23 sept. 2014

Anéantir un quartier

Ils sont déjà là
matinaux
les coudes sur le comptoir du zinc
l'un ne parle pas
regarde autour de lui
machinalement
l'autre sourit à son verre
comme si la tendresse se trouvait
au fond du godet
exactement là
et pas ailleurs

le patron - un kabyle au physique
de boxeur poids-lourd -
m'a un jour raconté
que le plus taiseux des deux
a eu un accident sur un chantier
qui lui a coûté sa place
et
sa joie de vivre
que c'est un fidèle client
à présent

puis on cause du soleil
frisquet
des vacances qu'il n'a pas pris cet été
pour faire tourner la boutique
puis il me rend ma monnaie
et mes grilles de loto sportif

je ne sais pas pourquoi
mais chaque fois
que je les vois
ces deux-là
je pense immanquablement
à un poète
qui n'attendrait plus
rien
de ses propres poèmes
c'est une
déformation de l'esprit
sans doute
une
sorte d'empathie passagère
je sais pas

une fois rentré chez moi
je m'empresse
de refermer la porte
de penser
à des choses positives
d'écrire deux-trois bricoles
qui me passent par la tête

je te regarde dormir
parfois

et dans le placard
près du frigo
il y a
une tonne de médicaments
qui pourraient
anéantir
un quartier entier


1 commentaire:

Anonyme a dit…

j'aime beaucoup ce texte...mine de rien en fouillant bien sur ton blog on trouve toujours une très bonne pépite à se mettre sous la dent voire plusieurs ;-)