4 déc. 2013

chasser les mouches

Ciel, la nuit tombe, froid, aucun oiseau. Par la fenêtre, d'autres fenêtres. Allumées, parfois. Rue, trottoirs, déserts ; non, un passant solitaire chevauche encore d'un pas vigoureux l'ombre des murs. Sans arme ni parole. Mains dans les poches. Emmitouflé. Un grand silence de quelques instants. Tiens, où sont passés les oiseaux ? Comme rentrés chez eux, avec femme et progéniture. C'est l'heure du repas, la becquée, du repos, être en forme demain matin. Sirènes étouffées, au lointain, pompiers, Samu ou flics. Tu es sous les draps, avec la couverture supplémentaire. Oui, je sais, ça caille dans l'appart'. Nos regards se croisent. La tendresse, l'habitude, la parole plus rare. J'ai ma robe de chambre. Tu ressembles à un pacha comme ça, tu me dis. Télé, émission quotidienne, page de pub. J'ai payé les charges au voisin, je dis. On avait du retard mais il n'est pas chiant. Et puis, je pense, plutôt je repense. Que j'ai lu un livre hier soir. Tellement bien écrit que ça m'en fout les boules. Comment faire après ça ? Qu'ajouter ? Comment l'écrire ? Je pense souvent à des choses comme ça. Qui ne remontent pas le moral, c'est certain On est vraiment faits l'un pour l'autre. Noirceur côtoie grisaille. Je pense, toujours. Et pour chasser les mouches dans mon esprit, je ferme les yeux, tire un trait, m'assied sur le canapé, télé.

3 déc. 2013

voisin

En descendant les poubelles, je croise le voisin. Qui se débat avec un cancer de la gorge. Il ne mange plus que des compléments alimentaires liquides. Il les achète par paquets de 50. Voix sourde, cassée, peau abîmée, froissée, rougie. Il me dit qu'il n'a pas toujours été aussi maigre bien sûr. Je lui demande si ça va mieux. Il descend souvent en Touraine, seul, dans sa maison de campagne. Il a un peu de famille, là-bas. Il s'y sent bien, me dit-il. Il ne remonte sur Paris que pour des séjours à l'hôpital. Examens, scanners, tout ça. La douleur passe parfois. Elle finit par revenir. Je hausse les sourcils. Il me demande si j'ai retrouvé du travail. Je lui réponds non. Depuis la mort de sa femme, il y a 5 ou 6 ans, je ne sais plus, il n'est plus le même. Elle portait la culotte. C'est l'impression qu'elle donnait. Je la trouvais assez désagréable. Lui, je l'aime bien. Une fois retraité, il s'est mis au bricolage ; une mezzanine chez lui, une ampoule par ci, par là ; la peinture du hall ; la boîte aux lettres ; une marche dangereuse dans l'escalier... "ça m'occupe" me dit-il. Il me demande si j'ai des entretiens d'embauche. Je lui réponds non. "La vie est dure en ce moment". Son regard perforant quand il prononce ça. Ce n'est pas juste une phrase de politesse, automatique. J'ai presque envie de le prendre dans mes bras. Je sors les poubelles sur le trottoir ; il remonte chez lui. La tristesse quand j'y repense.