29 oct. 2009

Un cygne et sa compagne
fricotent dans
la mare
et tout au long de l'allée
slalom entre
leurs crottes

91 kilos à bout de bras et pas un coin de ciel bleu

On est cinq
plus le responsable
Je ne sais même pas ce qu'on attend de moi
je suis le nouveau
je m'appelle Mobert
ok moi c'est Fabrice
des camions stoppent devant la porte
pour des livraisons
91 kilos et des brouettes dans chaque carton
on décharge dans la salle des stocks
je n'ai pas de badge d'accès
on m'oublie quelques minutes à
l'intérieur
désolé
c'est pas drôle mon gars
et ça me fait mal
au bide de décharger
tout ça
alors pour me remettre je me prends une clope à l'air
frais
et direction vite fait la salle
d'usinage au niveau -2
faut maintenant qu'on monte les machines
une à une
qu'on les teste
qu'on les branche sur des centaines de
câbles
et y'en a partout
dans tous les sens
de toutes les couleurs
je n'y comprends rien
ça pue l'azote à mort
on ne s'entend plus
rien qu'un bruit de
soufflerie
permanent
toute la journée
ce bruit de soufflerie
dans les oreilles
je me demande encore
si nous ne serions pas
ici
les naufragés d'un paradis
sans ciel
perdu
dans les sous-sols du
bâtiment B4
et même un cygne
blanc
dans la mare du parvis
semble se foutre
de nous
au moment de
partir
en nous montrant
sa plume au cul

28 oct. 2009

Ici
ou là
on se défie
du regard
pour une fierté
obscure
et ça n'a même
pas
la beauté kitsch
d'un western spaghetti

L'essence est sous la queue du cheval


Pourquoi nous presser...

on pourra voir le paysage

couper par les petites routes

et s'il nous faut plusieurs

semaines

pour atteindre la ville

qu'est-ce-que ça peut

bien faire ?



27 oct. 2009

un baiser sur tes lèvres
une bière bien fraîche
un bon texte
un petit rot
le début
du
bonheur
-mon poème encore en vie-
s'il avait été
écrit
face à ces
sinistres décideurs
d'avenir
c'aurait été le deal
c'aurait été la dernière
chance
de rester debout

la mort est un mystère sur un bout de papier

ils avaient autopsié son corps
l'incisant en V
comme ils faisaient
chaque fois qu'on leur
demandait des examens complémentaires
dans l'intestin
ils avaient finalement
trouvé
ce qui devait être
une feuille enroulée
de pus et à force
de patience pour en déchiffrer les
caractères spongieux
à moitié effacés
ils avaient conclu à ceci:
"cet homme est décédé
de façon incompréhensible
d'avoir ingurgité ce qu'il avait
écrit avec ses tripes."

ce n'est pas pour couler qu'on apprend à nager

Après leur soirée
dans un petit resto
en amoureux
Il lui dit je suis désolé
j'ai la tête sous l'eau
en ce moment
et je ne vois pas comment
remonter la pente
elle lui répond qu'elle est là
à ses côtés
et que ce n'est pas pour
couler
tout seul
qu'on apprend à vivre
ensemble
Agglutiné contre la barre
métallique
gélatineuse
du tramway
au milieu d'autres
mains
Gus tombe sur cette jeune
femme assise
à quelques centimètres
de lui
qui n'a de cesse
de baisser
les yeux
de relever
les yeux
ce manège
trouble Gus
au point de
s'excuser auprès
de plusieurs
mains
touchées par la
sienne
devenue moite et
glissante
le long de la barre
métallique
brûlante
et quand la
voix du
tramway
annonce
deux fois de suite
"Descente Porte Brançion"
"Descente Porte Brançion"
Gus se sent fin
prêt
à affronter
le premier connard
venu
qui lui chercherait
des noises

acte manqué (de peu)

J'ai voulu t'envoyer un mail t'expliquer ce que je ressentais ce que je n'arrivais pas à te dire en face que ce soit par lâcheté ou pour une autre raison surtout je m'échinais à trouver le mot juste à prendre suffisamment de temps mais sans perdre le fil non plus je voulais que ce mail retisse un peu le lien qui n'en finissait plus de nous distendre l'un de l'autre depuis combien de temps on n'en savait trop rien et au moment d'envoyer le mail j'ai cliqué sur "effacer tout"...

Iain Levison (1963)



"...ce licencié en lettres surendetté a enchaîné pas moins de 42 boulots alimentaires dans six Etats américains différents... Une expérience qu'il raconte à grands coups d'autodérision dans Les Tribulations d'un précaire."

Ses livres:

-Trois hommes, deux chiens et une langouste (2009)

-Les tribulations d'un précaire (2007)

-Une canaille et demie (2006)

-Un petit boulot (2003)

Chaque fois qu'il
est possible de
se capter pour soi
de délicieux
instantanés
il ne faudrait
fermer
les yeux
Assis sur le rebord du lit
depuis
de longues minutes
il se demande
ce qu'il va faire
ce qu'ils
vont
devenir

26 oct. 2009

Mon poème pour un
emploi
-mon poème encore en vie-
debout face à ces
sinistres
décideurs
c'aurait été le deal
c'aurait été ma dernière
chance
pour les envoyer
au diable
pour ne plus avoir à
me taper des nuits
de merde
des nuits forceps
vidées
de plus d'une âme
Route C3 Zone industrielle
entre un local glauque
et les
cartons trop lourds
qu'il
me
reste à décharger
jusqu'aux longs
longs matins
de gueule de bois
... la dédicace
en plus... colorée
du sang
d'un uppercut
...

Tintin's Adventures in Vladivostock

Le quartier des docks
Son trafic de phoques
Sous couvert d'import-export ok !
-Album en rupture de stock ?-
Tintin a chopé des cloques
Milou a mordu des vioques
de méchants parrains cinoques
Castafiore a sucé Haddock
les DuponTD's brothers ont fait dans leur froc
et le Professeur a sniffé la coke
Des nuits de Vladivostock
sous l'effet du rock
(ou l'inverse in Kcotsovidalv)
D'un combat inégal
entre Eux & moi
se sentir pris au piège
jusqu'à devoir plier
.
plier
.
plier
bien plus vite que plus vite
et refermer sa gueule
soumise

25 oct. 2009

un peu de viande
hachée
au rayon boucherie
un sachet de
petits pois
au rayon frais
une pomme ou deux
et ce sera tout je crois
qu'avec ceci mon caddie
a l'air d'un
misérable caddie
mais ce que vous
ne savez
pas et qui
me tient
hors de toutes
ces considérations
c'est la boîte
en verre
sur ma table de chevet
ou vivent
en parfaite harmonie
un gastéropode
un coléoptère
et un tout petit
poème plié
en boule
pour les amuser
saurons-nous vivre
à
prendre le temps
réel
calmés d'un repli
hors saison

Dan Fante et son dernier recueil de poèmes




Le bus du Psg



Le virus H1N1 dans l'air...

Report du match OM-Psg...

à lambiner
dans la foule
à marchander
entre les différentes épices
les différents légumes
du marché
à les soupeser
à les jauger
avec ton savoir-faire
pour que la soupe du soir
soit la plus réussie
possible
tu ne te doutes
pas
que tout ceci
sera fini
dans moins
d'une
seconde
...
dès la première
explosion
à priori tu étais dans une voiture 3 portes
à priori tu as voulu accélérer
à priori tes mains étaient moites
à priori tu n'as jamais réussi à doubler
ce camion
et les circonstances
n'en sont pas encore clairement
établies
à priori tu vas mourir
dans pas longtemps
à l'hôpital
peut-être avant
comme
immatriculé
dans un pays lointain
Par
l'oubli
de toutes choses
par négligence
c'est tout-à-fait
naturellement
que le petit garage
lugubre
tenu par Désiré Landru
route de Châtillon
dans les années 1910
est devenu une launderette
comme une autre
avec pas moins
de 9 machines
à laver
et deux séchoirs
automatiques
qui tournent quasiment
jour et
nuit.
l'araignée sur la carte
punaisée au mur
se laisse glisser vers
l'Antarctique
si je pouvais te rassurer
sans me faire peur
l'instant d'après
Fasse l'addition

de nos longs creux de vie

une vallée de nuits fertiles

c'est comme si nous devions

partir

et ne jamais nous décider
l'arbre planté
en 1742
refuse toujours la mort
obstinément
près de 270 ans
plus tard
ramasse le sable du désert
grain par grain
pour t'occuper l'esprit
le chien la chienne se

reniflent le cul

et le désir tire sur la laisse


combien de jours
à perdre
encore
sur un quai désaffecté
il a fixé le plafond
assez longtemps
sans parvenir à
voir au-delà

Recueillir l'eau
partout d'ou elle tombe
ne pas crever de soif

Ces petits riens qui font tout (Marlène Tissot)

Hier
nous fêtions
les dix-neuf ans
de notre premier
baiser

Dehors il pleuvait
et le monde semblait
toujours aussi moche

Mais à l'intérieur
une petite flamme
continuait de bruler
paisible et
rassurante...

24 oct. 2009

Microbes 56




Message d'Eric:
Le 56ème numéro de Microbe est à l'impression !
Au sommaire :
Pierre Autin-Grenier Peter Bakowski (bilingue) Jean-Marc Couvé co errante Théophile de Giraud Éric Dejaeger Anna de Sandre Romain Fustier Jan Oskar Hansen (bilingue) Jason Heroux (bilingue) Virginie Holaind Amandine Marembert Thierry Roquet

Les illustrations sont de Diana Magallon et Jeff Crouch.
Le 22ème mi(ni)crobe, Voyage à la roue voilée de Pierre Soletti, sera envoyé en même temps.
Les abonnés (« + ») le(s) recevront début novembre.
Les autres ne recevront rien.
Pour tous renseignements, contactez Eric Dejaeger: ericdejaeger@yahoo.fr.


de Lognes
le train l'emmène
à gare de l'Est
en une petite
demi-heure
au ciel changeant
aux quais
chargés

tempe gauche
collée
contre la vitre froide
le paysage défile
en villes de
banlieue
mains resserrées
entre les cuisses

yeux mi-clos
les écouteurs
dans les oreilles
à s'écouter
la gnossienne 3
d'Erik Satie
elle a paru
presque surprise
quand il lui a
fallu
descendre
finalement
du train

23 oct. 2009

Tu t'es
baissée
pour cueillir
une fleur
que tu ne connaissais
pas
tu t'es baissée
pour cueillir
une autre fleur
et tu m'as demandé
si je connaissais
le nom de
cette jolie fleur-là
j'ai fait deux fois
non
de la tête
et tu as semblée
si
déçue
je t'ai
susurré
que ce serait
notre
secret
ça fait longtemps
qu'on ne s'est plus
promenés
la main
dans la main
toi &
moi
le long du canal
ou passaient
de temps à autre
quelques bateaux
à vapeur
chargés de
blé de coton
d'épices
nous les regardions
disparaître
lentement
avalés par
les marécages
avant de prendre la ruelle
qui monte vers la vieille église
de style Roman
(c'est écrit sur le devant
du bâtiment)
nous nous
reposions
sur un banc
de pierre
blanchie par le
temps
et quand tu me
dis que
cet endroit
n'existe pas
vraiment
je ne
peux pas
te croire

Fog

entre chambre et salon
par temps de brouillard
malgré la boussole
malgré le phare
portatif
que j'ai
dans la poche
je me perds
je m'accroche aux
murs

j'ai peur
de bousculer
quelqu'un
de basculer
vers autre
chose
de ne jamais
revenir
au point
de départ

ce n'est ni spécialement
le jour
ni spécialement la
nuit que se lève
plus dense que la
poussière
d'étoiles
l'épais brouillard
au dessus des meubles

s'entendent
parfois
des bruits bizarres
comme
un instinct de
survie
des mots
qui couvrent
mes cris
mais sont-il des
cris

et puis
peut-on parler de salon
quand il ressemble tant
à une chambre
peut-on parler de chambre
quand elle ressemble
tant à un salon
hein

j'ai bien reçu
l'avis
d'un spécialiste
des chambres
des salons
et des points de
départ
avant que le brouillard
ne nous éloigne
l'un de l'autre
définitivement

dans la remise
à balais
autant dormir
tranquille
inanimé
avant que
tout déraille

des trucs vraiment très comment dire (dans mon lit)


une femme dans
chaque port
une ancre dans
mon lit

une femme dans
chaque porc
un boudin dans
mon lit

une femme dans
chaque pore
dans mon lit depuis
longtemps: la même


comme mon
employeur
me réclame un arrêt-maladie
que je n'ai pas
je vais lui fournir un arrêt de
bien-être
ça va peut-être
lui faire
plaisir
de me savoir
en bonne santé
pour éviter les
files d'attente
aux caisses
je préfère
partir sans payer

Je me suis installé une petite tente

Je me suis installé
une toute
petite tente
dans le hall de
l'immeuble

près de
l'escalier

sur le sol froid
je suis à genoux
mes genoux sont
sales
à l'abri des
regards

j'ai
autour
du front
un bout d'élastique
une lampe de poche

placée dans un
coin
une poupée gonflable
en train de crever
me parle
de douleurs
de ses cycles menstruels

à côté de nous un pot
de fleurs
en plastique
(à cause du pollen)
un pot de peinture
à l'huile
c'est de l'huile
d'olive


sur le sol froid
je peinds une fresque
miniature
Style Renaissance
les gens vont
et viennent

près de
l'escalier

"c'est vraiment à
chier" dit-elle
la poupée gonflable
a pris mon argent
l'argent
de la
semaine
et s'en est allée

Stores baissés jusqu'à...


Je sais bien qu'il fait
jour
et ça te ne plaît pas
quand
les stores sont baissés
tu dis c'est déprimant
qu'il te faut
la lumière
mais j'ai pris
la sale
habitude
(égoiste)
de lui préfèrer
la pénombre

Faut-il croire la vie quand elle nous ment ? (Hervé Grillot)

-Tiiit- Salut, tu es bien sur le répondeur de Jon. Indisponible pour l’instant, laisse-moi un mot et je te rappellerai dés que possible… - Tiiit

Sixième message :

Jon, cet après midi, dans le ciel
J’ai vu voler un étrange oiseau vert
Sans doute une perruche échappée de sa cage
Et aussi
Notre voisine, tu sais, la douce Fine
Celle qui attendait son enfant pour décembre
On dit qu’elle l’a perdu, tôt ce matin
La perruche babillait joyeusement tout en volant

22 oct. 2009

après
une journée là-bas
à attendre que le vent
se taise
comme les loups
dans la forêt
alentour
redevenue sauvage
et que la voiture
ne soit plus
coincée par la neige
sous le portique
en bois
tu me demandes
de venir
me coucher
près de toi
nue sous les
draps
maintenant
qu'on a tout notre temps
parce que
tu n'accordes pas
plus d'importance
que ça
au chaos
présumé
de ce
monde
il les avait tous
badigeonnés
un à un
d'une mousse
onctueuse
dans son appartement
histoire de
s'entraîner
avant de sortir
par la
petite porte
et de
raser les murs
et moi
je cavalais
derrière un chien
pour lui prendre
son os
qu'il ne voulait
lâcher
sous aucun prétexte
et moi je cavalais
devant
une vieille dame
qui n'a voulu
lâcher son
sac sous
aucun prétexte
et moi
je m'arrêtais
derrière
un réverbère
pour
lui pisser dessus
à la nuit
tombée
putain
ça
c'est un bon
prétexte
Ce doit être
au 72
de l'avenue
en face du bureau de tabac
ou de la petite épicerie
une lourde porte en bois
s'est ouverte
d'un coup sec
et s'est refermée
de la même
manière
mais il n'y a toujours
pas de numéro
72 dans
l'avenue
je pourrais
écrire
ce que j'observe
au plus proche
des gens
des lieux
des objets
sans autre identité
que d'être
des gens
des lieux
des objets
s'il n'y avait
à
dire
et à redire
celui que je connais
le moins
à force
de n'en
jamais
sortir
Encré en toi
s'adresse
avec la même
politesse
l'espoir
encore et
toujours
se sert
de quoi
d'un présage
d'un prétexte
pour oublier
l'autre versant
en toi:
naufrages
en terres
d'impuissance
à la fenêtre horizon une avenue principale bordée de quelques boutiques on est là pas loin le bus est passé on court derrière de grandes tours hiératiques un peu plus hautes que les premiers toits ou sont posés de gras pigeons prêts à chier sur nos vies d'ou vont et viennent tous ces bruits et nul besoin d'en étouffer les paradoxes d'un doigt minuscule à la fenêtre
sortir de là
à tout prix
avant la prostration
à chaque coup sur les murs
impassibles
et glissants
du regard
intérieur
sortir de là
à tout prix

retrouver la
parole

cette chose-là

Je ne sais pas bien
l'exprimer
quand il ou
elle est

cette chose
noire
en pleine tête

sans rien
autour
qui en module
l'indicible
vertige

14 oct. 2009

dans le métro

elle s'amuse
avec son avant-bras
dénudé
en le regardant
droit
dans les yeux
il bande
et place sa sacoche
pleine de dossiers
inintéressants
devant sa braguette
de pantalon

7 oct. 2009

Evidence de la pluie

Sous ce
déluge venu d'en
haut
pluie battante
pluie battante
les immeubles
alentour
les révèrbères
dans la rue
comme les
plantes
mais aussi
les voitures
garées là
et les passants
surpris
devraient pouvoir
pousser
de quelques

centimètres

non?
sous ce
déluge venu d'en
haut
pluie battante
plu
ie ba
ttan
te

Vespasienne à Paris

-Dis, mec, tu crois que ça peut servir d'abribus également?
-J'en sais rien, pisse et tais-toi...

La pissotière (de Warwick Collins)







Il s'était mis à fouiller scrupuleusement chaque recoin de la pièce n"hésitant pas à soulever des morceaux de parquet à déchirer le vieux papier peint à percer le mur dans l'espoir d'y découvrir un mot d'explication un trésor de vie caché par l'ancienne propriétaire dont on lui avait dit qu'elle avait disparu mystérieusement comme ça il y a plus de vingt ans et il finit par découvrir une petite bestiole apeurée qui n'eut pas même l'occasion de fuir plus loin
Ce doit être
au 68 ou au 70
de l'avenue
en face du bureau de tabac
ou de la petite épicerie
une lourde porte en bois
s'est ouverte
d'un clic bruyant
et s'est refermée
de la même
manière
mais ça ne peut pas
être au
72
car il n'y a pas de numéro
72 dans
l'avenue
sur mon épaule un petit chat qui miaule s'accroche à mon pull blanc il ne veut pas descendre je l'ai trouvé dans le hall de l'immeuble près du local à poubelles lui verse un peu de lait dans un bol et parle doucement à son oreille de petit chat ma fille tu sais a toujours voulu un gentil animal de compagnie comme toi mais je ne sais pas si c'est une bonne idée parce que tu vois on n'a pas de jardin on n'a pas de balcon et l'appartement n'est pas vraiment spacieux hein minou je me baisse vers le récipient fais descendre le petit chat de mon épaule prenant soin d'éviter au passage ses griffes déjà bien affûtées et je me retrouve vraiment comme un con à ne pas savoir quelle décision prendre à son sujet tandis que lui lape goulûment le bol de lait comme le ferait n'importe quel petit chat

le jour s'ouvre d'un nouveau pinceau

en apportant plus de ceci moins de cela je pourrais peut-être trouver une meilleure place à l'intérieur du tableau avant qu'il ne change d'avis et qu'il ait dans l'idée de se défigurer d'un trait sec

depuis des années (4)

John-Paul ne nous dit pas grand chose de ce qu'il fait de sa vie professionnelle de sa vie amoureuse de sa vie sexuelle ça reste un grand mystère pour toute la famille quand on lui pose des questions il noie le poisson d'un ton évasif et sec on en vient même parfois à se demander s'il ne nous cacherait pas certaines choses s'il ne serait pas un peu du genre à faire des rondes bizarres la nuit très bizarres comme on en voit dans les faits divers mais non non non John-Paul n'est pas un de ces salauds-là quand même il est juste un peu singulier c'est tout et ça ne nous viendrait pas à l'esprit d'aller jusqu'à fouiller le coffre de sa voiture à la recherche de résidus de sang de tissus déchirés... quoique sa soeur cadette nous a récemment confiée qu'elle aimerait bien en avoir le coeur net
elle avait proposé que
je vienne m'installer
chez elle
dans un petit studio
de la rue Marguerite
là ou on venait de
passer la nuit
ensemble
après quelques
gesticulations
de baise
plutôt fatiguées

on s'était rencontrés la veille
au soir
je sais plus trop
comment
mais ça me reviendra
sans doute
plus tard
et je lui avais répondu
que j'étais pas vraiment
bricoleur

elle m'avait alors souri
de son accent
un peu rauque
pour me glisser
que je ne devrais pas compter
sur elle pour les petits plats
bien cuisinés

normal j'avais dit
en haussant les épaules
et elle avait alors
pensé
qu'on pourrait
construire
un petit
quelque chose
avec nos bouts
de presque rien
hein qu'en penses-tu?

6 oct. 2009

La vie en faisant le poirier

Je suis dans la chambre et je fais le poirier contre le mur. Lopez, mon colocataire, m’observe longuement et ne sait pas trop quoi penser de tout ça. Je crois bien qu'il se fout de ma gueule.
-Tu vas tenir combien de temps? me demande Lopez.
-Laisse-moi, s'il te plaît, je fais du deuil. J'évacue vers le bas.
-Tu me présenteras ton psy ?
-Oui, oui, promis. Tu veux faire le deuil de quelque chose, toi ?
-Non, non et ça m’inquète pas mal. Au fait, tu trouves pas que ma bite est plus belle à l’envers qu’à l’endroit ?

Lopez ouvre les boutons de son jean, baisse son slip et me montre sa bite. Lopez est du genre macho mais inquiet. Enfance peureuse, douloureuse, comateuse, paresseuse. Rejeté par sa mère, rejeté par son père, rejeté par la mer, rejeté les jours pair, il a su se forger une carapace en nylon, en acier, en béton, en coton-tige, autour du ventre, et des tatouages sur le bras, afin de croquer la vie, désormais, à pleines molaries, gencives et crac en plein dans le mille. "Jouissif" me rappelle t'il sans cesse.
-T'avais pas un rendez-vous ce soir?
-Si, si, excuse-moi, Richard, mais je voulais juste que tu me dises ce que tu penses de ma bite.
-Lopez, ta bite est splendide. J'appelle l'Unesco et la FIAC.
-Merci, Richard, t'es un ange. Tu veux un coca?
-Lopez, laisse-moi maintenant...

Je fais du deuil. Quand je fais du deuil, je veux être seul et je fais le poirier. C’est une habitude que j’ai de faire le poirier et à force de faire le poirier, je n’imagine plus aucune autre position: je dors en faisant le poirier, je me lève pour pisser en faisant le poirier, un jour, je retournerai au boulot comme un poirier ambulant.
"J’ai un mot du docteur, Madame, j’ai parfaitement le droit de faire le poirier dans le bureau. Huuum, c’est pas très idoine avec le règlement. Vous n'avez que ça à la bouche, le règlement... Je fais du deuil, vous devriez pouvoir comprendre ça, non ? Vous avez tout de même pris un arrêt-maladie longue durée et vous pensez bien que ceci pénalise l'entreprise... l y a des deuils plus longs que d'autre, Madame. Ce n’est pas très idoine avec un monde concurrenciel, tout ça. Vous voulez que je me syndique, Madame?".

En attendant de perdre mon emploi, je continue de faire le poirier.
Le sang traverse mon corps et gonfle mon crâne.
-Tes pieds sont tout blanc, Richard.
-Ouais, il s'agit de vider la substance de vie et de la remplacer par autre chose.
-Ah? Un jour, je te prendrai en photo. Bon, allez, j'y vais, t'es sûr que ma bite est belle?
Et Lopez claque la porte. Sifflote. L'assurance en lui.

Je ne me sens pas encore suffisamment rétabli pour prendre l'air. Mon premier réflexe sera d'entrer dans un bar et de commander une bière. Mon second réflexe sera de mater des nichons dans le blanc des yeux quelque part. Ensuite, j’irai chez l’horticulteur du coin m'acheter une grenouille et un nénuphar. A moins qu’on en trouve à Intermarché ou chez ED ou chez Lidl. Lopez doit savoir ça. Il est très habile de ses dix doigts, débrouillard, braillard, papier buvard. Il a monté la table basse, il a changé les ampoules, il a fait son lit. Rien se semble l'atteindre.
Tandis que moi, je pleure souvent. Et qu’à force de faire le poirier, les larmes ne tombent jamais pleinement par terre.

Elles forment des stalagmites sur mes cils. Je les confonds parfois avec les gouttes de sang.

Pierre Dac (1893-1975)

Quelques citations:

Celui qui, dans la vie, est parti de zéro pour n'arriver à rien, n'a de merci à dire à personne.

Les bons crus font les bonnes cuites

il est plus facile de faire sortir le dentifrice du tube que de l'y faire rentrer

Ceux qui ne savent rien en savent toujours autant que ceux qui n'en savent pas plus qu'eux.

Le tabac augmente, fumez du saumon !

Tout est dans tout et réciproquement

Ce n'est pas parce que l'on n'a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule.

L'homme a son avenir devant lui, mais il l'aura dans le dos chaque fois qu'il fera demi tour

Rien de ce qui est fini n'est jamais complètement achevé tant que tout ce qui est commencé n'est pas totalement terminé.

David Goodis (1917-1967)


5 oct. 2009

Ca s'est passé comme ça

Robert le Praticien de la Verge (de la Vierge? coquille?) était depuis ta naissance (quel intérêt?) sur la piste d'un skieur amateur de sudokus et de tsunamis lequel skieur avait racheté deux chougnoulans (mot d'origine hermétique) bien placés en haut des Hauteurs du Plus Haut des Cieux pour 1 euro symbolique et deux Mm's à Hubert le Théoricien du Vide dans l'Univers des Cosmétiques qui était aux abois ouaf ouaf depuis son divorce par veuvage d'avec Ginette la Révolutionnaire Perdue Dans Ses Rêves dont le voeu le plus foufoune était de reprendre la Bastille un 18 Mai au lieu de quoi elle fut prise elle-même d'assaut un lundi un mardi un mercredi par des militaires consentants à Nogent le Rotrou et sans l'intervention musclée de Clint Eastwood qui tua Ginette le skieur les soldats et Hubert d'un seul coup jamais je n'aurais été en mesure de vous relater ce fait divers tatoué sur mes pieds depuis ta naissance (quel intérêt?) lesquels sont désormais la propriété indivisible de Robert le Praticien de Mes Fesses dont le numéro de siret termine par un M.
Bâti malingre comme une
tige
celui qu'on appelait
affectueusement
vieille branche
s'en est allé rejoindre
d'un cancer du colon
a t'on dit
les feuilles
mortes
dans un jardin public
là ou il avait
ses quartiers
d'hiver, de printemps
de toutes les saisons

Depuis des années (3)

John-Paul
considère tantôt
son compte bancaire
avec la plus grande
sympathie qui soit
un peu comme
un ami vous apporterait
le réconfort nécessaire
dans les moments
difficiles
tantôt il ne le considère
plus du tout
tellement l'endroit
lui fout la trouille
un peu comme un ami
vous lâcherait
pour se préverser lui-même
d'un vide
abyssal et déprimant.

J'ai bien connu le commissaire Maigros moi aussi

Il a déboulé chez moi
un matin
d'ctobre
en défonçant la
porte d'entrée
même pas eu le temps de
m'habiller
qu'il a ordonné à ses acolytes
de fouiller mon appart'
de fond en comble
"Y sont ou tes journaux intimes?"
qu'il gueulait
"hein, y sont ou ducon?"
avant
de me passer
les menottes
près du radiateur
J'étais à moitié à poil
le corps meurtri
de ses coups
dans le bide et lui
il criait victoire
d'avoir enfin
stoppé net
le plus mauvais
écrivain de tous les temps.
Hier
nous avons passé une bonne
partie de la matinée
dans la voiture
en stationnement
rue Béranger
quelque part
entre la boulangerie
et les étals du marché
et nous avons vu
le monde
qu'il y avait autour
de nous
cachés derrière
d'épaisses
lunettes de
soleil
et puis tu en as eu
assez
et tu m'as demandée
de te parler
de mon enfance
et tu t'es endormie
profondément
sur mon épaule.
Pleuvent
les gouttes sur le
bitume

Sombrent les éclats
du ciel
dans le lit
des grisailles

Passent
les heures
sans mettre le
nez dehors

Est-ce un jour
à chasser
les idées noires?

Reiser (1941-1983)


Le jour de collecte
des encombrants
c'est le mardi
matin
et je n'ai toujours
pas trouvé le moyen
de leur
refourguer
mes plus anciens
complexes.

4 oct. 2009

Harry Crews (1935)


Quelques bouquins du bonhomme:
-Le chanteur de gospel
-La malédiction du gitan
-Car
-La foire aux serpents
-Les rois du K.O
-Body

Humeur Sentimentale

L' appartement
est tellement mal
isolé
qu'il laisse le vent
s'infiltrer
dans toutes les pièces

Il faut toute la tiédeur
confortable
de notre amour
pour ne pas succomber
au froid

Message perso

A peine rentrés
tous les trois
de la séance ciné
à Montparnasse
tu t'es écroulée
fiévreuse
sur le canapé
morte de fatigue
te plaignant de la gorge
et de nausées
ca nous fait mal au coeur
de te voir comme ça
et je ne t'en veux même pas
d'avoir défié le mauvais vent
d'hier en sortant
avec juste un tee-shirt
à l'anniversaire de ta copine.

Bon rétablissement mon trésor.

depuis des années (2)

John-Paul
écrit un journal intime
dans lequel
il se raconte
ses difficultés
à vivre simplement
ou simplement
à vivre
et il lui semble que
ce journal intime est un
insupportable
tissu
de mensonges
égocentrés
sans queue
ni tête
et pas la moindre
idée d'un pied
ou deux
pour avancer

3 oct. 2009







c'est un problème de
fuselage
du 2è bouton
derrière le piston nodal
me dit-on
je n'en sais rien
du tout
mais vous avez sûrement
raison
je réponds
afin de couper court
à la conversation trop
technique
car l'avenue est déjà
pleine de monde
pour le défilé
des vieilles voitures
et je ne voudrais pas rater
la Panhard&Levassor 1936
à cause
d'un truc à la con
impossible à régler
au téléphone
de toute façon

2 oct. 2009

C'est ton job, fais-le !

Il faut bien y aller
C'est ton job, après tout
et
ce n'est pas sans héroisme
que de prendre une telle
décision
chaque jour
que de la maintenir avec
fermeté
quand on sait que les dés
de la vie
sont pipés
au départ
et qu'assez vite
c'est toujours
la nécessité qui l'emporte
sur toute autre
considération
1225 euros nets
et les tickets resto

et cette conclusion-là
n'a rien de vraiment
rassurant.


Tiens, me revient ce petit texte de Thoams Vinau:
mardi 6 novembre 2007
Théologie
On paye chaque jour la note
de notre hypocrisie
à huit euros de l'heure
plus les tickets resto
Amen

A long way till the beginnin'

Martha et moi
ce n'est pas compatible
depuis le tout début
en fait
ça doit être la peur
ou quelque chose
comme une attitude
qui ferait que nos
différences
qui ferait que
c'est pas facile
à s'expliquer
...
et c'est ce que nous pensons
sans doute
Martha et moi
au moment de nous embrasser
sans nul besoin
d'ajouter
à quel point nous tenons
l'un à l'autre
plus que tout
au monde


1 oct. 2009

Incompétence, flatulence

On ne te demande pas vraiment de réfléchir mais d'appliquer des "process" des procédures préétablies des régles bien précises qui ont été pensées à la virgule près par des instances hiérarchiques de plus en plus supérieures dont tu ne fais nullement partie dont tu ne feras jamais partie afin de parer à toutes les éventualités et tu ne t'en éloigneras qu'à tes dépens : ont déjà été prévus les mails assassins les paroles blessantes les insinuations sur ta compétence sur ton intelligence devant témoins avant un éventuel avertissement et un licenciement pour faute grave.
Tu le vois bien que la partie est perdue d'avance alors pour qui te prends-tu nom de dieu à résister comme ça?

I hear no voice

Entends-tu les quelques notes
qui te donnent cette inflexxion
la tristesse l'inflexxion

de ce qui y ressemble puisque nous
nous
resssemblons

dans ces moments-là

Entre les flux mélancoliques
et les battements sanguins

Entends-tu l'écoulement métallique
à hauteur des consciences
la langueur
des échos maladifs dans l'espace

sans vraiment les connaître

Entends-tu s'agiter
de quelques bribes de mots perdus
les vieux fantômes
que nous avons vécus

Entre les insistants oublis
et la mémoire d'un trait

M'entends-tu?
Je n'entends rien plus rien

plus rien
qui soit de filiation

S'il n'y avait cette étrange alchimie qui se charge du reste


(A David Eugene Edwards A sa voix de précidateur désespéré I pray him come )