religieuse par une chanson d'amour
"c'est un fier et beau navire qui s'appelle le monde-ami"
avant j'apprenais aussi le solfège
parce que j'avais l'oreille musicale
apparemment
mais je n'ai pas tenu plus de trois cours
ce qui n'a évidemment pas plu du tout à mes parents
&
puis je vais bientôt faire ma première communion
toute la famille viendra de Bretagne pour l'occasion
&
quand on rentre à la maison
il faut encore faire les devoirs d'école
sous étroite surveillance
&
on peut enfin regarder les dessins animés à la télé
j'entends souvent papa répéter à l'envi
quand vient le mercredi
"Mens sane in corpore sano"

Dans la maison de mon enfance (Extrait 13)

Maman dit qu'elle aurait aimé
avoir une fille
&
que si j'avais été une fille
ils m'auraient appelé Florence
ils avaient déjà choisi le prénom
papa dit qu'il s'en foutait
d'avoir une fille ou un garçon
c'est le hasard, tout ça, on n'choisit pas... mais c'est très bien un garçon, plaisante t'il 
j'aime bien leur poser des questions
j'aime quand ils répondent à mes questions
j'aime bien quand les repas du dimanche midi
se passent dans la bonne humeur
maman dit qu'elle aurait aimé
avoir un troisième enfant mais
que pour la naissance de mon frère
elle précise bien que ce n'est absolument pas de sa faute
sa césarienne s'était très mal passée
et les médecins lui avaient alors fortement déconseillé
d'envisager une nouvelle grossesse
ça aurait été trop dangereux
maman a la larme à l’œil quand elle raconte tout ça
&
papa nous raconte une blague
pour détendre un peu l'atmosphère
mais je pense encore à quelque chose qui ne passe pas
j'aime bien être un garçon
ça c'est sûr mais
je ne sais pas si je dois le leur dire
ou si je dois attendre
ou si je dois cacher ce que je fais
quand mes parents ne sont pas encore rentrés à la maison
je vais dans leur chambre
je fouille dans leur armoire
&
j'essaie les petites culottes de ma mère
et ses jupes