Allez, en voiture !
-Mais arrêtez de vous battre, bon sang!
c'est maman qui nous le répète
pour la n-ième fois
ça doit être un grand nombre ça
Papa fait les gros yeux dans
le rétroviseur
-C'est lui qu'a commencé, balance mon frère
-C'est pas vrai! que je jure
-On arrive quand ?
-Moi j'ai faim
Alors papa et maman
ont inventé des jeux
pour nous occuper du mieux possible
quand ils s'aperçoivent qu'on ne roupille plus
à l'arrière de la R16
parfois on chante tous les quatre
des chansons bretonnes ou
des chansons à la mode
parfois on s'amuse
à reconnaître les marques et les modèles de voiture
on compte les points
à ce jeu-là je me débrouille vachement bien
-ça, c'est la Fiat 128... ça, c'est la GS de Citroën...ça, c'est la Simca de Chrysler
papa et maman me félicitent
je me sens fier
-ça, c'est une 4L, tente mon frère un peu jaloux
-Ouais, c'est facile, lui dis-je rigolard
puis on recommence à se battre
mon frère et moi
à l'arrière de la R16
jusqu'à ce mon frère finisse par se rendormir
c'est un gros dormeur on dit ça de lui
alors je continue le jeu tout seul
la joue posée contre la vitre froide
dans ma tête je cite la CX de Citroën
la 504 de Peugeot c'est ma préférée
la Méhari de Citroën
l'Alpine Renault c'est la plus rapide du monde
la Renault 14 que les gens surnomment "la poire" je sais pas pourquoi
La Renault 8 Gordini car un ami de papa en a une et il frime avec ça
parfois je m'ennuie
j'écoute vaguement papa et maman
qui parlent d'argent
qui se font des reproches
qui se disent des mots doux
parfois j'apprends des choses à la radio
la marée noire de l'Amocco Cadiz sur Europe 1
la mort de Jacques Mesrine en direct sur RTL
parfois on parle de l'école
Papa trouve que je ne lis pas assez
Maman n'aime pas l'appréciation sur mon dernier bulletin "peux mieux faire"
moi j'ai hâte qu'on arrive enfin
à destination
qu'ils changent de sujet
qu'ils s'en prennent à mon frère
qu'ils me laissent tranquille
parfois je fais semblant de dormir
c'est mieux comme ça.
24 janv. 2016
13 janv. 2016
J'ai perdu (Marlène Tissot) + Anti-héros (Thierry Radière)
J'aime les lectures matinales quand, après avoir fureté sur quelques blogs, je tombe (raide dingue) sur deux textes comme ça :
J’ai perdu
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Et j’ai perdu la tête
J’ai perdu le fil de mes pensées
J’ai perdu la notion du temps
J’ai perdu l’envie de lutter
Quand le jour s’est levé, je me suis couchée
C’est pas grave, tu sais
On peut baisser les bras en gardant la tête haute
Et si on s’aimait les jours ouvrables, les jours impairs, les jours pluvieux ?
Le reste du temps, laisse moi t’oublier dans les bras de la solitude
Elle aussi, elle sait me faire du bien
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
J’écoutais le bruit du temps qui coule
Une fuite quelque part, impossible à colmater
Parfois j’ai l’impression étrange de savoir exactement où je vais
Dominants et dominés, ils me font marrer
Les héros ne sont pas toujours ceux que l'on croit
Tu peux chercher à m’apprivoiser, mais n’essaie pas de me dompter
De toute manière, ce qui te plait, c’est mon côté insaisissable
Les grands esprits se rencontrent parfois, ils baisent rarement
Le matin, j’habille mes humeurs par pudeur et
comme tout le monde, je descends les poubelles
(Marlène Tissot)
Anti-héros
J’aurais dû être mort des dizaines fois. Ou disons, je suis un grand rescapé, aime-t-il à répéter. Comme on dit un grand brûlé, directement transféré dans une unité spéciale où certains accidentés sont accueillis. Avec un corps bien réduit. C’est vrai, nous sommes essentiellement constitués d’eau. Un drap blanc posé sur des cris de souffrance et un personnel hospitalier à cent à l’heure autour de la civière. Une odeur de viandé grillée parcourant les couloirs. Mais à la fin, après de multiples soins, greffes, et années de déboires, il finit par survivre, le grand brûlé. Avec des cicatrices sur tout le corps et un visage complètement défiguré. C’est ainsi que je l’imagine quand il me raconte qu’il est un grand rescapé.
Face à un tel aveu et surtout à mes représentations mentales, je me sens proche de lui. Il faut que je passe le voir régulièrement si je suis dans le coin. Autour d’un café, dans sa maison au plafond bas et aux journaux stockés partout dans la cuisine, j’ai le sentiment de ressembler à un nain dans un conte de Grimm. Dès qu’il ouvre la bouche, j’entends la voix lointaine d’un père fantasmé me lire des histoires le soir avant de m’endormir. J’en perds la parole, les mains collées contre mon mug bien chaud, un goût de café fort dans la bouche. Presque amer mais délicieux.
Incipit d'une fiction inédite, Anti-héros.
(Thierry Radière)
12 janv. 2016
Avis de parution : Pleines lucarnes (François-Xavier Farine & Thierry Roquet)
Gros Textes
Avis de Parution
Pleines Lucarnes
de
François-Xavier Farine
et Thierry Roquet
Fin des années 1970, début des années 80,
François-Xavier Farine et Thierry Roquet ne se connaissaient pas. L’un
supportait le Lille Olympique Sporting Club de Zarko
Olarevic et l’autre, le FC Nantes d’Henri
Michel.
Ils pratiquaient aussi, intensément, le
football dans deux clubs amateurs.
Dans ce livre Pleines Lucarnes, ils
accolent deux recueils - deux regards, deux
styles, mais une même fascination pour le foot : leurs textes se répondent,
mêlant volontiers leur enfance à la légende du ballon rond.
------------------------------------------------------------------------------------------------
ISBN : 978-2-35082-294-5
76 pages au format 14
x 21,
9 € (+ 2 € de port – port compris à partir de l’achat de 2
exemplaires)
Commande à:
Gros Textes
Fontfourane
05380 Châteauroux-les-Alpes
(Chèques à l’ordre de Gros Textes)
Parution prévue fin janvier /
début février –
Le commander en avance, c’est
favoriser les conditions de la sortie de cet ouvrage.
10 janv. 2016
Je ne contrôle
Je
l'inconnu
si
familier
d'une évidence
pesante
qu'il faille faire
avec
sans passer
pour un
ectoplasme
dé
structuré
Je
me struc
ture
d'un simple
mot
Je
porte parole
et c'est
la mienne
apparemment
protéiforme
à force
de
aux bouts des
forces
dire l'un
et son contraire
sans
sourciller
quelque part
ma conscience
s'en habille
&
s'en satisfait
Je
pour mettre
un terme
temporaire
aux
intérieurs
cheminements
qu'ils soient
pensées
dialogues
fous rires
divagations
refus
replis
défaites
dénis
mais
d’où
vient-il
ça
Je
l'ignore
Je
me l'adresse
à vous
demeure en
moi
ancrage
virtuel
devenu
ma
réalité
mais
depuis
quand
est-il
ça
Je
l'ignore
ses souvenirs
seraient
les miens
Je
parle
&
pense
comme un
mystère
hybride
&
résolu
Je
s'approprie
sans demander
l'avis
de qui
de quoi
Je
ne contrôle
que l'apparence
d'une
unité
l'inconnu
si
familier
d'une évidence
pesante
qu'il faille faire
avec
sans passer
pour un
ectoplasme
dé
structuré
Je
me struc
ture
d'un simple
mot
Je
porte parole
et c'est
la mienne
apparemment
protéiforme
à force
de
aux bouts des
forces
dire l'un
et son contraire
sans
sourciller
quelque part
ma conscience
s'en habille
&
s'en satisfait
Je
pour mettre
un terme
temporaire
aux
intérieurs
cheminements
qu'ils soient
pensées
dialogues
fous rires
divagations
refus
replis
défaites
dénis
mais
d’où
vient-il
ça
Je
l'ignore
Je
me l'adresse
à vous
demeure en
moi
ancrage
virtuel
devenu
ma
réalité
mais
depuis
quand
est-il
ça
Je
l'ignore
ses souvenirs
seraient
les miens
Je
parle
&
pense
comme un
mystère
hybride
&
résolu
Je
s'approprie
sans demander
l'avis
de qui
de quoi
Je
ne contrôle
que l'apparence
d'une
unité
7 janv. 2016
Dans la maison de mon Enfance (extrait 38)
Papa
sait rendre vivantes
les histoires
qu'il nous raconte
ce sont toujours des histoires
qui se terminent bien
y'a des cow-boys, des indiens, des guardians
&
il répond patiemment
à nos questions
avant de nous
embrasser
&
de nous souhaiter bonne nuit
Maman
n'est pas comme ça
elle raconte les histoires
à la va vite
&
nous presse de dormir ensuite
car elle a
dit-elle
encore beaucoup de copies
de ses élèves de CM1
à corriger
J'aime faire tourner mon imagination
Je n'ai pas compté
combien j'en ai
mais j'ai beaucoup de peurs
nocturnes
(et diurnes aussi bien sûr)
Dans ma chambre
il y a la collection
Encyclopédique de "Tout
l'univers"
à l'intérieur de laquelle
une photo m'effraie particulièrement
il s'agit d'un vampire
aux doigts crochus
sur le pont d'un navire
Un jour j'ai eu peur
de la mort et de la souffrance
sans savoir laquelle de ces deux peurs
était la plus forte
la plus naturelle
si l'une découlait de l'autre
la photo du vampire n'y est pas pour rien
comme un élément déclencheur peut-être
J'ai peur aussi
de perdre la mémoire
sans qu'elle soit fondée
sur des éléments concrets de
santé
si ce n'est un pressentiment
une intuition
C'est depuis lors je crois
que je note scrupuleusement
ce que je fais de chaque
journée
comme si je me fabriquais une
mémoire
de secours
qui puisse me réintégrer
le moment venu
dans toute ma complexité
(car j'ai du mal à faire avec)
24 déc. 2015
bordel de merde (un putain de bon texte de Heptanes Fraxion)
bordel de merde
à l'heure qu'il est
avec le temps qu'il fait
ils vont éviter la ville
le cowboy de l'espace
et le poète obscur
et se caler au bar
que tient la rouille
au bord des rails
au crépuscule
loin de la route
à coté du parking
à gauche du hangar
qui fait aussi camping
deux parpaings
une grille
quelques saucisses
quelques bières à craquer
à même le sol
sur le béton
à la santé du chien Platon
tabac de cuisine
et pommes des fous
y a le ciel du soir qui enchaine
les archipels et les pochoirs
bordel de merde
comme c'est vital parfois
de décevoir
avec le temps qu'il fait
ils vont éviter la ville
le cowboy de l'espace
et le poète obscur
et se caler au bar
que tient la rouille
au bord des rails
au crépuscule
loin de la route
à coté du parking
à gauche du hangar
qui fait aussi camping
deux parpaings
une grille
quelques saucisses
quelques bières à craquer
à même le sol
sur le béton
à la santé du chien Platon
tabac de cuisine
et pommes des fous
y a le ciel du soir qui enchaine
les archipels et les pochoirs
bordel de merde
comme c'est vital parfois
de décevoir
23 déc. 2015
Dans la maison de mon enfance (Extrait 37)
Un jour au collège
je fais l'école buissonnière
avec des copains de classe
c'est même pas de ma propre initiative non
je me contente simplement de suivre le mouvement
pour bien m'intégrer dans la bande quoi
ce jour-là
je fume ma première clope
et je trouve ça super cool
on joue au flipper
dans un bistrot du centre-ville
je m'éclate comme un fou
ce jour-là
on me demande ce que j'écoute comme musique
-heu ben un peu de tout, je réponds vaguement
je vais quand même pas leur parler de Guy Béart ou des Tri Yann
-tu connais AC/DC ?
-ouais, ouais
-t'as l'air d'être bon en classe, toi
-bah non pas vraiment et de toute façon j'm'en branle pas mal
on me demande si j'ai déjà embrassé une fille sur la bouche
parce que eux ils l'ont fait hein
ils sont même allés beaucoup plus loin
mec si tu vois ce qu'on veut dire
je me marre avec eux évidemment
ce jour-là
on me propose ensuite un truc roulé
avec de l'herbe
qui sent fort une fois allumé
mais j'ose pas leur demander ce que c'est
je veux pas passer pour un abruti complet auprès de mes nouveaux copains
je tire quelques taffes
et je commence à me sentir mal...
ce soir-là
je crois que je reçois
la plus grosse branlée
de mon père
&
de ma mère
réunis
dans une parfaite entente pour l'occasion
on me prive aussi de ce qui me tient le plus à coeur
à savoir :
deux mois d'entraînement
et
de matches de foot
ce soir-là
j'ai bien conscience que dieu n'existe pas
ou alors il ne m'aime pas...
putain de vie !
je fais l'école buissonnière
avec des copains de classe
c'est même pas de ma propre initiative non
je me contente simplement de suivre le mouvement
pour bien m'intégrer dans la bande quoi
ce jour-là
je fume ma première clope
et je trouve ça super cool
on joue au flipper
dans un bistrot du centre-ville
je m'éclate comme un fou
ce jour-là
on me demande ce que j'écoute comme musique
-heu ben un peu de tout, je réponds vaguement
je vais quand même pas leur parler de Guy Béart ou des Tri Yann
-tu connais AC/DC ?
-ouais, ouais
-t'as l'air d'être bon en classe, toi
-bah non pas vraiment et de toute façon j'm'en branle pas mal
on me demande si j'ai déjà embrassé une fille sur la bouche
parce que eux ils l'ont fait hein
ils sont même allés beaucoup plus loin
mec si tu vois ce qu'on veut dire
je me marre avec eux évidemment
ce jour-là
on me propose ensuite un truc roulé
avec de l'herbe
qui sent fort une fois allumé
mais j'ose pas leur demander ce que c'est
je veux pas passer pour un abruti complet auprès de mes nouveaux copains
je tire quelques taffes
et je commence à me sentir mal...
ce soir-là
je crois que je reçois
la plus grosse branlée
de mon père
&
de ma mère
réunis
dans une parfaite entente pour l'occasion
on me prive aussi de ce qui me tient le plus à coeur
à savoir :
deux mois d'entraînement
et
de matches de foot
ce soir-là
j'ai bien conscience que dieu n'existe pas
ou alors il ne m'aime pas...
putain de vie !
Les mots, en peu de mots
Les mots
stricto sangsues
me collent à la peau.
***
Pas facile de reconnaître
le mot de trop
il est timide
il est discret
il est finalement très effacé.
***
Le moi
s'imagine
un tas de possibilités
parce que les
mots
qu'il écrit
lui échappe.
***
J'aime embrasser
ta langue
étrangère.
***
Les mots
sont des condamnés
à mort
en sursis.
***
Tes mots
portent
les habits noirs
d'un combat
perdu d'avance.
***
Les mots
s'envolent
à condition d'ouvrir
la bouche
&
les fenêtres
***
Quand je dis je
à qui crois-tu que
je me parle ?
stricto sangsues
me collent à la peau.
***
Pas facile de reconnaître
le mot de trop
il est timide
il est discret
il est finalement très effacé.
***
Le moi
s'imagine
un tas de possibilités
parce que les
mots
qu'il écrit
lui échappe.
***
J'aime embrasser
ta langue
étrangère.
***
Les mots
sont des condamnés
à mort
en sursis.
***
Tes mots
portent
les habits noirs
d'un combat
perdu d'avance.
***
Les mots
s'envolent
à condition d'ouvrir
la bouche
&
les fenêtres
***
Quand je dis je
à qui crois-tu que
je me parle ?
Catarrhe N°18
Au sommaire du Catarrhe N°18 (décembre 2015) :
L'éditorial : « Noël blanc » du boss Jean-Paul Verstraeten.
Marc Sanders. André Stas & Éric Dejaeger. Paul Guiot. Lou Dubois. Jean-Paul Verstraeten. Thierry Roquet. Céline Maltère. Thierry Lechat. Patrick Beaucamps. Christine Schmidt. Fabrice Marzuolo. Éric Dejaeger. Perrin Langda.
Dessin de couverture et petites illustrations d'Olivier Texier
22 déc. 2015
Dans la maison de mon Enfance (Extrait 36)
La R16 bleu foncé
file sur les petites routes
quasiment désertes
interminables et sombres
la voiture presque neuve
souffre déjà du long voyage
et nous aussi
on ne chante plus
on ne joue plus à reconnaître
les panneaux de signalisation
avec des cartes
on ne parle plus de ces deux semaines de vacances
excitantes
en terre étrangère
mais au moins
on ne crève plus de chaud
sur nos sièges en skai
la nuit est fraîche par ici
lors de la traversée de la Manche
en hydroglisseur
j'ai vomi tout mon déjeuner et mes tripes
j'ai découvert le mal de mer
aussi fort que mon horreur des huîtres
nous voici quelque part
dans la campagne anglaise
sans doute un peu perdus
mais ça, papa ne l'avouera jamais
à chercher l'adresse
de notre location Bed & Breakfast "chez l'habitant".
mon frère roupille profondément
je tente d'en faire autant
mais je me sens encore vaseux
maman se retourne de temps à autre vers nous
elle me sourit
un sourire à la fois tendre, forcé et fatigué
-on est bientôt arrivés ?
maman me répond vaguement oui
jetant un oeil sur la carte routière
puis elle se met à hurler
tire brusquement sur le bras gauche de mon père
en apercevant le poids lourd qui fonce droit
sur nous
-Attention ! Attention !
papa se replace vite fait sur la bonne file
celle de gauche celle de l'Angleterre
sans répondre au klaxon énervé
ni au doigt d'honneur du conducteur d'en face
en toutes circonstances
papa cherche à garder la maîtrise et son calme
maman n'en peut plus
elle commence à craquer à pleurer
-Qu'est-ce qui se passe ?
demande mon frère qui vient de s'éveiller
-Les anglais sont des malpolis
lui répond papa
qui se met à chantonner We all live in a yellow submarine
posant sa main virile sur la cuisse de maman
moi je pense déjà avec angoisse au retour en hydroglisseur
file sur les petites routes
quasiment désertes
interminables et sombres
la voiture presque neuve
souffre déjà du long voyage
et nous aussi
on ne chante plus
on ne joue plus à reconnaître
les panneaux de signalisation
avec des cartes
on ne parle plus de ces deux semaines de vacances
excitantes
en terre étrangère
mais au moins
on ne crève plus de chaud
sur nos sièges en skai
la nuit est fraîche par ici
lors de la traversée de la Manche
en hydroglisseur
j'ai vomi tout mon déjeuner et mes tripes
j'ai découvert le mal de mer
aussi fort que mon horreur des huîtres
nous voici quelque part
dans la campagne anglaise
sans doute un peu perdus
mais ça, papa ne l'avouera jamais
à chercher l'adresse
de notre location Bed & Breakfast "chez l'habitant".
mon frère roupille profondément
je tente d'en faire autant
mais je me sens encore vaseux
maman se retourne de temps à autre vers nous
elle me sourit
un sourire à la fois tendre, forcé et fatigué
-on est bientôt arrivés ?
maman me répond vaguement oui
jetant un oeil sur la carte routière
puis elle se met à hurler
tire brusquement sur le bras gauche de mon père
en apercevant le poids lourd qui fonce droit
sur nous
-Attention ! Attention !
papa se replace vite fait sur la bonne file
celle de gauche celle de l'Angleterre
sans répondre au klaxon énervé
ni au doigt d'honneur du conducteur d'en face
en toutes circonstances
papa cherche à garder la maîtrise et son calme
maman n'en peut plus
elle commence à craquer à pleurer
-Qu'est-ce qui se passe ?
demande mon frère qui vient de s'éveiller
-Les anglais sont des malpolis
lui répond papa
qui se met à chantonner We all live in a yellow submarine
posant sa main virile sur la cuisse de maman
moi je pense déjà avec angoisse au retour en hydroglisseur
21 déc. 2015
Marlène Tissot & compagnie (avec un texte de Saida)
Au sommaire : Marlène Tissot, Lidia Badal, Samantha Barendson, Isabelle Bonat-Luciani, Séverine Castelant, Hélène Dassavray, Estelle Fenzy, Alexandra Kalyani, Mélanie Leblanc, Mijo, Murièle Mdély, Perrine le Querrec, Jany Pineau & SAIDA !!!!!!!!!!!!!!!!!!
Couverture souple, 108 Pages
Prix : 6,00€ (HT)
Édité par Walter Ruhlmann
Co-édité par Marlène Tissot
Illustration de couverture :
« Broken Doll», photo Marlene Tissot
19 déc. 2015
Les bruits de la nuit ont un petit air de death metal
griffu
bagarre de matous sur le toit
cris de guerre pour un bout
de territoire
l'un des deux finira par se casser
(et peut-être revenir avec plus de stridence dans la gorge)
je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet vide à la poubelle
faut que j'mange quelque chose
Au loin
les bruits de la nuit ont un petit air de punk rock
vintage
sirènes de flics de pompiers d'ambulances
au choix
motos scooters bagnoles qui
défient la vitesse du vent
dans l'avenue
des hurlements de poivrots des tatoués qui se battent
en duel
autour d'un feu de poubelle
et leurs cadavres de bouteilles
des poètes qui tentent d'écrire
en rythme
le fameux meilleur poème de leur collection
avec tout ce qu'il faut de concentration fatiguée
et qui en restera là : au stade de tentative
Les bruits de la nuit ont un petit air de folk
triste
on repense à ce qui s'est dit
entre nous
à ce qui se trame
dans les coulisses du monde
on a en tête une mélodie de Leonard Cohen
qui s'insinue
en plein coeur
on se souvient
qu'on n'a pas fait grand chose de sa vie
qu'on ne fait pas grand cas
des signaux d'alerte
qu'on court après des chimères
qu'on ferait mieux de fermer sa gueule
une bonne fois pour toutes
je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet est le dernier
les bruits de la nuit ont un petit air de fin
du monde
(tout rentrera dans l'ordre au matin faut pas s'en faire)
griffu
bagarre de matous sur le toit
cris de guerre pour un bout
de territoire
l'un des deux finira par se casser
(et peut-être revenir avec plus de stridence dans la gorge)
je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet vide à la poubelle
faut que j'mange quelque chose
Au loin
les bruits de la nuit ont un petit air de punk rock
vintage
sirènes de flics de pompiers d'ambulances
au choix
motos scooters bagnoles qui
défient la vitesse du vent
dans l'avenue
des hurlements de poivrots des tatoués qui se battent
en duel
autour d'un feu de poubelle
et leurs cadavres de bouteilles
des poètes qui tentent d'écrire
en rythme
le fameux meilleur poème de leur collection
avec tout ce qu'il faut de concentration fatiguée
et qui en restera là : au stade de tentative
Les bruits de la nuit ont un petit air de folk
triste
on repense à ce qui s'est dit
entre nous
à ce qui se trame
dans les coulisses du monde
on a en tête une mélodie de Leonard Cohen
qui s'insinue
en plein coeur
on se souvient
qu'on n'a pas fait grand chose de sa vie
qu'on ne fait pas grand cas
des signaux d'alerte
qu'on court après des chimères
qu'on ferait mieux de fermer sa gueule
une bonne fois pour toutes
je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet est le dernier
les bruits de la nuit ont un petit air de fin
du monde
(tout rentrera dans l'ordre au matin faut pas s'en faire)
18 déc. 2015
Vivre s'apprend sur le tas
A chaque jour suffit sa peine
on se contente parfois d'expressions toutes faites
on se contente de ça
en attendant mieux
alors oui, à chaque jour suffit sa peine
(le mieux ne viendra sans doute pas)
Les motifs de satisfaction
alors, là, sont pas légion ceux là
c'est dur pour tout le monde comme ils disent
faut faire avec faut faire sans faut faire
quelques conseils placardés dans un coin du cerveau
maîtriser la respiration
laisser venir les pensées
y compris les sombres pensées oui
les laisser repartir
ainsi chasser l'angoisse
ça marche ? tu crois ça marche ?
ensuite s'esbaubir d'un vol d'un chardonneret
(il n'y pas de chardonneret par ici)
(pas grave, on peut en inventer, ça s'invente un chardonneret)
Les chiffres nous cernent
le prix de ceci
les chaînes télé
la taille de mon sexe en érection au repos
je ressens moins de désir est-ce ma faute ?
la valeur de notre appartement
les dettes du dossier de surendettement
l'âge de nos artères
la radiologue m'a dit que j'avais les artères de l'aorte déjà bouchées
qu'il fallait faire gaffe
ça ne m'inquiète même pas vraiment
Tu peux pas rester comme ça
comme ça rester sans rien faire
tu peux pas tout simplement tu peux pas
tu veux bien m'aider s'il te plait ?
la poésie ta poésie n'y suffit pas bordel de merde
l'amour non plus
(ce qu'il reste entre nous)
"Poste de téléconseiller"
pas dans la vente
le conseil, uniquement le conseil
je sais pas vendre, je n'aime pas vendre
penser à relire les Initiés de Dan Fante
par exemple
et des exemples on en tire des expériences
et ainsi va la vie continue
à couler quelque part
la somme de nos irrémédiables
lacunes
(vivre s'apprend)
17 déc. 2015
Dans la maison de mon Enfance (Extrait 35)
Je me souviens rarement de mes rêves
mais celui-là revient
parfois
avec la même insistance
je tourne je tourne
toupie
aspirée par un vide
obscur
sans fin sans fond
je tourne je tourne
pris dans une chute
vertigineuse
la chute
n'en finit pas
m'engloutit quelque part
qui me réveille
chaque fois
en
sursaut
&
en
sueur
je me demande ce qui m'arrive
je me demande si quelque chose a changé autour de moi
je n'ose plus me rendormir
la chambre est désespérément silencieuse
je m'assieds sur mon lit
les yeux grands ouverts
jusqu'à ce qu'ils
s'habituent
jusqu'à ce qu'ils
devinent les formes
les contours
les objets
avec davantage de netteté
je me prends pour un chat
prêt à bondir sur une proie
imaginaire
c'est ma façon d'apprivoiser
la peur
&
de prendre ma revanche
sur la nuit.
mais celui-là revient
parfois
avec la même insistance
je tourne je tourne
toupie
aspirée par un vide
obscur
sans fin sans fond
je tourne je tourne
pris dans une chute
vertigineuse
la chute
n'en finit pas
m'engloutit quelque part
qui me réveille
chaque fois
en
sursaut
&
en
sueur
je me demande ce qui m'arrive
je me demande si quelque chose a changé autour de moi
je n'ose plus me rendormir
la chambre est désespérément silencieuse
je m'assieds sur mon lit
les yeux grands ouverts
jusqu'à ce qu'ils
s'habituent
jusqu'à ce qu'ils
devinent les formes
les contours
les objets
avec davantage de netteté
je me prends pour un chat
prêt à bondir sur une proie
imaginaire
c'est ma façon d'apprivoiser
la peur
&
de prendre ma revanche
sur la nuit.
Dans la maison de mon Enfance (Extrait 34)
Quand je vais pas bien
que je me sens trop seul
par exemple
je ne me l'explique pas
vraiment
je ne sais pas mettre des mots précis
sur ce que je ressens
&
ce que je ressens prend d'ailleurs différentes
directions
qui ne font qu'accentuer le chaos
intérieur
je ne sais pas à qui en parler
surtout pas à papa ni à maman
surtout pas à mon frère
j'en touche un mot à mon journal intime
qui regorge de questions métaphysiques
que je crois être le seul à me poser
puisque les autres n'en disent rien
ne m'en disent rien
alors c'est mon secret
alors je le cache bien à l'abri des regards
je fais comme si de rien n'était
je prends tout à la rigolade
mais
je sens bien que j'ai un sérieux problème de
concentration
&
de compréhension
le monde m'échappe
les études m'échappent
mon cerveau même m'échappe
avec toutes ces phobies
tous ces tics
toutes ces démonstrations d'impuissance
rien ne se résout tout s'aiguise et se transforme
parfois je n'ai d'autre solution
que de vider les placards
de la cuisine
sucré, salé, tout y passe
dans mon ventre
jusqu'à ce que mes obsessions
soient tournées vers autre chose
de plus concret
&
maman de hurler comme si c'était la fin du monde :
-qui a mangé tous les gâteaux ?
-qui d'entre vous a liquidé les cacahuètes ? C'est pas possible bon dieu, c'est pas possible cette gourmandise !
&
papa de gifler
celui qui finit par avouer son horrible forfait
c'est-à-dire
moi
(et ça, je vais le noter dans mon journal intime).
que je me sens trop seul
par exemple
je ne me l'explique pas
vraiment
je ne sais pas mettre des mots précis
sur ce que je ressens
&
ce que je ressens prend d'ailleurs différentes
directions
qui ne font qu'accentuer le chaos
intérieur
je ne sais pas à qui en parler
surtout pas à papa ni à maman
surtout pas à mon frère
j'en touche un mot à mon journal intime
qui regorge de questions métaphysiques
que je crois être le seul à me poser
puisque les autres n'en disent rien
ne m'en disent rien
alors c'est mon secret
alors je le cache bien à l'abri des regards
je fais comme si de rien n'était
je prends tout à la rigolade
mais
je sens bien que j'ai un sérieux problème de
concentration
&
de compréhension
le monde m'échappe
les études m'échappent
mon cerveau même m'échappe
avec toutes ces phobies
tous ces tics
toutes ces démonstrations d'impuissance
rien ne se résout tout s'aiguise et se transforme
parfois je n'ai d'autre solution
que de vider les placards
de la cuisine
sucré, salé, tout y passe
dans mon ventre
jusqu'à ce que mes obsessions
soient tournées vers autre chose
de plus concret
&
maman de hurler comme si c'était la fin du monde :
-qui a mangé tous les gâteaux ?
-qui d'entre vous a liquidé les cacahuètes ? C'est pas possible bon dieu, c'est pas possible cette gourmandise !
&
papa de gifler
celui qui finit par avouer son horrible forfait
c'est-à-dire
moi
(et ça, je vais le noter dans mon journal intime).
5 déc. 2015
Un très beau texte de Saida
Dis hamdulillah...
Tous les jours, je dis Hamdullilah,
Le matin le midi le soir chaque instant de ma vie je dis Hamdullilah..
Louange à Dieu.
Merci Dieu. Merci tout le temps même quand je suis triste même quand je suis en colère même quand les temps sont durs même quand j'ai mal.
Allah est grand, il me protège me dit-on,
Je n'en doute pas, j'en suis sûre.
Tout est noué à l'intérieur, tout est confus.
Quand je dois dire Hamdullilah et que ça va pas, y a du ressentiment. Comme si j'avais pas le droit d'avoir des émotions négatives, comme si j'avais pas le droit de pleurer comme si je devais accepter une vie de merde et ravaler mes larmes.
J'ai peur, j'ai peur de brûler dans les flammes de l'enfer si je ne dis pas ce Hamdullilah.
Et puis je pense à cette putain de vie, mon passé
Tous les péchés.
Et je sais très bien que j'irai en Enfer. J'ai pris dès le départ,dès mon enfance un billet aller simple.
Mais l'enfer, je le connais déjà,
Il est là
Dans ma tête, au jour le jour.
Tu n'es pas à plaindre, tu as tout pour être heureuse ma fille.
Dis Hamdullilah, bordel de merde dis Hamdullilah
Tu as un mari aimant, une fille intelligente, tu n'as jamais manqué de rien, tu as eu la chance d'avoir un père une mère des frères et sœurs la chance de faire des études un travail un toit,tu manges à ta faim.
Tu n'es pas à plaindre ma fille.
Moi je n'ai pas eu de mère
Ton papa a vécu la misère.
Nous n'avons pas eu la chance d'aller à l'école pour apprendre à lire et à écrire.
Une vie de malheur pour tous les deux.
Alors pourquoi tu dis pas Hamdullilah?
Pourquoi?
Mais si Maman je le dis, je le dis!!!!
S'il te plaît maman j'ai juste envie de pleurer parfois parce que c'est trop dur. Parce que je vois bien que ma vie c'est que dalle! Dès mon arrivée en France.
Maman je t'en supplies Maman je sais que je suis pas à plaindre. Je le sais y a pire que moi.
Est ce que ça console de savoir que dans le monde, y a des personnes qui n'ont pas de quoi manger, pas de toit pas de mari pas d'enfant?
Est ce que dire Hamdullilah ça voudrait dire que je ferme ma gueule et tout accepter?
Sans broncher?
Mine de rien,
je dis Hamdullilah le matin
le midi le soir tous les jours de l'année
Mais je sais très bien que quand je m'en irai
il ne restera pas grand chose de moi
juste le souvenir d'un nana complètement timbrée.
Hamdullilah, Louange à Dieu
Et je fais juste de mon mieux.
Pour survivre tant bien que mal.
Les larmes coulent en silence, j'étouffe mon mal être ma solitude mon désespoir
Etre face à moi même le jour du jugement dernier
L'enfer je le connais déjà, j'y suis habituée.
Éternellement à vie pour toujours...
Pourquoi moi?
Hamdullilah!
Le matin le midi le soir chaque instant de ma vie je dis Hamdullilah..
Louange à Dieu.
Merci Dieu. Merci tout le temps même quand je suis triste même quand je suis en colère même quand les temps sont durs même quand j'ai mal.
Allah est grand, il me protège me dit-on,
Je n'en doute pas, j'en suis sûre.
Tout est noué à l'intérieur, tout est confus.
Quand je dois dire Hamdullilah et que ça va pas, y a du ressentiment. Comme si j'avais pas le droit d'avoir des émotions négatives, comme si j'avais pas le droit de pleurer comme si je devais accepter une vie de merde et ravaler mes larmes.
J'ai peur, j'ai peur de brûler dans les flammes de l'enfer si je ne dis pas ce Hamdullilah.
Et puis je pense à cette putain de vie, mon passé
Tous les péchés.
Et je sais très bien que j'irai en Enfer. J'ai pris dès le départ,dès mon enfance un billet aller simple.
Mais l'enfer, je le connais déjà,
Il est là
Dans ma tête, au jour le jour.
Tu n'es pas à plaindre, tu as tout pour être heureuse ma fille.
Dis Hamdullilah, bordel de merde dis Hamdullilah
Tu as un mari aimant, une fille intelligente, tu n'as jamais manqué de rien, tu as eu la chance d'avoir un père une mère des frères et sœurs la chance de faire des études un travail un toit,tu manges à ta faim.
Tu n'es pas à plaindre ma fille.
Moi je n'ai pas eu de mère
Ton papa a vécu la misère.
Nous n'avons pas eu la chance d'aller à l'école pour apprendre à lire et à écrire.
Une vie de malheur pour tous les deux.
Alors pourquoi tu dis pas Hamdullilah?
Pourquoi?
Mais si Maman je le dis, je le dis!!!!
S'il te plaît maman j'ai juste envie de pleurer parfois parce que c'est trop dur. Parce que je vois bien que ma vie c'est que dalle! Dès mon arrivée en France.
Maman je t'en supplies Maman je sais que je suis pas à plaindre. Je le sais y a pire que moi.
Est ce que ça console de savoir que dans le monde, y a des personnes qui n'ont pas de quoi manger, pas de toit pas de mari pas d'enfant?
Est ce que dire Hamdullilah ça voudrait dire que je ferme ma gueule et tout accepter?
Sans broncher?
Mine de rien,
je dis Hamdullilah le matin
le midi le soir tous les jours de l'année
Mais je sais très bien que quand je m'en irai
il ne restera pas grand chose de moi
juste le souvenir d'un nana complètement timbrée.
Hamdullilah, Louange à Dieu
Et je fais juste de mon mieux.
Pour survivre tant bien que mal.
Les larmes coulent en silence, j'étouffe mon mal être ma solitude mon désespoir
Etre face à moi même le jour du jugement dernier
L'enfer je le connais déjà, j'y suis habituée.
Éternellement à vie pour toujours...
Pourquoi moi?
Hamdullilah!
12 nov. 2015
Dans la maison de mon Enfance (Extrait 33, version remaniée)
Ce chemin de poussière
&
de pierres
je le connais par coeur
c'est beaucoup dire
je manque d'y chuter
plusieurs fois
de mon vélo
en rentrant de l'école
je m'en fous nom de dieu
je crâne un peu
en passant devant la maison
d'une belle fille de
ma classe
qui me regarde peut-être à sa fenêtre
y a des champs alentour
&
des terrains à l'abandon
y a aussi quelques maisons comme la nôtre
plus grandes que la nôtre
papa et maman n'en sont pas jaloux
à ce qu'il paraît
papa dit même que ces gens-là sont pas comme nous
moi j'en sais rien nom de dieu je m'en fous
c'est quelque chose que je répète souvent
et maman n'aime pas ça
quand on parle de dieu de cette façon
je salue les voisins
politesse bien apprise
ils prennent le thé
ils prennent le temps
à leur terrasse
un vieux couple avec un chien hargneux
qui m'aboie dessus
comme un fou
je pédale
je pédale
un peu plus loin j'arrive à
la barrière blanche c'est chez nous
une barrière en plastique
facile à enjamber
on le fait souvent mon frère
&
moi
quand on s'ennuie à l'intérieur
maman sourit
maman m'attend
maman demande si ça s'est bien passé
les notes
l'école
tout ça
toujours les mêmes questions
je la connais par coeur
mais je dis rien nom de dieu je m'en fous
c'est beaucoup dire ça peut mal se passer
&
de pierres
je le connais par coeur
c'est beaucoup dire
je manque d'y chuter
plusieurs fois
de mon vélo
en rentrant de l'école
je m'en fous nom de dieu
je crâne un peu
en passant devant la maison
d'une belle fille de
ma classe
qui me regarde peut-être à sa fenêtre
y a des champs alentour
&
des terrains à l'abandon
y a aussi quelques maisons comme la nôtre
plus grandes que la nôtre
papa et maman n'en sont pas jaloux
à ce qu'il paraît
papa dit même que ces gens-là sont pas comme nous
moi j'en sais rien nom de dieu je m'en fous
c'est quelque chose que je répète souvent
et maman n'aime pas ça
quand on parle de dieu de cette façon
je salue les voisins
politesse bien apprise
ils prennent le thé
ils prennent le temps
à leur terrasse
un vieux couple avec un chien hargneux
qui m'aboie dessus
comme un fou
je pédale
je pédale
un peu plus loin j'arrive à
la barrière blanche c'est chez nous
une barrière en plastique
facile à enjamber
on le fait souvent mon frère
&
moi
quand on s'ennuie à l'intérieur
maman sourit
maman m'attend
maman demande si ça s'est bien passé
les notes
l'école
tout ça
toujours les mêmes questions
je la connais par coeur
mais je dis rien nom de dieu je m'en fous
c'est beaucoup dire ça peut mal se passer
9 nov. 2015
Retour de visite de quelques blogs
Le terrible – Le langage et nos sens couvrent Dieu comme la peau nous épargne la vue de nos tripes, sont le voile jeté sur le terrible.
Stéphane Bernard - Extrait de Notes et contres-notes : ici
***
***
10-05-3000 – La Vierge Marie, icône de la religion catholique, apparaît de nouveau à Lourdes après plus de mille ans. Elle effectue un strip-tease devant dix-huit pèlerins – dont trois aveugles – et disparaît sans laisser le moindre message.
Eric Dejaeger - Extrait de Fin du IIIe millénaire (27) ici
Stéphane Bernard - Extrait de Notes et contres-notes : ici
***

Marlène Tissot - Mot barré #25 là
***
10-05-3000 – La Vierge Marie, icône de la religion catholique, apparaît de nouveau à Lourdes après plus de mille ans. Elle effectue un strip-tease devant dix-huit pèlerins – dont trois aveugles – et disparaît sans laisser le moindre message.
Eric Dejaeger - Extrait de Fin du IIIe millénaire (27) ici
8 nov. 2015
Dans la maison de mon enfance (Extrait 32)
Je
m'accroupis
dans
l'herbe
humide
du jardin en
pente
pour
voir de plus près
les escargots
les vers de terre
&
les limaces
maman me
demande de
ne pas y toucher
parce que c'est dégoûtant
mais quand
elle a le dos
tourné
je pose
mes doigts
&
le nez presque
dessus
car moi
voyez-vous
je n'ai pas
d'animal de
compagnie
m'accroupis
dans
l'herbe
humide
du jardin en
pente
pour
voir de plus près
les escargots
les vers de terre
&
les limaces
maman me
demande de
ne pas y toucher
parce que c'est dégoûtant
mais quand
elle a le dos
tourné
je pose
mes doigts
&
le nez presque
dessus
car moi
voyez-vous
je n'ai pas
d'animal de
compagnie
Dans la maison de mon enfance (Extrait 31)
Chaque fois qu'il pleuvait fort
le garage en pente était inondé
on enfilait des bottes
de pêcheur
qui ne servaient jamais le reste du temps
on se mettait tous ensemble
à évacuer l'eau
avec des balais des serpillières et des seaux
maman à bout de nerfs
répétait qu'elle en avait marre
de cette maison
moi j'aimais bien cet effort physique
qui donnait l'impression
d'être utile
à autre chose
Chaque fois qu'il pleuvait fort
les cartons mouillés dans le garage
sentaient le rance
et on recommençait
à éponger
parfois c'était en pleine nuit
-on fait comme les Shadoks souriait papa
qui nous expliquait à mon frère et moi
qui étaient les Shadoks
ensuite on buvait une boisson chaude
Je crois bien que
l'imminence des catastrophes
devenait un souhait que je n'osais
bien sûr pas exprimer clairement.
Une fois seul dans ma chambre
je retrouvais mes peurs
la nuit quand le vent
sifflait entre les volets
la mélopée des solitudes
le retour des vieux fantômes
vengeurs
&
mes prières n'y changeaient rien
parfois j'en voulais à ce dieu et ça n'y rien changeait rien non plus
le garage en pente était inondé
on enfilait des bottes
de pêcheur
qui ne servaient jamais le reste du temps
on se mettait tous ensemble
à évacuer l'eau
avec des balais des serpillières et des seaux
maman à bout de nerfs
répétait qu'elle en avait marre
de cette maison
moi j'aimais bien cet effort physique
qui donnait l'impression
d'être utile
à autre chose
Chaque fois qu'il pleuvait fort
les cartons mouillés dans le garage
sentaient le rance
et on recommençait
à éponger
parfois c'était en pleine nuit
-on fait comme les Shadoks souriait papa
qui nous expliquait à mon frère et moi
qui étaient les Shadoks
ensuite on buvait une boisson chaude
Je crois bien que
l'imminence des catastrophes
devenait un souhait que je n'osais
bien sûr pas exprimer clairement.
Une fois seul dans ma chambre
je retrouvais mes peurs
la nuit quand le vent
sifflait entre les volets
la mélopée des solitudes
le retour des vieux fantômes
vengeurs
&
mes prières n'y changeaient rien
parfois j'en voulais à ce dieu et ça n'y rien changeait rien non plus
7 nov. 2015
Dans la maison de mon enfance (Extrait 30)
Les amis de papa et maman
quand ils viennent chez nous ils
me demandent ce que je veux faire plus tard
ils ne sont pas les seuls
papy et mamy me posent la même question
pépé et mémé pareil
et d'autres gens dans notre entourage
et d'autres gens que je connais à peine
mais qu'est-ce-qu'ils ont tous à vouloir savoir ?
et chaque fois je réponds la même chose
ça les fait bien sourire
moi je comprends pas qu'ils sourient comme ça
peut-être que j'ai dit une bêtise ?
parce qu'on dirait qu'ils ne me prennent pas au sérieux
parce qu'on dirait qu'ils se moquent de moi
je leur souris aussi quand même pour faire plaisir
surtout pour ne pas m'énerver
et là
papa et maman d'un commun accord
concluent d'un "ça va lui passer"
ferme et définitif
qui me fait presque froid dans le dos
et puis tous parlent des études, de réussite, d'un vrai métier
et puis tous parlent d'autre chose
et puis tout le monde oublie que j'existe
je n'écoute déjà plus
que cette phrase en boucle dans ma tête
et si ça ne me passait pas ?
et si ça ne me passait pas hein ?
quand ils viennent chez nous ils
me demandent ce que je veux faire plus tard
ils ne sont pas les seuls
papy et mamy me posent la même question
pépé et mémé pareil
et d'autres gens dans notre entourage
et d'autres gens que je connais à peine
mais qu'est-ce-qu'ils ont tous à vouloir savoir ?
et chaque fois je réponds la même chose
ça les fait bien sourire
moi je comprends pas qu'ils sourient comme ça
peut-être que j'ai dit une bêtise ?
parce qu'on dirait qu'ils ne me prennent pas au sérieux
parce qu'on dirait qu'ils se moquent de moi
je leur souris aussi quand même pour faire plaisir
surtout pour ne pas m'énerver
et là
papa et maman d'un commun accord
concluent d'un "ça va lui passer"
ferme et définitif
qui me fait presque froid dans le dos
et puis tous parlent des études, de réussite, d'un vrai métier
et puis tous parlent d'autre chose
et puis tout le monde oublie que j'existe
je n'écoute déjà plus
que cette phrase en boucle dans ma tête
et si ça ne me passait pas ?
et si ça ne me passait pas hein ?
6 nov. 2015
5 nov. 2015
Microbe #92
Au sommaire : Astrid Waliszek - Sophie G.Lucas - Samantha Barendson - Hafida Ait-Yahya - Antonella Fiori - Gregory Salako - François-Xavier Farine - Lidia Badal - Perrine Le Querrec - Robert Serrano - Stéphane Bernard - Massimo Bortolini - Yves Artufel - Isabelle Bonat-Luciani - Benoît Jeantet - Hervé Bougel.
3 Illustrations/collages : Jany Pineau.
Merci à mon pote Eric de m'avoir laissé piloter ce numéro de Novembre !
En plus du numéro "classique", un Mi(ni)crobes signé du truculent Marc Bonetto !
(Photo Paul Guiot)
3 Illustrations/collages : Jany Pineau.
Merci à mon pote Eric de m'avoir laissé piloter ce numéro de Novembre !
En plus du numéro "classique", un Mi(ni)crobes signé du truculent Marc Bonetto !
(Photo Paul Guiot)
4 nov. 2015
Quelques aphorismes, Erasme !
-Vertige de la grossesse
Elle est tombée enceinte de plus de dix mètres & n'a pas survécu.
-Qu'en savons-nous ?
Si l'origine du monde est une chatte poilue, qu'est-ce-que sera la fin ?
-Ce que ne savent pas faire les politiciens
Prêter serment & le rendre intact.
Elle est tombée enceinte de plus de dix mètres & n'a pas survécu.
-Qu'en savons-nous ?
Si l'origine du monde est une chatte poilue, qu'est-ce-que sera la fin ?
-Ce que ne savent pas faire les politiciens
Prêter serment & le rendre intact.
-Insidieuse, elle
La folie nous guette : elle attend juste le bon moment pour nous sauter dessus.
-Confidence
Je prends mon mâle en patience, me dit-elle, mais je n'attends plus rien de lui.
-Sont-ils fiables ?
Tu parles à tort et à travers : les connais-tu au moins ces deux-là ?
-Logique
Comment joindre les deux bouts en restant assis ?
-Transfusion
Je bois beaucoup de cafés noirs ; un jour mon sang ne sera plus qu'un lointain souvenir.
-Question d'équilibre
Vaut-il mieux se pencher sur son passé ou tomber à la renverse ?
-L'étrange est là
La réalité nous échappe, me dis-je, en me regardant dans le miroir.
-Les OGM & nous
Mon sentiment ? Monsanto ment !
-Simple recette
Un éditeur : un nez d'auteurs.
-Question d'équilibre
Vaut-il mieux se pencher sur son passé ou tomber à la renverse ?
-L'étrange est là
La réalité nous échappe, me dis-je, en me regardant dans le miroir.
-Les OGM & nous
Mon sentiment ? Monsanto ment !
-Simple recette
Un éditeur : un nez d'auteurs.
(Extraits d'un truc en cours...)
Chanson de la solitude matinale
Rideau tiré
ciel sombre
pluie fine
j'accorde ma solitude matinale
Je devrais me frotter au monde
&
me battre
d'une manière ou d'une autre
j'accorde ma solitude matinale
Nous ne savons plus comment
résoudre
ce qui cloche entre nous
engueulades, reproches, discours
rien n'y fait
à moins que cela se joue en sourdine
S'adapter
toujours s'adapter
mieux s'adapter
reprendre forme
ou fuir
j'accorde ma solitude matinale
Désir
le manque
les manques
absence
j'accorde ma solitude matinale
Nous ne savons plus s'il est
nécessaire
d'y remédier
s'il n'est déjà pas trop tard
s'il est seulement possible d'y remédier
avec des hypothèses et la bouteille tu sais
J'écris
l'avenir en pointillés
J'écris
ce présent déchiré
j'accorde ma solitude matinale
ciel sombre
pluie fine
j'accorde ma solitude matinale
Je devrais me frotter au monde
&
me battre
d'une manière ou d'une autre
j'accorde ma solitude matinale
Nous ne savons plus comment
résoudre
ce qui cloche entre nous
engueulades, reproches, discours
rien n'y fait
à moins que cela se joue en sourdine
S'adapter
toujours s'adapter
mieux s'adapter
reprendre forme
ou fuir
j'accorde ma solitude matinale
Désir
le manque
les manques
absence
j'accorde ma solitude matinale
Nous ne savons plus s'il est
nécessaire
d'y remédier
s'il n'est déjà pas trop tard
s'il est seulement possible d'y remédier
avec des hypothèses et la bouteille tu sais
J'écris
l'avenir en pointillés
J'écris
ce présent déchiré
j'accorde ma solitude matinale
3 nov. 2015
Certitudes en escalier
Tu te construis des certitudes en escalier
Tu remontes le temps
marche après marche
phrase après phrase
Ça te donne le vertige
Tu ne prétends plus
mieux cerner
tes alentours
&
tes déchets
Tu laisses ça à d'autres
Il en faut du temps pour dépoussiérer
ce qui encombre
de l'intérieur
Et puis
L'enfance, ce mollusque agrippé
à des parois séculaires
te glisse entre chaque souvenir
Tu te construis sur fil placé
entre deux immeubles
laids
mais habités de
quelques créatures qui te semblent
vivantes
Et tu t'en tiendras là.
Tu remontes le temps
marche après marche
phrase après phrase
Ça te donne le vertige
Tu ne prétends plus
mieux cerner
tes alentours
&
tes déchets
Tu laisses ça à d'autres
Il en faut du temps pour dépoussiérer
ce qui encombre
de l'intérieur
Et puis
L'enfance, ce mollusque agrippé
à des parois séculaires
te glisse entre chaque souvenir
Tu te construis sur fil placé
entre deux immeubles
laids
mais habités de
quelques créatures qui te semblent
vivantes
Et tu t'en tiendras là.
Grisaille & autres petites considérations
Grisaille
un peu partout
appréciation purement subjective
mes phobies traînent des pieds
le moucheron est coincé là
lui aussi
elle dit que je suis presque aussi
malade qu'elle
en plaisantant
elle insiste sur le presque
énumère toutes
mes phobies
on se connaît depuis tellement d'années
comme
le paysage en face
destiné à ne jamais
varier d'un pouce
appréciation purement subjective
tout paysage change
s'abîme
se meurt
se renouvelle
prendre en considération l"argent la politique
je ferais mieux de ne rien dire
je pense une chose et son
contraire
avec la même intensité la même sincérité
je pense que c'est une hauteur de vue
mais non c'est un doute
sur les choses
sur moi-même
je ne parviens pas à décider
de ce qui est, de ce qui n'est pas
à la fenêtre je côtoie
un moucheron
qui n'a pas peur de moi
il est hypnotisé par le dehors
la vie intérieure d'un moucheron
ne doit pas être moins étouffante
que cette sorte de solitude abrasive
qui serait la confirmation
que j'existe pour ne jamais en jouir pleinement.
un peu partout
appréciation purement subjective
mes phobies traînent des pieds
le moucheron est coincé là
lui aussi
elle dit que je suis presque aussi
malade qu'elle
en plaisantant
elle insiste sur le presque
énumère toutes
mes phobies
on se connaît depuis tellement d'années
comme
le paysage en face
destiné à ne jamais
varier d'un pouce
appréciation purement subjective
tout paysage change
s'abîme
se meurt
se renouvelle
prendre en considération l"argent la politique
je ferais mieux de ne rien dire
je pense une chose et son
contraire
avec la même intensité la même sincérité
je pense que c'est une hauteur de vue
mais non c'est un doute
sur les choses
sur moi-même
je ne parviens pas à décider
de ce qui est, de ce qui n'est pas
à la fenêtre je côtoie
un moucheron
qui n'a pas peur de moi
il est hypnotisé par le dehors
la vie intérieure d'un moucheron
ne doit pas être moins étouffante
que cette sorte de solitude abrasive
qui serait la confirmation
que j'existe pour ne jamais en jouir pleinement.
2 nov. 2015
Quelques impressions par brouillard
On pourrait bien sûr se projeter vers l'avenir
mais je crois que cette image
se confondrait avec celle d'un écran noir
plongé dans le silence
quand tous les spectateurs sont partis.
**
Épais brouillard
froid vif
la rue presque déserte
là haut c'est le 3è étage
de notre appartement
&
nous deux dans le prolongement d'un hiver
ou d'une saison un peu perdue
&;
nos habitudes qui se chamaillent
pour un oui, pour un non.
**
Je ne suis pas allé au terme de mon contrat
j'en avais marre
c'est un luxe de pouvoir s'en tirer comme ça me dit-tu
tu as peut-être raison
je ne sais pas
j'ai l'impression de revenir des années en arrière
quand je n'allais jamais au bout des choses
&
dire que rien n'aurait vraiment changé alors...
**
Je mène une double vie : celle du réel et celle que je m'invente.
**
Un couple fusionnel nécessite une bonne digestion.
Après des années de cannibalisme de l'un envers l'autre.
**
Les gens qui passent sous la fenêtre
ont leur propre rythme, leur propre digestion.
Je me trompe sans doute
car je ne les imagine pas
vivant la même chose que nous.
Après tout, à quelques détails près.
Oui, mais ce sont ces détails justement.
c'est possible.
Quoiqu'il en soit c'est une idée en l'air.
Je garde mes distances avec le monde.
Et avec toi, désormais.
**
Il y en a dont le métier est de toiletter les défunts.
à ma mort, merci de me laisser tel quel : avec ma crasse et ma sueur.
je n'ai nulle envie de faire le beau sous terre.
mais je crois que cette image
se confondrait avec celle d'un écran noir
plongé dans le silence
quand tous les spectateurs sont partis.
**
Épais brouillard
froid vif
la rue presque déserte
là haut c'est le 3è étage
de notre appartement
&
nous deux dans le prolongement d'un hiver
ou d'une saison un peu perdue
&;
nos habitudes qui se chamaillent
pour un oui, pour un non.
**
Je ne suis pas allé au terme de mon contrat
j'en avais marre
c'est un luxe de pouvoir s'en tirer comme ça me dit-tu
tu as peut-être raison
je ne sais pas
j'ai l'impression de revenir des années en arrière
quand je n'allais jamais au bout des choses
&
dire que rien n'aurait vraiment changé alors...
**
Je mène une double vie : celle du réel et celle que je m'invente.
**
Un couple fusionnel nécessite une bonne digestion.
Après des années de cannibalisme de l'un envers l'autre.
**
Les gens qui passent sous la fenêtre
ont leur propre rythme, leur propre digestion.
Je me trompe sans doute
car je ne les imagine pas
vivant la même chose que nous.
Après tout, à quelques détails près.
Oui, mais ce sont ces détails justement.
c'est possible.
Quoiqu'il en soit c'est une idée en l'air.
Je garde mes distances avec le monde.
Et avec toi, désormais.
**
Il y en a dont le métier est de toiletter les défunts.
à ma mort, merci de me laisser tel quel : avec ma crasse et ma sueur.
je n'ai nulle envie de faire le beau sous terre.
Perrin Langda & compagnie
Le recueil est sorti le mois dernier.
Piloté avec classe par Perrin Langda, via l'éditeur Walter Ruhlmann (Mauvaise Graine).
Au sommaire : Brice Haziza, Christophe Bregaint, Stéphane Poirier, Mike Kasprzak, Heptanes Fraxion, Morgan Riet, Emmanuel Campo, Thierry Roquet & Perrin Langda.
5€ + 3€ de port
64 pages au format 14,8 x 21 cm
A commander sur lulu.com
Piloté avec classe par Perrin Langda, via l'éditeur Walter Ruhlmann (Mauvaise Graine).
Au sommaire : Brice Haziza, Christophe Bregaint, Stéphane Poirier, Mike Kasprzak, Heptanes Fraxion, Morgan Riet, Emmanuel Campo, Thierry Roquet & Perrin Langda.
5€ + 3€ de port
64 pages au format 14,8 x 21 cm
A commander sur lulu.com
1 nov. 2015
22 sept. 2015
Fred Houdaer parle du Pédalo Ivre (collection "Poésie" qu'il dirige)
Où il est question des auteurs du Pédalo.
Mais aussi de Jean-Marc Luquet, de Leonard Cohen, d'Eric Dejaeger, de Daniel Labedan, de JL Massot, d'Yves Artufel...
1ère partie (Thomas Vinau)
2è partie (Jean-Marc Flahaut)
3è partie (Hélène Dassavray)
4è partie (Greg Damon)
5è partie (Samantha Barendson)
15 juil. 2015
Dans la maison de mon enfance (Extrait 29)
Lettre à mon papy
"Cher papy,
j'espère que tu vas mieux depuis
que tu as attrapé l'infractus
du coeur
c'est un mot bizarre infractus pour une maladie
je pense à toi souvent.
et à mamy aussi bien sûr
de mon côté ça va
puisque je ramène de bonnes notes à l'école
ce qui fait plaisir
à papa et à maman
et à moi aussi bien sûr
au fait maman m'a dit
que tu avais écrit un journal intime
pendant la guerre
j'aimerais bien le lire un jour quand
je serai plus grand
moi aussi j'écris un journal intime
je te le ferai lire si tu veux
au fait papa a acheté
plusieurs gros livres
sur la vie des français pendant l'occupation
je ne les ai pas encore lus
je ne lis pas beaucoup sauf les aventures de Michel le gardian
et Onze et Mondial et Gaston Lagaffe
mais j'ai regardé les photos en noir et blanc
donc j'ai pensé à toi
et à mamy aussi bien sûr
maman m'a dit que tu avais été prisonnier
pendant la guerre
mais elle n'a pas voulu m'en dire plus
alors j'espère que quand tu iras mieux
tu me raconteras tout ça
d'accord ?
je t'embrasse fort
et mamy aussi bien sûr
je vous dit à bientot".
"Cher papy,
j'espère que tu vas mieux depuis
que tu as attrapé l'infractus
du coeur
c'est un mot bizarre infractus pour une maladie
je pense à toi souvent.
et à mamy aussi bien sûr
de mon côté ça va
puisque je ramène de bonnes notes à l'école
ce qui fait plaisir
à papa et à maman
et à moi aussi bien sûr
au fait maman m'a dit
que tu avais écrit un journal intime
pendant la guerre
j'aimerais bien le lire un jour quand
je serai plus grand
moi aussi j'écris un journal intime
je te le ferai lire si tu veux
au fait papa a acheté
plusieurs gros livres
sur la vie des français pendant l'occupation
je ne les ai pas encore lus
je ne lis pas beaucoup sauf les aventures de Michel le gardian
et Onze et Mondial et Gaston Lagaffe
mais j'ai regardé les photos en noir et blanc
donc j'ai pensé à toi
et à mamy aussi bien sûr
maman m'a dit que tu avais été prisonnier
pendant la guerre
mais elle n'a pas voulu m'en dire plus
alors j'espère que quand tu iras mieux
tu me raconteras tout ça
d'accord ?
je t'embrasse fort
et mamy aussi bien sûr
je vous dit à bientot".
Poésie Nomade en Luberon (17 au 19 Juillet 2015)
Organisé par Antoine Gallardo, dit Antoine le Boucher, ce festival de poésie est un acte de résistance face à l'acharnement des pouvoirs publics à réduire les subventions pour ce genre de manifestations !
Le samedi 18, je lirai avec Marlène Tissot & Brigitte Baumié.
Le dimanche 19, je lirai avec Hélène Dassavray.
Il y a aussi des apéros poétiques, animés par Fred Houdaer & Emmanuel Campo.
Avec vins bio et bières bio !
Et d'autres auteurs/musiciens/plasticiens seront présents : Armand le Poète/Patrick Dubost, Yves Artufel, Jean Azarel, Melchior Liboa, Nat'Yot, Julien Blaine, Uto...
Et des anonymes, des spectateurs, des curieux, des clochards, des promeneurs, des vacanciers, des chômeurs, etc.
Et ma squaw Saida ! Qui lira aussi, ah oui !
Et peut-être aussi Catherine (la frangine de ma copine Hélène) !
Voici l'affiche :
Le samedi 18, je lirai avec Marlène Tissot & Brigitte Baumié.
Le dimanche 19, je lirai avec Hélène Dassavray.
Il y a aussi des apéros poétiques, animés par Fred Houdaer & Emmanuel Campo.
Avec vins bio et bières bio !
Et d'autres auteurs/musiciens/plasticiens seront présents : Armand le Poète/Patrick Dubost, Yves Artufel, Jean Azarel, Melchior Liboa, Nat'Yot, Julien Blaine, Uto...
Et des anonymes, des spectateurs, des curieux, des clochards, des promeneurs, des vacanciers, des chômeurs, etc.
Et ma squaw Saida ! Qui lira aussi, ah oui !
Et peut-être aussi Catherine (la frangine de ma copine Hélène) !
Voici l'affiche :
12 juil. 2015
7 trucs à te dire à l'oreille
levé encore trois fois dans la nuit
je ne me suis toujours pas
transformé en loup-garou
***
plein de courbatures ce matin
après l'intense effort physique de la veille
j'ai porté 76 kilos de poèmes aux encombrants
***
revenu de tout
il n'est parti nulle part
depuis un bon moment
il se contente de sortir
sa tête de la fenêtre
quelques minutes par jour
c'est amplement suffisant pour se faire une idée du monde en marche dit-il
***
certains soirs
j'écoute les infos en boucle à la télé
je pense à Bill Murray dans
Groudhog Day
***
1-une bière bien fraîche
2-un moment de tendresse à deux
3-des fous rires et des private jokes
tiercé gagnant du jour
***
j'observe l'avenue pour la dix millième fois
au moins
il ne s'y passe pas grand chose à vrai dire
ce qui est assez
rassurant
en fin de compte
***
ça fait un bon moment
que je n'ai plus ressenti de coup
de déprime
et ça m'inquiète un peu
je ne me suis toujours pas
transformé en loup-garou
***
plein de courbatures ce matin
après l'intense effort physique de la veille
j'ai porté 76 kilos de poèmes aux encombrants
***
revenu de tout
il n'est parti nulle part
depuis un bon moment
il se contente de sortir
sa tête de la fenêtre
quelques minutes par jour
c'est amplement suffisant pour se faire une idée du monde en marche dit-il
***
certains soirs
j'écoute les infos en boucle à la télé
je pense à Bill Murray dans
Groudhog Day
***
1-une bière bien fraîche
2-un moment de tendresse à deux
3-des fous rires et des private jokes
tiercé gagnant du jour
***
j'observe l'avenue pour la dix millième fois
au moins
il ne s'y passe pas grand chose à vrai dire
ce qui est assez
rassurant
en fin de compte
***
ça fait un bon moment
que je n'ai plus ressenti de coup
de déprime
et ça m'inquiète un peu
12 juin 2015
3 juin 2015
A la Médiathèque du Nord !
Ce vendredi 05 juin, on viendra voir Greg & Simon, les deux jeunots du Pédalo Ivre, pour une lecture pleine de peps.
Tout ceci organisé avec maestria par François-Xavier Farine.
Tout ceci organisé avec maestria par François-Xavier Farine.
tous ceux que j'aime... (de Thierry Radière)
tous ceux que j’aime sont là
et je voudrais tellement être autrement
avec eux plus présent plus assis
moins sur le qui-vive des crépuscules
à rabâcher constamment des reproches
sur mon compte à propos de je ne sais
quoi d’impalpable et qui me démange
depuis que j’existe à rebours
et je voudrais tellement être autrement
avec eux plus présent plus assis
moins sur le qui-vive des crépuscules
à rabâcher constamment des reproches
sur mon compte à propos de je ne sais
quoi d’impalpable et qui me démange
depuis que j’existe à rebours
nous échangeons des paroles des rires
des idées des soupirs que je trouve beaux
sans jamais le dire que bien plus tard
à l’aurore sur une terrasse couverte de glycine
quand ils sont partis et que le téléphone
est coupé tous les deux nous nous parlons
de ce qui fait les jours heureux
recouchés l’un contre l’autre
sans nous en apercevoir au lit
des idées des soupirs que je trouve beaux
sans jamais le dire que bien plus tard
à l’aurore sur une terrasse couverte de glycine
quand ils sont partis et que le téléphone
est coupé tous les deux nous nous parlons
de ce qui fait les jours heureux
recouchés l’un contre l’autre
sans nous en apercevoir au lit
1 juin 2015
Une femme à gros seins qui court un marathon (d'Eric Dejaeger)
Lors d'une précédente note de lecture (Avril
2014), j'avais dit du recueil Ouvrez le gaz 30 minutes avant de craquer
l'allumette qu'il était jouissif.
Histoire de changer d'adjectif, disons que Une
femme à gros seins qui court un marathon d'Éric Dejaeger est absolument
délicieux !
Les deux recueils, parus chez Gros Textes la
même année, forment d'ailleurs une sorte de bilogie, le second pouvant
servir d'écho (ou de complément instrumental) au premier.
Une femme à gros seins qui court un marathon
Le titre, déjà !
Sonne comme du Bukowski.
Mais ça n'a finalement pas grand-chose à voir
avec le poivrot américain.
Hormis peut-être la liberté de ton, le langage
"familier", l'impression de naturel qui s'en dégage.
Une femme à gros seins qui court un marathon
C'est d'un amateur éclairé de Chimay bleue, fin
gourmet de la langue, vivant dans une sorte de Montana belge.
Ce recueil est à l'image du chevelu bien barbu
(pour celles et ceux qui le connaissent) : droit dans ses bottes,
chaleureux, finaud, drôle avec ce sens de l'observation, du détail qui font
mouche, de la chute qui fait rein, sans oublier quelques piques dûment lancées
à la face de ceux qui le méritent (riches capitalistes repus, curés et
religions, geeks des réseaux sociaux, des modes vestimentaires douteuses,
ceusses et ceusselles qui se plaignent à tout bout de champ) !
Ô lecteur parfois aussi interpellé dans ton trop
grand confort.
C'est aussi pour ça qu'on aime tant les
recueils d'Éric Dejaeger.
En tout cas celui-ci et quelques autres du même
acabit.
En le lisant, on a envie de faire pote avec Éric,
de boire un godet, deux godets, trois godets, de deviser, de se marrer,
d'ironiser, de fumer clopes ou cigarillos, de marcher quelques pas dans la
campagne en sa compagnie, d'observer la Lune faire un grrros bisou à la Terre.
Le recueil s'ouvre sur un absurde cruel autant
que jubilatoire, avec cette maison au bord du néant.
Puis Eric invente des mots. Pour la bonne
cause. Bannir les anglicismes. Pour que ce soit plus rythmé, plus vivant, plus
marrant.
Puis le poème qui donne le titre au recueil.
Excellentissime !
Puis les thèmes récurrents : la campagne, la
nature, les animaux (plus sauvages que domestiques), les femmes, des
souvenirs de voyage (Irlande, Hanovre), le bon vieux rock (Patty Smith,
Velours Souterrain de Lou Reed, the Pogues...), les cimetières dans son
jardin.
Puis "Le mot jaste" pour se consoler
de n'écrire pas à la perfection (je parle pour moi, of course).
Et la double petite bio finale.
On ne saurait passer sous silence la
sensibilité d'Éric, qui affleure par petites touches. Entre pudeur et
discrétion. Pour Molly d'Irlande, par exemple.
Le "je" n'est jamais trop mis en
avant. On ne sait d'ailleurs trop si ce "je" invente sa vie, nous la
raconte telle quelle, s'en détache, s'en moque… et peu importe.
Au final, on pourrait presque considérer ce
recueil comme un manuel de sagesse ou comment survivre en mode flegme so
british et zen dans une modernité tarabiscotée (sans biscottos).
Moi j'en ai fait mon livre de chevet actuel.
Un délicieux patchwork d’une soixantaine de
pages.
M'est avis qu'il s'agit-là d'un des recueils
les plus aboutis d'Éric Dejaeger. En terme d'équilibre et de dosage.
Pour l'occasion, Éric a fait les choses en
famille, entouré de ses deux filles : Sarah à la 1ère de couv' et Fanny pour la
4è de couv'.
On peut commander le recueil (8 euros) sur le site des Editions Gros Textes : https://sites.google.com/site/grostextes/publications-2014/dejaeger-eric-2
Le poids du monde (de Marlène Tissot)
Dense, noire, sensible, élégante, "Le poids du monde" de Marlène
Tissot, nouvelle de 20 pages parue l'an dernier aux Editions Lunatiques,
nous raconte la dérive psychologique d'un homme qui ne parvient plus, malgré
l'amour des siens - de sa femme et de ses deux enfants - à s'insérer ni dans la
société ni dans la vie tout simplement.
La seule charité, la seule compréhension qu'il
trouve l'espace d'un jour se trouve chez les forains.
Chômage, dettes, huissiers finissent par avoir
raison de lui.
A trop porter ainsi le poids du monde, il
s'imagine, pris dans l'implacable logique qui l'entraîne vers le fond, qu'un
sacrifice (le sien) est nécessaire pour permettre à sa femme Lili et à leurs
deux jeunes enfants de tout reprendre à zéro.
Il y a du David Goodis dans l'atmosphère du
récit.
Anti-héros sans espoir.
Il y a surtout du Marlène Tissot qui trace sa
route de poétesse, de romancière, de nouvelliste.
Le destin, même s'il n'est pas écrit avec
certitude, semble impossible à surmonter. Quoiqu'il fasse, le narrateur ne peut
que s'enfoncer davantage. Malgré la lumière, malgré la force de résistance de
Lili, malgré son amour pour elle. La force du sombre est plus tenace encore.
On suit donc les méandres de cet anti-héros,
entre monologues intérieurs et parties dialoguées, entre la honte, le mépris
des autres, le sentiment de n'être jamais à la hauteur, de n'être à sa place
nulle part. Pas même auprès des siens.
Ce personnage est un anonyme parmi tant
d'autres ; ça pourrait être vous, ça pourrait être moi, et on pourrait
forcément se reconnaître en lui, en tout cas sur de nombreux aspects…
Le désespoir n'a pas de nom, pas de prénom.
Il est juste porté par la lumineuse subtilité
de l'écriture de Marlène Tissot.
On peut commander le recueil (4 euros) sur le site des Editions Lunatiques : http://www.editions-lunatique.com/#!le-poids-du-monde/c20pf
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