S'allonge, lit un livre, somnole, s'endort. Rêve. Qu'un énorme steack bien gras s'incruste de force dans son oesophage et qu'elle soit obligée de le digérer. S'agite, se débat. Transpire. Son père est là, dans leur maison d'enfance, au pays, hilare et haineux. Mange-le! Bouffe-le la grosse! Vomis-le! Il la frappe. Elle se débat de plus en plus. Il la frappe avec une barre en fer. Se retourne dans le lit. En nage. Sa mère, avec ses traits d'aujourd'hui, assise dans la cuisine, brode une étoffe sans sourciller, indifférente, lui demandant juste de faire moins de bruit pour ne pas alarmer les voisins. Ils vont dire quoi, les voisins, hein? Il n'y pas de voisin dans son rêve, pourtant. Le présent ne lui vient pas en aide non plus. Le steack disparaît bientôt pour laisser la place à un visage, un corps indéterminés. Qui la fixe d'un air menaçant. Le bras levé, le poing brandi, la voix grave. Lui dit qu'elle sera punie si elle ne croit pas davantage en dieu. Qu'il est impératif pour son salut. Et les prières? Les prières? Tes prières! Bouge dans le lit, parle dans son sommeil, marmonne des mots mêlés de français et de langue étrange, peut-être maternelle.
Au réveil, consulte l'annuaire. Cherche un nom. Qu'on lui a conseillé. OK. Repose l'annuaire et compose le numéro. Puis, raccroche. Indécise. Le cul décidément entre deux chaises, entre deux cultures, à la limite de la schyzophrénie, à la limite de se ressaisir ou de lâcher prise...
6 commentaires:
comment te dire ce que j'ai ressenti en lisant ce texte...je ne trouve pas les mots étant donné que pour moi meme si c'est de la "fiction" il ya une grande part autobiographique de ma part.
pour te dire la verité en lisant ce texte notamment le passage -Sa mère, avec ses traits d'aujourd'hui, assise dans la cuisine, brode une étoffe sans sourciller, indifférente, lui demandant juste de faire moins de bruit -soulève des émotions enfouies avec lesquelles je dois faire au quotidien meme si ça ne se voit pas.
et aussi-Ils vont dire quoi, les voisins, hein?- ça ça me parle.
tu sais si bien trouver les mots.moi j'ai bcp de mal.merci mon thithi.je sens que c'est une sorte d'accouchement emotionnel.
Parvenir à se mettre dans la peau d'une autre est tout un art. Et ici, tu y arrives parfaitement.
Merci Eric et tu le sais, d'ailleurs, ce texte est pour Dada ;-))
Très très fort ! Et puis ces phrases qui commencent par un verbe, comme si le sujet s'était fait dévoré... ça donne aussi un côté haché. on sent la douleur juste là. Terrible!
Des bises à vous :-)
"comme si le sujet s'était fait dévoré." Que c'est joliment dit, Marlène. Et juste qui plus est.
J'ai tout vu, scène par scène, avec une précision démoniaque.
J'ai mal au coeur, là.
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