29 sept. 2007

Tu tires sur les fils Pour que j'ouvre les yeux
ensuite
Tu tires vers toi plus fort
et là tu t'aperçois
que ma tête penche
d'un côté
Qui n'est pas le côté des fils
Alors tu lâches
Les fils
Et quand tu lâches
d'un coup sec
Je ne sais plus quoi faire
des tissus élastiques

N'oublie pas de recoudre
le chaos
Dans sa chair.

28 sept. 2007

Ca fait des années
qu'on vit
dans cet appartemment
Qu'on paye pour
rembourser
Avec difficulté
Eh bien vois-tu
tout ça me donne l'impression
maintenant
d'une sortie de scène
ratée
Ce soir

j’ai bien envie de
Ne rien foutre
De me laisser aller
Comme toi

Au vide

On passe beaucoup trop de temps
Avec ce qu’on ne comblera
Jamais
Assise en face de moi
ELLE croise
Décroise
ET
Recroise LES JAMBES
Avec la même nervosité
que mon regard
Vers sa jupe
fendue
et le pli
De travers.

Sans doute avait-elle peur d'en dire un de trop

Je suis rentré,
Crevé,
Après mes 7h
42 précises
De contrat à Nanterre
J’ai un peu
Vu ma femme qui m'attendait pour
Le dîner
C'est surtout ma fille
Qui avait hâte de
me raconter sa journée
A l'école
Avant d’aller au lit
Malade

Ma femme n’a pas
Dit un mot
De la soirée
Ca me surprend toujours.

26 sept. 2007

"N’y a-t-il pas là quelque chose de surprenant ? Nous sommes intérieurs à nous-mêmes, et notre personnalité est ce que nous devrions le mieux connaître. Point du tout ; notre esprit y est comme à l’étranger..." Bergson.

C'est donc là
Qu'il faudrait
s'arrêter
Par manque de recul
-Au seuil de l'inaccessible perception-

Puisqu'on
se joue de nos possibles
et qu'il convient de faire avec
le peu qu'il reste.
En tout cas
Ne t'inquiète pas
Pour ton rhume
Il va passer - Crois-moi
On a beau
Vouloir
Tu vois
J'aimerais bien
être un bon père
pour toi...
Si je me pose
Encore
La question
C'est qu'il n'y a
pas
de certitudes
A ce sujet.

25 sept. 2007

Me myself I (en vacances cet été)


Pickles & Mustard (Mon 1er recueil - 2006)

Voici ce qu'en dit Dan Leutenegger, l'éditeur revuiste:

"On ne présente pas un recueil de Thierry Roquet, on le sniffe, le suce, le dévore et on recommence…
« Fuir le Massachaussettes avec quelques zombies », « La grenouille pétomane », « L'homme qui bronze dans l'ascenseur », « L'auto-stoppeuse et la boîte à gants »… ces quelques titres nous racontent des histoires à la fois insolites et quotidiennes ; saugrenues, inattendues et terriblement mordantes.
Un livre bandant, dans tous les sens du terme !
« Banque et mercerie, à visiter d'urgence avant de crever ...
» "

Si ça vous donne pas envie de m'acheter, je veux dire d'acheter le recueil, alors, là, j'y comprends plus rien, merde alors! Youuuuh!

Nick Cave

The mercy seat

Richard Brautigan - Journal Japonais



Extrait: A Study in Roads"All the possibilities of life,
all roads led here.
I was never going anyplace else,
41 years of life:
Tacoma, Washington
Great Falls, Montana
Oaxaca, Mexico
London, England
Bee Caves, Texas
Victoria, British Columbia
Key West, Florida
San Francisco, California
Boulder, Colorado all led here: Having a drink by myselfin a bar in Tokyo before lunch, wishing there was somebody to talk to.
Tokyo May 28, 1976

24 sept. 2007

Au taf (3)

Un travail routinier,
Un écran routinier,
Un téléphone routinier,
Un ou deux néons

mals réglés,
Une clim' entre
chaud et froid,
Des yeux qui fatiguent
Vite,

Un manager qui rôde,
Un écran routinier,
Un téléphone qui sonne
sans cesse,
SANS CESSE,
SANS CESSE,
Un manager
vicieux
qui rôde
qui rôde
et l'envie
fracassante
de lui foutre

sur la gueule

23 sept. 2007

La porte de mes limites Pas de clé sans serrure.
Il y a une porte que je traverse chaque nuit, la porte de mes limites. Dans mon réduit de vie à la recherche de l’Être, j’achète quelques mots, une lune à gratter. Surtout ne pas dormir. Avant de m'écrouler je vole au soleil un de ses jeunes rayons et découvre six cratères satellites. Si par bonheur trois d’entre eux s’illuminent, j’attrape mon microscope le cœur saisi de sens. Alors je les observe comme des diamants bruts puis referme la porte direction l’oreiller.
-Ludo K.-


On ouvre une porte tant qu'il y a une porte derrière une porte et d'autres portes derrière encore on ouvre une porte qui résiste et qui grince couloirs secrets recoins frileux on ouvre une porte à tout hasard porte cochère vers l'inconnu on ouvre une porte au gré des vents de distorsions intimes on ouvre un oeil un horizon une autre porte derrière une porte
Et puis toujours quelqu'un qui les referme sur nos vertiges en cours

De l'agoraphobie au mouvement irreversible (2)

Mon entrée dans un lieu public ce n'est jamais en grande(s) pompe(s) C'est au détriment du reste Je pense qu'on me juge Qu'on se fout de ma gueule Et la violence de LEURS regards me désarçonne J'ai beau me dire que je me fais des idées Simplement des idées Que la violence de LEURS regards ne blesse que mon degré d'appréhension et mon manque de confiance J'ai beau me dire que j'en ai rien à foutre Que j'ai fait des efforts pour surmonter tout ça Quand j'entre dans un lieu public Je ne suis plus le même
Qu'un corps planté sans ses racines et qui ne tient debout que par miracle.
J'ai croisé cette vieille qui marchait voûtée, vite essoufflée, s'arrêtant en plein trottoir pour faire une pause. Je me suis rendu au cabinet médical d'à côté pour n'en sortir qu'une vingtaine de minutes plus tard. Eh bien, la vieille avait à peine avancé, elle était toujours là, toujours voûtée, quelques dizaines de mètres plus loin.
Alors: est-ce que la cadence de nos pas habituels, celle de nos gestes, peuvent avoir une incidence sur la notion du temps qui passe?
J'en sais rien. J'ai simplement dépassé cette vieille et puis j'ai pensé à autre chose.
Avec du fil (à tordre dans tous les sens) et des noeuds, des putains de noeuds, coulants, je te tricote un pull pour l'hiver, une camisole, une écharpe d'étranglement, tout ce que tu veux qui te sorte de ton silence, tu me joues ta petite musique intérieure, très intérieure, je te traduis la mienne, le rythme qui va avec, les basses, l'écho, les nerfs, la voix haut perchée, une danse au corps à corps, là, tel qu'on se lit, c'est un son creux, sans accroche, c'est plutôt le non-dit, le néant, veux-tu un pull pour l'hiver, qui couvrirait mes bras, nos bras, les dissonnances frileuses, les anciennes caresses à fleur de peau, mortes, les factures en suspens, tout ce qui cloche, nos pieds nus sur les graviers pointus, comme des reproches, nos regards vides, le spectre des caricatures, ailleurs que dans cette chambre, 50 watts, et fasse qu'au moins on meurre avec un peu de joie au ventre. Sais-tu que je vieillis pour vivre à tes côtés?
Je quitte la boutique de fleurs comme j'y suis entré sans fleur sans paquet dans les bras il n'y a pas il n'y a pas d'odeur particulière et à qui offrirais-je un bouquet à qui Dans la rue dedans qui ressemble à une bouche ouverte à la suffocation j'avale des litres de kilomètres sans raison aparente Je recrache du souffle comme si je grimpais des escaliers en colimaçon pour aller quelque part en haut d'une tour d'une tour prête à s'effondrer sur mon petit univers Les pieds gonflés Devant moi sur l'affiche se tient la fille à moitié nue J'attends le métro Ligne 13 et je me dis qu'il y a vraiment trop de monde autour de moi et que ce monde me met très mal à l'aise très mal à l'aise très mal à l'aise etc

De l'agoraphobie au mouvement irreversible (1)

J'étais dans cette rue, en bas de chez moi, à me frayer un chemin, décalque d'une ornière, d'un trou de souris, d'une maladie intime, je marchais, rasant presque les murs, le corps plombé, tête baissée, les yeux rivés sur le bitume, sur mes grolles élimées, les merdes de clebs, les papiers sales, les vieux mégots perdus, n'importe quoi qui me permette de fuir et de tenir le coup, je ne savais plus trop comment exposer le plus simplement du monde ma présence anodine à la rue.
Comme un morceau de cervelet qui aurait brûlé vif au micro-ondes.
La nuit est longue à cotoyer l'abcès en négation de soi La tête prise en conscience Léchée par les démangeaisons Au cri sourd des migraines des gellules et d'alcools Mon univers de lunes sang Toujours plus de gellules sur la plaie En soustraction du reste Il n'y a pas d'oubli probable Au mieux possible Mais rien n'y fait On a tôt cru de crever l'équinoxe de vie au travers de la gorge Et ça ne suffit pas Ca ne suffit jamais Pas même d'en rajouter Les mots creusent sans sépulture L'instant d'après est de courte durée C'est un répit Pas un repos Nuances L'équilibre est précaire On le sait Et Alors? Toujours en filigrane l'insistance d'en finir
Chambre d'exils Toi qui me sais brisé Exsangue Te me retiens au plus ténu des fils Je ne suis là qu'en apparence
(à Ludo K.)

Au taf (2)

En dehors du métier pour lequel on est payé
-(quand même)-
il y a tout un tas de trucs à faire sur son lieu de travail
Comme de fixer l'écran et le logo IBM
Comme d'écouter ce que disent les autres
Sans rien capter
Comme de rendre le regard aux jeunes femmes les plus séduisantes ou simplement à celles assises en face de soi
Comme de répondre
Comme de regarder l'heure
Et vérifier combien il reste de clopes dans le paquet acheté ce matin
On se dit alors qu'on va sans doute pouvoir tenir le coup - si on ajoute d'autres cafés, un peu plus d'ironie et des bouffées de vie.
Y'a t'il quelqu'un
Sur le toit d'en face
Avec un drapeau blanc et un porte-voix
Qui fait des signes
Tandis que j'écoute Cat Power
MAYBE NOT
En boucle
Les écouteurs sur les oreilles
C'est tout-à-fait possible
Il y a cette femme qui fait le tour du pâté de maisons & Je lui demande pourquoi elle fait le tour du pâté de maisons & Elle me répond qu'elle n'arrive pas à s'arrêter & Je lui dis c'est con & Si elle a besoin d'aide & Je marche derrière elle & Je lui redemande si elle a besoin d'aide & Elle ne répond pas & Je marche derrière elle & Je n'arrive plus à m'arrêter & Il y a cette femme & Il y a moi & Nous faisons le tour du pâté de maisons & Quelqu'un nous demande pourquoi nous faisons le tour du pâté de maisons...

Dans le bus bondé

L'étoile filante
heurte le feu, au rouge.

Son coeur fait boum.
Du sang s'écoule sur la paroi
sur la paroi d'un bus
Un bus qui saigne.

Un bus bondé de pieds crottés.
Quelqu'un écrase la pluie sur des pieds inconnus
Des pieds crottés d'étoiles filantes et de ciel sans lumière.

Sur le siège d'à-côté, un homme d'affaires
à poils de nez trop longs se fait tirer les poils du nez dans le repli humide des parapluies.

On se bouscule pour vivre.

Dehors, la boue, des flaques.
Mes pieds sont tout crottés,
Et c'est là tout ce qui m'intéresse...
Le chauffeur de taxi me demande ou je veux aller Je lui réponds que je n'en sais trop rien Que je veux juste me laisser aller à la ville à la nuit dans les embouteillages Ouais ouais Mais je sens qu'il ne me croit pas Il jette un oeil dans le rétroviseur Il y a du monde partout Ca n'avance pas Lui il s'énerve moi je regarde les immeubles Lui il s'écoute la radio un match de foot moi je compte les données en mémoire N'empêche qu'il me dépose devant chez moi Parce que c'est toujours par devant chez moi que je me gare quand j'ai fini de me faire le taxi
et que je redeviens le mari et le père
Et ça nous ménera ou?
J'ai pas envie de raconter quoi que ce soit à qui que ce soit C'est comme ça et puis je ne sais pas quoi dire Alors le métro repart avec ses tronches d'usine fermées Dehors la nuit La nuit tombe sur mes rudiments en bandoulière Je me pèse lourd et pas un seul reflet d'amour En guest sur mes talons tous ces moments de solitude à tuer Des bouts de merde par terre En plein dans le mille c'est bien ma veine et Puis ça continue quand même Avec ou sans Je suis un peu comme une fleur sauvage qui pousse en diagonale quand il n'y a plus rien autour
C'est quand tout dort qu'elle parle Elle parle de ma tristesse Car je veux qu'elle m'en parle De ce qui cloche et d'ou ça vient Ma tristesse C'est la voix que j'écoute en moi Ce n'est que son murmure à peine audible Une petite rivière en rase campagne Un oiseau sur un arbre fruitier Je suis penché sur le bruissement léger de ses reflets stagnants Parfois je suis plus rapide qu'elle J'anticipe J'inscris ses phrases au bloc de mots qui me sonnent faux D'une idée fixe D'une évidence Je module ses paroles La voix me dit que je me trompe Que je parle d'un autre Je n'en suis pas si sûr C'est à cause de son murmure quand tout dort et qu'elle me parle qu'elle parle en moi tout bas J'entends plusieurs voix et je ne sais plus laquelle est à prendre
Ou à laisser.
Je vis avec les taupes & Vous savez pourquoi? Je passe mon temps à l'enfoncer et à creuser ma tête ou ça fait mal & ça fait ensuite un temps fou à essayer de remonter la pente à la surface & Vous vous en foutez J'ai l'habitude Vous m'avez déjà piétiné de toutes vos certitudes & Alors si j'existe? Oui, avec les taupes j'ai déjà dit Six pieds sous terre & de ça aussi vous pouvez en être certain
On s'y croisera un jour

A l'actrice anonyme d'un film X

Je me suis paluché
de la main gauche
en regardant ton cul
à la télé
Tu t' faisais enculer
Par un genre d'abruti
Tout en muscles
En moins de deux minutes
j'avais déjà largué
mon sperme entre mes doigts
Parce qu'il suffit de peu pour
Soulager un homme

Journal infime (1)

Aujourd'hui, pas grand-chose à signaler.
Je tiens quand même à l'écrire.
Il y a des jours ou c'est le contraire qui se passe.
Ca compense un peu.
Et du peu, on tire parfois de longues -et belles- histoires.
J'aime bien les choses inutiles quand elles sont vraiment nécessaires

Journal infime (2)

Aujourd'hui, ciel gris, sol pluvieux
Dans ma chambre d'hôpial,
Seul
Jour de Convalescence
Je marche de plus en plus
Je ressens moins la douleur
De l'opération.
Je m'efforce d'aller mieux.
Mais voilà qu'au dehors,
La vie m'attend, Grise et pluvieuse,
tout comme le ciel et sans raison.

Journal infime (3)

Aujourd'hui, ciel bleu, froid d'automne
J'ai repris le taf il y a quelques jours
Exactement comme avant
Sans grande motivation
Si ce n'est celle d'attendre
La fin de la journée.
A 19h.
Quand il est l'heure pile-poil de reprendre la voiture
Et de rentrer chez moi
En sens inverse
Il me fallait sans doute
D'avoir vécu une journée de plus,
Abrutissante, dépersonnalisante
et absolument stérile
Puisque nécessité fait loi.
L'affichage lumineux dit qu'il y a 43 minutes pour aller de Porte Maillot à Porte d'Orléans. Je sais donc ou j'en serais de ma vie dans 43 minutes si tout se passait comme prévu: au niveau de Porte d'Orléans. Sauf que je sors à Porte Brançion, juste avant la Porte d'Orléans, et que l'affichage lumineux ne dit strictement rien à ce sujet: Porte Brançion, c'est l'inconnu, le flou et ça me réflète plutôt bien. C'est sans doute pour ça que je sors chaque soir à Porte Brançion. Ce n'est pas un hasard si j'habite à proximité.

Au taf (1)

Périphérie. Centre d'appels. Parking. Nous subissons actuellement l'attaque des zombies. Je regarde l'heure: ils sont en avance. Ils sont toujours en avance. Je bois un mauvais café tandis que, par dizaines, ils martèlent de leurs poings décharnés les stores de l'entreprise. Ca fait un boucan d'enfer. Des voix caverneuses. Les murs tremblent. Le téléphone sonne. "Pourquoi ils sont en avance aujourd'hui?". "Ils sont toujours en avance". Je réponds au téléphone et ça n'a rien à voir avec le passage à l'heure d'hiver.