27 sept. 2013

en enfilade

ils se suivent
enchaînés
les uns aux autres
avec une pancarte où il est écrit
devant
"SANS EMPLOI"
et derrière
"JE NE SERS PLUS A RIEN"

ils traversent la place
du centre-ville
yeux baissés
vaincus parmi les
vaincus
en une lente et longue procession

des militaires armés jusqu'aux dents
les entourent
les frappent parfois
violemment
de la crosse de leur fusil d'assaut
leur enjoignant de rester bien serrés
dans les rangs
des sous-merdes

le soleil
vachard
leur fait des ombres
qui
les multiplie par deux

et je reste là sans rien faire
et j'en connais certains
jeunes vieux hommes femmes
(je les connais de vue)
et je devrais être là aussi
(j'y serai au prochain défilé)
parmi eux

dans ma tête
c'est un monde de vieux échos
persistants
étriqués
humiliés
qui surnage
de plus en plus péniblement
près du naufrage des autres


vie de famille

il y a une table
une table rectangulaire achetée pour pas cher
trois chaises autour
des chaises légères achetées pour pas cher
tu as posé les couverts sur la table

il y a un canapé
un vieux clic-clac qui grince et perd son coloris d'origine
face à la télé
j'ai mis les infos en continu
ça parle d'attentat de disparition d'enfant de crise économique
ça parle aussi de sport de météo

il y a une chambre
une seule chambre qui soit vraiment une chambre
c'est là qu'elle fait ses devoirs d'école
chaque soir

-le dîner est prêt
-62 morts putain
-papa tu connais l'oulipo ?
-le dîner est prêt !
-demain il devrait faire beau enfin c'est ce qu'ils disent
-papa ? tu connais l'oulipo ou pas ?

plus de mystère

tu te regardes dans la glace
tu grimaces
tu n'aimes pas ton reflet
moi je l'aime bien
tu penses que c'est le reflet de quelqu'un d'autre
qui appartiendrait au passé
d'une autre vie
et dont tu souhaiterais effacer
le souvenir
-ce n'est pas possible
alors tu penses que c'est le reflet de quelqu'un
qui vieillit trop vite sans
prendre vraiment part à la vie
-de quelle vie tu parles ?
alors tu éteins la lumière de la salle de bain
et comme la nuit est particulièrement sombre
tu distingues à peine à présent
ton reflet et le mien
et tu m'embrasses
-je nous trouve beaucoup plus mystérieux comme ça

dans les voitures garées

en face de chez nous
plusieurs voitures sont garées
les mêmes voitures depuis des heures
et contrairement à d'habitude
elles ne sont pas vides :
une famille entière est assise dans un monospace sombre
avec les trois gosses à l'arrière qui chahutent
un homme seul regarde une petite télé dans une Clio grise
une femme mange un pain au chocolat à l'intérieur d'une Fiat Punto bleue
un couple de vieux discute à l'avant d'une (je ne distingue pas bien la marque du véhicule)
j'ouvre la fenêtre
un regard à droite à gauche
et c'est la même chose sur toute la rue
sur toute la rue !
des voitures garées, des gens à l'intérieur
qui ne bougent pas d'un poil
-tu crois que c'est à cause de la crise ?
-c'est possible
-tu crois que ça peut nous arriver un jour ?

Objets sous le lit

sous le lit se cache
une bestiole
qui nous fuit
on veut l’attraper
l’attraper et la tuer
elle le sent
elle a peur

je suis penché d'un côté
tu es penché de l'autre
la bestiole entre nous
n'ose plus bouger
plus bouger
elle a peur
elle est cachée sous le lit
il y fait sombre et poussiéreux

je tends le bras
tu tends le bras
-j'ai trouvé quelque chose de très pointu
-moi aussi et je saigne nom d'un chien
tu retires délicatement ton objet
je retire délicatement mon objet
-c'est une baïonnette dis donc !
-et moi une épée de damoclès !



26 sept. 2013

à la fenêtre

je regarde à la fenêtre
les voitures passer
d'un côté puis de l'autre
s'arrêter au feu
quand le feu est rouge

tu me demandes pourquoi je regarde ainsi
le front collé à la vitre
passer chaque jour les voitures
d'un côté puis de l'autre
que je devrais peut-être à présent
regarder les vélos les passants les scooters
ou les oiseaux dans le ciel

je hausse les épaules
je réfléchis à ce que tu m'as dit
-tu trouves que notre vie est inutile ?
-j'ai pas dit ça, non

25 sept. 2013

derrière la porte de la salle de bain

derrière la porte de la salle de bain
on entend un claquement sec
et des petits bruits sourds
comme si quelqu'un venait
de baisser la cuvette
et de s'asseoir dessus
-on a des invités ce soir ?
-non

on reste plantés là quelques secondes
puis je frappe à la porte
plusieurs fois
du revers de l'index
tu t'accroches à moi

derrière la porte de la salle de bain
qu'on n'ose pas ouvrir
personne ne répond

pourtant on entend toujours
ces petits bruits sourds
comme si quelqu'un était en train de
tourner les pages d'un livre
sur la cuvette
-quelqu'un d'autre vit avec nous ?
-non

en haut de l'étagère

en haut de l'étagère
un objet
nous apparait soudain qui
semble avoir été posé là
sans qu'on s'en rende compte
-c'est toi qui l'a mis là ?
-non

je grimpe sur une chaise
pour le prendre
j'aperçois alors un tas d'autres
objets
les uns à côté des autres
tous plus mystérieux
tous plus poussiéreux
les uns que les autres

je redescends de la chaise
sans rien prendre

on se regarde quelques instants
sans rien dire 
et puis :
-c'est toi qui les a mis là ?
-non

20 sept. 2013

Quelques Poèmes cut-up n°3 (François-Xavier Farine)

ÇA ARRIVE PLUS SOUVENT QU'ON CROIT

LA CHUTE D'UN ENFANT DE TROIS ANS

DU SEPTIÈME ÉTAGE
LA MINISTRE DU LOGEMENT ANNONCE
DEUX MESURES PHARES
METTRE DES BARREAUX AUX FENÊTRES
ET CONSTRUIRE PLUS D'APPARTEMENTS
DE PLAIN-PIED

                          *  


DES FONCTIONNAIRES AU BORD DU CHAOS


« PARFOIS, C'EST LE CALME PLAT... ET PUIS, TOUT À COUP, ÇA S'ACCÉLÈRE,

LE TÉLÉPHONE, LES RÉUNIONS ... »

                         *


DES VACANCES DE RÊVE EN CLUB LOW COST


SAVOURER LE SILENCE

PRÈS D'UNE DÉCHARGE À CIEL OUVERT

                         *


SAGE PROCRASTINATION


MÊME AU BORD DU PRÉCIPICE

ON N'EST TOUJOURS PAS PRÊT DE SE LANCER

                          *


FUKUSHIMA PARK


LA CITÉ JAPONAISE SOUFFRE D'UN FORT DÉCLIN DU TOURISME

DEPUIS LA CATASTROPHE

                         

Le lien complet ici : http://poebzine.canalblog.com/archives/2013/09/20/28039106.html

17 sept. 2013

2 crétineries par froidure

Toux, morve, état fébrile
la trilogie
filmée au lit
de Supernaze.

**

à la fin des années 60
je suis né
après le twist le yé-yé
mais
juste avant la révolte étudiante
je vois à peu près ce que
je peux déduire
de la suite...

**

13 sept. 2013

Ciné for ever !

je passe devant
le "Jean Gabin"
et le programme ne m'intéresse pas
cette fois
c'est là que j'ai vu des films comme la maman et la putain
un balcon en forêt
les fraises sauvages

le cinéma
propose 3 ou 4 films par
semaine
il est en face du bar le plus
prisé de la place

même quand il pleut
des gens s'installent en
terrasse et boivent
un café à l'eau de pluie avec deux sucres
une vodka frappée à l'eau de pluie
un ricard sec à l'eau de pluie
et y'en a toujours un pour
dire que Gene Kelly dansait mieux sous la pluie que
Fred Astaire

la fleuriste
à la droite du cinéma
indique sur la vitrine
qu'elle peut composer des bouquets de fleurs
selon les affiches des films
qui l'inspirent
mais c'est pas souvent que ça arrive
regrette t'elle
en me voyant sur le pas de la porte
un peu comme dans la petite boutique des horreurs lui demandé-je
avant de m'éloigner

un peu plus loin dans
la rue piétonne je
croise le sosie de
Clint Eastwood
avec deux sacs Intermarché
et une femme genre Shelley Winters sur le déclin
qui l'emmerde à lui causer tout
le temps
lui le taiseux - ça se sent

puis je finis par
tourner au coin de la rue
-là où commence le désert
aride et montagneux- mais d'abord
le hall
trois étages en colimaçon
- l'escalier est glissant -
je vis dans un studio de
22 mètres carrés
orienté Nord
je fais les cent pas
je regarde à la fenêtre
je commence déjà
à trouver le temps long

j'enfile mon tee-shirt "Steve MacQueen"
et je sors deux bières du frigo
une pour lui une
pour moi
"à ta santé mec où que tu soies à présent !"

puis ma femme rentre du boulot
et me trouve
endormi comme une pelle à crotte
elle me dit que je suis un mauvais acteur de
ma propre vie..

L'invisible ennemi des premières lueurs

chaud, sans lait, sans sucre et bien corsé, c'est comme ça que je le bois, le café,
accompagné d'une clope chaque fois,
assis sur la cuvette des chiottes
qui fuit goutte à goutte sous
la tuyauterie noircie pourrie vieille de
soixante ans j'en sais trop rien
un jour, ça va nous péter complètement à la gueule
et on l'aura bien cherché

j'ai ouvert la fenêtre
au vent frais au crachin
au lent réveil d'un jour qui sera peut-être différent
de la veille de l'avant-veille
mais c'est toujours la même histoire
inlassablement réécrite avec quelques nuances
de gris de noir de couleur plus kitsch
il est quatre heures quarante-sept du matin
qu'est-ce que je fous là bon dieu ?

la nuit claque des dents
contre mon crâne
à peine remis d'un micro
sommeil déjà trop haché
j'ai pas le courage d'en chercher les raisons profondes

hier soir, jusque tard, je lisais les aventures de Max Zajack
en quête d'un boulot n'importe lequel d'argent
et j'entendais un bruit sourd régulier qui faisait résonner les murs
de la chambre
un moment j'ai eu la sensation que c'était mon coeur qui battait trop fort
ou que c'était ton rêve qui débordait par ta bouche ouverte
ou que quelqu'un quelque part tombait du lit toutes les deux minutes
j'ai vu une camionnette garée avec ses warnings
en pleine nuit
un ouvrier taper avec ses outils sur une fenêtre sur une porte défoncées

quand l'anecdotique tient lieu de souvenir
il est sans doute temps de songer à s'enfoncer dans la réalité
de ne plus la fuir à ce point
de percer à jour le secret d'une vie qui se traîne
avec les mêmes chaussettes
le même slip les mêmes reflets jaunâtres
déjà en face les premières lumières s'allument
les premières bagnoles brisent le silence
illusoire

ça a un petit quelque chose de rassérénant
d'assister immobile à la naissance
du jour
c'est comme une petite victoire sur un invisible ennemi

c'est vraiment parce qu'il faut y aller

J'ai reçu une offre d'une boîte d'intérim par
texto
"URGENT, mission d'un mois, renouvelable, conseiller téléphonique"
et je n'ai
même pas envie de postuler
parce que CA ME GONFLE
alors je fais le mort
je fais celui qui n'a besoin de RIEN
celui pour qui tout roule bordel qui paye toutes ses factures
qui fait bouffer sa famille avec autre chose que les
mêmes nouilles chinoises pâtes bon marché yaourts merdiques
de quoi remplir un caddie sans crever la dalle

je fais celui qui gesticule dans sa posture
d'écrivain en devenir dès le présent
parce que bosser hé bien ça boufferait toute mon
énergie
qui doit se tourner vers le PRINCIPAL LE GENIAL le DERNIER POEME
sorti du plus profond de l'être intime blablabla
de mon crâne tendu vers l'bjectif
qui n'a pas encore de titre
pas encore de mots
pas encore de moi
mais déjà des migraines

Je m'en veux d'ailleurs
de ne postuler que pour ce genre d'annonces
dans le télémarketing conseil client sondages
alors que je pourrais tenter autre chose
serveur, gardien de nuit, conducteur de limousine
ou me rendre utile auprès des personnes âgées des orphelins ou
des sans papiers des sans abris qui EUX crèvent réellement  la dalle dehors

Mais rien de tout ça
NON je ne change rien
à ce que je fais depuis des années et des années
installé dans un chaotique confort
d'environnement professionnel
qui me structure bien plus que je l'imaginais
c'est dire dans quel état de délabrement
intérieur
et de défaite je me trouve
sans bien m'en rendre compte sans bien me le dire face to face 

La lâcheté ordinaire a ceci de particulier
(et de plaisant à la longue)
qu'elle ne se remarque pas
facilement
et qu'on peut la cacher un temps fou aux yeux des autres
et par là-même se la cacher à soi-même
on a toujours de bonnes excuses à faire valoir

OUI mais voilà
un autre truc qui me taraude c'est la
CULPABILITE
quand je vois qu'elle se sent mal à cause de moi
(enfin j'imagine que ça en fait partie)
de ce que je suis
de ce que je ne fais pas
alors me prend l'envie subite
de relire l'annonce :
"URGENT, mission d'un mois, renouvelable, conseiller téléphonique"

et de composer le numéro :
-Oui, bonjour j'ai reçu un texto de votre part... blablabla... oui, je suis disponible dès demain matin.... blablabla... oui merci beaucoup. A demain.

et puis j'annonce fièrement que j'ai décroché un nouveau boulot

et au fond de moi je sais que
si je tiens plus d'une semaine
à répondre à des clients au téléphone
sans péter un plomb
c'est pur miracle mériterait même pèlerinage à Lourdes un de ces quatre...

10 sept. 2013

(sans titre 7)

... collecte des encombrants... le camion-benne... vers 6h du matin... ses freins crissent... son moteur lourd... le bitume tremble... la ville baille sort à peine du lit fait sa toilette boit un café pisse un coup... les nuages n'annoncent rien de bon... les volontés sont frileuses... les lignes de la main sont muettes... cette trop fidèle fatigue... pas facile de s'en défaire... t'as bien dormi mal dormi ? on s'enquiert l'un de l'autre... mal au crâne... en face de chez nous... alignées comme fusillées... des chaises moches des tables des cartons ouverts des tas de trucs... certains jours des camionnettes de gitans... sont aux aguets... s'arrêtent... pour récupérer recycler vendre...  au débit sur-consommé... la vie s'arrange... comme elle peut... entre caprices usure et besoins... 

(sans titre 6)

... sans conséquence... ils marchent... dans un but bien précis... c'est leur vie après tout... savent-ils qu'au bout... juste après le feu le pressing le trottoir... l'avenue tombe à pic... sur un espace vacant... vertigineux... c'est différent d'hier... comme s'inventer une histoire... les autres en faire-valoir... centrée sur soi... celui qui l'imagine devine s'amuse n'intervient pas... les images sont là... un peu folles... ça pourrait être beau touchant... avec un air en tête... une idée sur le grill... faire comme eux... entendre les sirènes... les cris... les premiers mots venus... impuissants... s'enrouler... se suivre machinalement... jusqu'à cet espace vacant... et puis plus rien mais... c'est sans conséquence...

(sans titre 5)

...nuit noire... c'est silence... même la rue... est-ce un signe... et pas dormir je ne dors pas... pas qu'elle s'en aille je ne veux pas... et c'est penser... trop y penser... c'est l'angoisse tremper l'angoisse... dans la faim... pas dans la fin ça ne passe pas... trop y penser à... elle à la même chose... à elle... pouvoir elle peut à tout moment... et surtout sans rien dire... à tout moment partir... et ce serait... apparemment on n'y peut rien... nuit noire... bien pis que noire...

(sans titre 4)

... les gouttes... le vent... dehors... sombres trottoirs... boutique de fringues... réverbère... un clébard attaché... nerveux... 3è étage... dedans.. la laideur... mes ongles... jusqu'au sang... la pluie... tu lis... Selby... Last exit... tu adores tu as peur To Brooklyn... les stores... pétés... fenêtres... pénombre... ombres chinoises... devant l'ordinateur... tu fais quoi ? tu demandes... j'ai mal aux yeux... des mots... histoire de dire... que j'ai fait quelque chose... et puis l'attente... qu'un ange ait dans ses poches... une boussole... 

(sans titre 3)

... tous ces papiers qui traînent... un peu partout... dans des sacs Intermarché Franprix ED... près du lit... dans une grande armoire Conforama...  vieille de dix ans... payée en 3 fois... des fiches de paie... sous l'ordinateur... des factures... des remboursements de sécu... des photocopies d'arrêts-maladies... des cartes postales de 2004... des bulletins de note de collège... par où commencer... ce bordel nous fous les jetons... et nous convient... on va attendre... que la pile atteigne le plafond... on ouvrira les fenêtres...

(sans titre 2)

... un filet d'eau qui fuit... il nous coûte cher... jeter son clope... tirer la chasse... se laver les mains... se voir dans la glace... juste en coup de vent... sans arrière-pensée...  retourner à ses occupations... nul jardin... nulle fleur ici... nul besoin de s'enfoncer... rester assis... plus de dix heures par jour... c'est une moyenne, je pense... assez basse... par rapport à... rythme décalé on a faim... la table est mise très simplement, avec 3 assiettes, 3 fourchettes, 3 couteaux... ces bruits du dehors... on devrait mettre des rideaux aux fenêtres... celle qui donne sur la rue... quand on aura le fric... les gens d'en face...  on ne les connait pas... et notre intimité notre... tu en rigoles tu trouves ça parano... hier tu as vu le voisin... son cancer de la gorge... il est de plus en plus malade... c'est vraiment triste... mais quand même... pour en revenir à ... ce filet d'eau qui fuit... il finira par nous ruiner... on ne fait rien... ce n'est pas un reproche... moi non plus... 

(sans titre 1)

... dormir mal, se lever plusieurs fois... penser à des choses... pas forcément importantes... parfois, oui... la nuit n'a plus assez de rêves... pour deux, alors on fait fifty-fifty, dans le meilleur des cas --- c'est l'âge... la vie passe... évidence qu'il n'est pas toujours bon de rappeler... quoiqu'il  ne se passe rien de spécial... seulement de l'ordinaire... l'ordinaire met de l'ordre... dans le monde, c'est la mort... on en parle à la télé... on en débat... on s'en fout aussi... l’égoïsme, l'indifférence, la connerie... de l'ordinaire, quoi... mais ici, c'est une autre histoire... il y a encore à vivre... au jour le jour... l'avenir se jette dans la rue... il ne va pas plus loin... qu'un œil à la fenêtre... l'orage est parti... au loin, de sombres nuages... et le soleil quand même... les magasins sont ouverts... le tabac est ouvert... j'ai noté sur un bout de papier... ce que je dois faire...  parce que la mémoire... en premier lieu, apprivoiser les manques... il y a en a toujours bien sûr... se dire qu'on en est toujours là... sans avoir rien réglé...au fond.

(Tribute to Heptanes Fraxion pour l'écriture avec pointillés).

6 sept. 2013

nostalgie récitant (2)

nostalgie récitant
des contours
figés par l'émotion d'alors

celle d'un autre moi

ce devrait être
à re-vivre
à trier
par précaution

je me dis
les années
le temps
comme charmeur de serpents

en font un flou presque réel qui
les rendrait reconnaissables
si ce n'est évidentes

ou bien c'est d'un moi présent
peu scrupuleux

par exemple
je souviens de mon père
(pronominal enfermé dans sa chambre)
son regard m'était dur
sec, tranchant
glaçant je garde ça de
lui je garde ça
surtout mais
son visage ses doutes son énergie ses
rires ?
sa réalité ?
(hors les albums de vieilles
photos de diapositives d'époque)

(j'en ai à la maison ;  je les regarde peu)

n'y a t'il pas là
une sorte d'obsession
de rancune
transposée en son oeil
sans chair autour ?

je me dis
les années
le temps
s'emmêle
dans les détails

la mémoire ne peut y réussir à
les sortir d'une ombre
générale
obstruée

ou bien par coups de pioche
à l'intérieur du vide ancien qu'on garde en
 soi

et se
focalise sur un
point

par exemple
je me souviens ma mère
(la préposition est privée de sortie)
sa voix passait du coq à l'âne
un peu
 comme ses humeurs ses
sentiments mais
était-ce bien ce qu'elle était vraiment ?

nostalgie récitant
sans remords
faisant la sourde oreille

au final
ce qu'il faut retenir
c'est la douce l'unique la
 durable
harmonie
d'une vie
d'ensemble

pour s'assurer qu'elle
va
bien
d'un point A à un point B

non pas par souvenirs mais
par oublis
successifs




Au coeur (JM La Frenière)

J’aurai toujours au cœur
une pomme, un oiseau,
le bras d’une poupée
arrachée par le temps,
une rivière enceinte
de mille rires d’enfant,
une poignée de larmes
dans les poches des yeux.

Je ne sais rien vraiment.
Je cherche encore la vie
au fond de ce qui reste.

Mes idées vont pieds nus
sur les tessons du doute.

Son blog : http://lafreniere.over-blog.net/

5 sept. 2013

nostalgie récitant

nostalgie récitant
des pages
englouties

le jaune est la lumière
ou la
mémoire
qui se choisit

un endroit où s'asseoir
quand on a bien
marché
déjà

je vois ma mère
nous embrasser des yeux
- elle tenait le volant à deux mains -
d'un regard sombre ou gai, fixer la route, partir

ces deux arbres
 solides
donnant cerises
l'été
et le jardin
en pente
jusqu'à la rivière - un ru
sans nom -
des champs à l'horizon
nos voisins, leur chien braillard
mon petit frère qui n'avait peur
de rien

la vie semblait si bien
réglée
qu'elle ne dépassait
jamais du cadre
autorisé

j'entends parfois mon père
rentrer sans bruit le soir
et des murmures
des voix presque
inaudibles

nostalgie récitant
la lune
d'un oeil borgne le vent sur les
volets
en bois mes peurs mon lit et devenir
quelqu'un c'était encore
si vague mais
j'y pensais on y pensait

c'était un autre temps
 un autre moi
nostalgie récitant

les puzzles dilatés
à l'intérieur
d'un soi
terrain trouble et brumeux
qui pose les questions
qui forme des
réponses
qui repousse à plus
tard

nostalgie récitant
des bribes
sans juger

cela se voit à
peine
ceci ne se voit
plus
quand on a bien marché
déjà

qu'on n'en peut plus
finalement
de vivre sans
se retourner

par (fausse) pudeur ou
déni (volontaire)...



4 sept. 2013

Aphorismes, épigrammes, pensées... (Stéphane Bernard)

Quelques extraits d'une lecture souvent réjouissante (voire jouissive) :

Contemporanéité – La seule contemporanéité d’une œuvre est son effet. Une œuvre est bonne toutes les fois qu’elle paraît de l’époque qui s’y intéresse.

Autoportraits – Pourquoi peindre sa main ou son lobe serait moins un autoportrait que peindre son visage ?

Conscience – Prendre conscience de son manque d’humanité est une forme primitive d’humanité.

Je suis – Je peux longtemps regarder ma main sans jamais voir le sang cogner dans ma veine.

L’équation – Réfute ta multiplicité et ton unité éclate.

Confort de l’équilibre – Le confort d’un rituel réside en sa stabilité. Sa stabilité réside en son exacte répétition. Cette exacte répétition crée l’équilibre.

D’homme à homme – Je n’écoute dans les autres que ce qui fait écho en moi.

Mutisme – Trois voix saturaient un deux-pièces. L’une entra dans un mutisme qui lui découvrit une chambre secrète.

Le lien complet :
http://unemainestaussiunpoing.blogspot.fr/p/purges.html

Ça s'agite, c'est la ville...

fenêtre ouverte
ce sont les
bruits assourdissants de
la vile
des files de bagnoles qui
klaxonnent comme des fous furieux
des moteurs de bus de camions
des Audis boostées des scooters frimeurs
des poubelles qui tombent à la renverse
dans une benne
des gosses qui hurlent
des mères qui hurlent plus fort encore
des mecs qui se bastonnent pour une bouteille de vodka
des oiseaux qui pépient comme des moutons
les uns à la suite des autres
des fleurs qui poussent vainement sous le bitume pleurnichard
des nuages qui disparaissent sans raison
sous un soleil de plomb
PAN !

et nous dans tout ce vacarme
on est là
allongés dans le lit
enlacés

ma femme me dit quelque chose
que je n'entends pas :
-PARLE PLUS FORT ! lui dis-je
-JE T'AIME !
-OUAIS ON VA ACHETER UN FUSIL !
-ON FERME LA FENÊTRE ?
-OUAIS T'AS RAISON ON PERD LA BOULE ICI !

tout mon possible

En salle de réunion
tout le service front-office est là
-une quinzaine de personnes -
autour d'une table
en demi cercle

le boss annonce la couleur
pour l'année qui vient
de s'écouler
pour l'année qui vient
lui succéder

l'entreprise connaît une période difficile dans un contexte
global difficile

chiffres à l'appui sur le vidéo-projecteur
ses paroles glissent
sur le mur blanc

mais je vais faire tout mon possible
pour que le service ne soit pas déménagé...

Le boss nous regarde droit dans les yeux
les uns après les autres
on entend les mouches voler
qui oserait respirer après ça ?

tout mon possible
quand il le répète
Le boss a une carrure d'athlète mais
ce qu'il raconte ne m'intéresse pas
plus que ça

je pense à me barrer d'ici de toute façon
je pense au menu dégueulasse de la cantine
aux faux-culs qui veulent faire carrière
aux collègues que j'aime bien

je pense que de devrais
moi aussi
faire de la muscu
régulièrement

et annoncer
avec le même aplomb
que je vais faire tout mon possible
sans trop savoir ni comment ni pour quoi
mais ce sera bien pour quelqu'un

Les misérables (version remixée par DJ Mobert)

dans la cuisine,
tout en faisant la vaisselle du soir,
Pétomane Sr apprend fièrement
les rudiments
de son art
à Pétomane Jr
qui ne sait pas quoi faire de sa vie
hormis éclater quelques boutons
d'acné
en se récitant une leçon de Géographie à
laquelle il ne comprend rien
(la tectonique ta mère
des plaques sur ma tronche)

à l'écart de
cette complicité-

dans un lit mou et sans
ressort
Mama érotomane
angoissée par la vieillesse la
frustration
de tant d'années
à espérer des queues par centaines
de mille
des partouzes hippies
à travers le monde
s'enfile
nerveusement
un n-ième calmant
devant
"Questions pour un Champion" et le journal
régional à
la télé

elle veut oublier que
Pétomane Sr ne retrouvera
jamais de boulot
que Pétomane Jr est un bigMac
à lui tout seul
&
que sa fille Rebelle kleptomane
s'en prend aux vieux aux vieilles
dans son genre
pour une dose de shit
ou de colle
(va savoir nom de dieu de quoi elle est capable celle-là)

c'est biizarre tiens
on entend des soupirs
c'est bizarre tiens
on a le doigt tout mouillé
c'est bizarre tiens
de mélanger autant d'
alcool avec les calmants
c'est bizarre tiens mais je hurle
-oh oui, Julien Lepeeeeeeeeeeers, fais-moi jouir, nom de dieu, fais-moi jouir !!
et puis après je dors
mais juste avant
(parfois avant que je ne m'écroule)

j'entends Erotomane Sr
se glisser sous les draps
en miaulant
un douloureux
solfège intestinal
de gaz
qui annonce sans doute la fin
des haricots
(et ce serait pas plus mal en fin de compte)

3 sept. 2013

The Dude & I

The Dude
était sorti du film
depuis belle lurette
(moi j'étais au pieu
depuis la même lurette
ou à peu près)

Il errait de salle de bowling en 
salle de bowling
(certains l'ont aperçu faire un strike à Montparnasse
ou à Mouffetard)
mais avec toujours son air
tranquille
pépère
cool
No stress, no pasaran !
(moi j'errais de petits boulots en pas de boulots
sans jamais rencontrer de Big Lebowski
dans les soirées mondaines
de L.A sur Seine)

Un matin 
The Dude
(himself)
a sonné chez moi
(je sais pas qui lui a filé mon adresse)
(je sais pas si c'était la suite du film ou quoi)
-T'as les cheveux plus longs que moi, mec ?
-Ouais.
-Bon alors tu viens t'faire un bowling ?
-Ouais.
-On va niquer la bande à Jésus (Quintana)
-Ouais.
-Tu dis toujours ouais ?
-Ouais mais j'connais pas Jesus !
-T'inquiètes, on va le niquer quand même.
-Ouais
(là, j'ai senti qu'un scénariste voulait me faire quelque chose de vachement plus intéressant mais il
a lâché l'affaire devant la pression
des producteurs
et de la bière du frigo, une pour moi, une pour The Dude-himself).

Alors comme ça,
je suis sorti en pyjama
à fleurs
des années 60-70

Alors comme ça
j'ai serré la paluche
au Dude

Alors comme ça
on a senti qu'un truc tournait pas rond
(je crois bien que cette histoire de sonner chez moi
sonnait faux justement...).

Je me suis rallongé dans le lit
j'ai rallumé la télé
j'ai revu The Big Lebowski pour la 11è fois d'affilée.
(et là, j'ai senti que The Dude avait un truc à me dire :
-Tu vas écrire sur moi, mec ?)

Bla bla bla de l'Annapurna

garder un boulot
plus d'un mois
tiendrait maintenant de l'exploit de
l'exceptionnel de
l'insurmontable
qui serait de l'ordre
du premier homme dans l'espace
de la scission de l'atome

avec les éléments à ma disposition
et les jours de désordre qui vont suivre
faudrait que j'écrive un guide
qui dirait ce qu'il ne faut (surtout) pas faire
pour être lourdé (sans détour)

et puis avec des mots touchants de désespoir
(je m'émeus tout seul, là) :
Je suis pas un héros !
Je suis pas un modèle à suivre !
Je suis pas fait pour ça, merde !
Je suis foutu ! poil au cul !
Je suis un "poète" français !
(avec les guillemets pour pas passer pour un vantard)
ça tiendrait en quelques pages
(au delà de quelques pages, ça m'épuise).

"à l'assaut de l'
Annapurna, premier contrat de plus de 
30 jours d'affilée"
sous-titré
"chroniques d'un naze : tu tiens de l'
inné ou de l'acquis ?"

Par la face Nord
(avec ou sans sherpas)
assis sur la cuvette des chiottes
(avec ou sans pq)
en attendant l'inspiration
l'expiration
en attendant que ça passe
je pense à tout ça
je pense à rien, quoi...
et ça ne fait rire que moi.

autre chose, quelque chose

c'est un matin ordinaire
dirait-on
avec quelque chose
pourtant
qui le différencie des autres et
ne passe pas

et pour sortir du lit
des rivières sombres
il me
faudrait
autre chose que les rayons du
soleil
autre chose

que les bruits tellement vivants
dans la rue
tellement d'
autres choses
dirait-on
comme une faim comme une soif

et pour ne plus fixer le
plafond
bas
où se cogne stupidement
l'horizon
des espaces
autant absurdes qu'effrayants

tous ces petits espaces
précieux
qu'on perd
&
qu'on occupe à sasser
ressasser

et ce serait par exemple le temps
nos peurs nos vides
à peine comblés par
de mécaniques
gesticulations
on s'y connaît n'est-ce-pas

il me
faudrait
autre chose que la consolation
du passé
porteur d'avenir
soi-disant

quelque chose
comme une douce et tranquille
il me faudrait cette
petite musique
intérieure
douce et tranquille

celle d'un matin ordinaire
par exemple