24 févr. 2018

Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (10)


Il
s’est présenté
à l’administration avec tous
ses papiers
on lui a dit
qu’ils étaient faux
il
ne comprenait pas
il
a quand même
tenu à leur montrer
son permis de conduire
sa carte d’identité
sa carte vitale
sa carte de fidélité à Intermarché
sa carte bancaire
et même 
sa dernière carte d’abonnement au stade
on lui a dit
que tout était faux
archi faux
et que ce n’était pas
la peine
d’insister pas
la peine
de chercher à les convaincre
&
surtout pas la peine
de continuer
à vivre dans un endroit
qui n’était visiblement pas
fait
pour lui.

Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (9)


Ils ont entendu
la fusillade
dans la rue
ils ont cru
que la guerre
civile
avait enfin éclatée
alors
ils sont sortis
de chez eux
comme des fous
furieux
avec fourchettes
&
couteaux
prêts
à s'empifrer
des cadavres
les plus
frais
pour bien leur
montrer
à tous
ceux qui étaient encore
leur besoin
de sang
&
de mort
jusqu’à ce qu'il ne reste
plus rien
de vivant
sur la Terre.

Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (8)


Il triture
nerveusement
son plus haut
bouton
de chemise
Il avance vers le micro
placé au centre
de l’estrade
Sa voix
est à peine audible
il chevrote
il sue
il tremble
en ouvrant la page 17
de son dernier
recueil
Il ne regarde pas ces gens
assis
en face
de lui
Il garde les yeux fixés
sur son texte 
sur son poème
qui débordera bientôt sur 
la page 18
il essaie de rester concentré
et d'y mettre à présent le ton
Sauf qu’il remarque
au premier rang
un individu en train de bailler
plusieurs fois
Alors il sort
un flingue de sa poche
&
lui tire une balle en pleine
tête
avant de revenir
sur son texte 
sur son poème
parce que la chute 
en
vaut vraiment
le détour.


Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (7)


Il plante
le couteau
dans son steak
tartare
devant des centaines
de fans
assis
autour
de sa table
à manger
on le prend en photo
on le mitraille de flashes
on lui demande de sourire
on se prend en selfie
avec
lui
le plus GRAND poète
de tous les temps
Il signe des
autographes
sur des bouts
de viande
retirés d’entre 
ses dents 
qu’on s’arrache
à grands cris
il ne s’entend plus
manger
plus roter
plus péter
plus vivre
C’est l’hystérie
totale
de ses
doigts de
pieds
à ses
cheveux
tirés
de tous côtés

23 févr. 2018

Procédures !

Il reçoit tout un tas de
procédures
agrafées 
soigneusement
sur du papier
recyclé


on lui demande
d'en prendre grand
soin

ce sont les bases
du métier qu'il fait :
gestion clientèle

spécialisée
dans la facturation

il connaît certaines
de ces procédures
à présent
mais d'autres lui
échappent 

complètement
(sans doute à cause de leur complexité) 
(sans doute que la formation était trop rapide
(sans doute à cause d'un manque d'intérêt) 
(sans doute)

il range le tout

à l'intérieur d'un caisson
noir
placé près de sa chaise
à roulettes

avec laquelle il envisage
un jour ou l'autre
de faire une course
de vitesse
dans l'open space
avec quelques collègues

ces procédures

qu'il doit absolument connaître
sur le bout des doigts
pour exercer au mieux
son nouveau travail
en toute autonomie
sont ainsi enfermées

puisque lui seul possède la clé du caisson noir désormais
à double tour
à triple tour
sous d'autres piles de
documents
&
de magazines

où par manque d'oxygène
elles finiront bien
par se décomposer et

disparaître
complètement
de la surface
de la terre

c'est bien dommage que
la hiérarchie n'en
soit pas
convaincue à
100%

22 févr. 2018

C'est par paresse... (de Benoît Jeantet)

C'est par paresse qu'on devient
cinéphile.
Pour donner à sa solitude
un air intelligent.
Tu trouves que j'exagère?
Supposons
qu'au commencement,
j'ai tout fait
pour ne pas devenir
un de ces hommes
à rancune.
A l'âme rude...
Ce matin-là,
le cirque était arrivé
en ville. 
Il aurait peut-être
fallu
se contenter
de leurs acrobaties
de rigolos à nez rouge,
leurs mines flippantes,
verrouillées...
Ce matin-là,
aucun retour possible.
Je me revois alors.
Je ressemble
à un échafaudage qui tangue
sur une façade
rossée par les vents....

ainsi soit-il


certains jours donnent l’impression
d’être revenus de loin
d’un long voyage qui sentirait la sueur
la fatigue
&
la peur
presque
irraisonnée
d'un combat perdu d'avance




je ne parviens plus à lire
alors
je pose mon bouquin
et
j'observe cette mouche qui zigzague
dans la pièce
de l'appartement
et ça fait bien un jour
ou deux
qu'elle est là
elle non plus
n'a toujours pas
trouvé la solution
à son problème




tu as retrouvé un peu de paix
depuis que
tu t'es remise à croire en dieu
&
à prier à ta façon
pour chacun de nous
avant de t'endormir
tu dis que c'est mieux que rien
c’est un fil rouge
au bord des nuits sans fonds
et quoi que tu dises
de toute façon
je te crois
pour te garder le plus longtemps possible
en vie à mes côtés



Chutes d'histoires à la con & quelques poèmes possibles


L'ordinateur s'énerve encore devant son homme : il essaie de le faire démarrer. En vain. L’homme a trop de virus.




Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants mais sans jamais savoir si le nombre d’enfants avait un lien avec leur bonheur.




Comme sa femme était instable psychologiquement, il l’enferma dans un grand carton avec inscrit dessus : « fragile, ne surtout pas ouvrir ».


L’homme se pose sur le rebord de la fenêtre et s’envole du 13è étage. L’oiseau le regarde faire.



-Mon trésor, le marchand de sable est passé.
-Maman, il a oublié d’apporter la mer.


Le frigo est plein, le congélateur déborde, le reste sèche depuis quelques jours dans la baignoire.
C’est certain : le cannibale du rez-de-chaussée a perdu l’appétit.


-Qu’y a-t-il de plus fort que l’amour ?
-John Rambo !




Quelques exemples de mes poèmes

Ceci est : un poème hypersensible.
(merci d’éprouver pour lui un -strict- minimum d’empathie).


Ceci est : un poème alcoolique.
(je vous préviens, il a l’alcool mauvais et refuse toujours de suivre une cure de désintox).


Ceci est : un poème qui ressemble à une cuvette de chiottes.
(vous pouvez toujours vous asseoir dessus ; le papier-cul est à côté).


Ceci est : un poème éjaculateur précoce.
(merci de ne pas l'exciter trop vite).



Ceci est : un poème timide.
(je vais éteindre la lumière pour ne pas le faire rougir davantage).


Ceci est : un poème obsédé.
(il bande encore et ne pense qu'au cul).


Ceci est : un poème qui ne va nulle part .
(lisons-le ensemble pour aller dans la même direction que lui).


Ceci est : un poème tombé en désuétude.
(il ne survivra que quelques jours à une obsolescence programmée).



21 févr. 2018

Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (6)


Il ne comprend toujours pas
pourquoi cette belle
créature
aux seins lourds
et nue
sur la double page
du magazine
déjà bien écorné
ne vient pas de temps à autre
le rejoindre
dans son lit
quand il en a vraiment besoin
&
sans que personne n'en
sache rien
il a vu ça dans des films
d'anticipation
&
avec toutes les avancées
scientifiques
actuelles
ça devrait pas être si compliqué
à matérialiser
non?


Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (5)


Il a décidé
qu’il ferait emménager
sa famille
ici 
&
pas ailleurs
son père
sa mère
sa femme
et leurs cinq enfants
Alors :
que la maison
soit déjà
occupée
par d’autres
&
que ces autres
refusent
justement
de la vendre
ou
de la partager
n’était pas un problème
majeur
on pouvait toujours
régler
ça
à coups
de plombs
de chevrotine
ou
de sabre de
samouraï
ramené
d’un séjour
à Okinawa

Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (4)


Le voisin
a garé sa voiture dans l’allée
de graviers
il a d'abord klaxonné deux fois
c'était son habitude
sa fille est sortie 
de la maison
s’est jetée
dans ses bras
le chien a aboyé
comme un dingue remuant la queue
en tous sens 
sa femme
quant à elle
restait les bras croisés sur le pas
de la porte
&
quand il s’est trouvé
à sa hauteur 
elle lui a balancé 
deux claques
en pleine figure
il a baissé la tête
il n’a rien répondu
elle
lui a demandé de ne plus
jamais 
jamais, tu m'entends
klaxonner dans l’allée
de graviers
comme il venait de le faire
encore
c’est compris ?

20 févr. 2018

Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (3)


On peut pas dire
qu’il existe
mais on peut pas dire
non plus
qu'il existe pas
hein
&
même si l’une des
deux propositions
est plus vraie
que l’autre
va savoir laquelle
hein
qu’est-ce que ça peut bien 
nous foutre
à présent
hein
Le vieux qui causait ainsi
à sa vieille
s’est soudain senti mal
sous l'ardente chaleur
du minuscule jardin
en centre ville
-Je vais crever, Teresa, c’est acquis.
La vieille a relevé
machinalement
la tête de sa revue
de mots fléchés
en gardant bien son doigt à la page 72
-C'est possible, mon Jacquot, c'est possible.

Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (2)


Dans la chambre
du motel 
à trois cent mètres
de la plage
il a enfin voulu tout lui avouer
de ce qu’il ne ressentait plus
pour elle
à présent
qu'il en aimait une autre
qu'il était sincèrement désolé que ça se finisse mal
tout ça quoi
il s’est levé du lit
s'est assis à la petite table moche
a écrit un mot
qu’il a laissé bien en évidence
avant de s’éclipser
sans faire de bruit
Quand elle s’est réveillée
à la mi-journée
elle a lu le petit mot
truffé de fautes d’orthographe
elle a haussé les épaules
enfilé une robe moulante
puis elle est descendue
voir le jeune réceptionniste
au rez-de-chaussée
qui se faisait chier comme
un rat mort
&
ils se sont bien marrés
de toutes ces histoires d'amour
qui ne devraient surtout
jamais
être autre chose
que des histoires de cul


Parigo Pecno d'la Banlieue Sud (1)


Lorsqu’il l’a connue
elle lui a raconté
qu’un jour elle partirait
ramasser les épines de
cactus
dans le désert pour en faire
une descente de lit
ou un tapis de prière
parce qu’elle avait vu
le génial fakir John Doe à la télé
en faire autant
&
elle avait envie que ses pieds
ses genoux
son cul
soient perforés
de partout 
histoire
de faire passer la lumière
&
la pluie quelque part avec
des arcs-en-ciel magnifiques
tout le long du corps

Dans la maison de mon enfance (Extrait 43)

Je crois bien que
j'étais jaloux de mon petit frère
il était le centre de l'attention des
autres
sans avoir besoin d'en faire des tonnes
il avait des amis
et Isabelle
une petite copine très mignonne
que j'aurais bien aimé séduire aussi
il était l'artiste de la famille
car un professeur de collège
avait décelé en lui
un potentiel
d'acteur comique
et toute la famille en était fière
et tous les amis de la famille en étaient fiers
et tous les voisins allaient bientôt le savoir
et ça ne ferait que
me rendre encore plus jaloux
sans savoir quoi faire
pour changer le cours des évidences
et ça ne ferait que me rendre
encore plus agressif envers lui
parce que c'était lui qui prenait
mes coups en douce
mes provocations
pour tout ce que j'étais pas capable de prouver
aux autres
et ça me paraissait une vengeance légitime
parce que j'étais là avant lui
un an avant exactement
parce que je savais pas bien maîtriser
mes colères
et mes frustrations
et pourtant
je l'aimais bien mon petit frère
oui je l'aimais vraiment beaucoup.

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 42)

Maman
elle pique des crises de nerf
elle pleure souvent
ça fait bizarre de voir maman sécher ses larmes
ça donne envie de pleurer
de comprendre
de crier avec elle
ça donne surtout envie de s'isoler
dans sa chambre
Papa
il ne pleure jamais
il ne montre aucun signe de faiblesse
il a appris ça quand il était jeune
parce qu'il a été jeune on dirait
mais il en parle jamais
ça fait bizarre de le voir sourire
de sourire avec lui
quand il raconte des blagues
pendant les repas de famille
papa
son regard me fait peur
maman
je n'écoute pas ce qu'elle me demande de faire
je lui réponds
et elle aime pas ça
elle dit souvent : "qu'est-ce-que j'ai fait au bon dieu pour avoir un enfant pareil"
elle menace : "tu vas voir quand j'en parlerai à ton père"
et elle en parle effectivement à papa
qui sait punir
sans avoir besoin de frapper
en me montrant simplement sa grosse pogne
prête à l'emploi
je baisse les yeux
je m'excuse auprès de maman
je l'embrasse sur la joue
je promets de ne plus recommencer
de faire mes devoirs
d'avoir des bonnes notes
et tout un tas de mensonges bien huilés
qui permettent
de reprendre le cours normal
d'une vie normale
en grandissant de façon tout-à-fait normale.

19 févr. 2018

La pluie d'aujourd'hui, la pluie d'avant

La pluie
bien sûr ajoute
à la tristesse
une autre forme de
tristesse
venue tout droit
de cette enfance
où rien ne semblait plus
possible
alors que tout
aurait dû
l'être.

Notre histoire d'amour

Notre histoire d'amour
c'est
une histoire d'amour
comme
il en existe peut-être
des milliers d'autres
sur Terre
je n'ai aucune preuve de ce que
j'avance
c'est juste histoire de dire
que
notre histoire d'amour
n'a rien de monstrueux
ni d'extraodinaire
alors qu'on sait très bien
toi et moi
que notre histoire d'amour
est pourtant
monstrueuse
&
extraordinaire.







Pensée double pour le prix d'une

Ce putain de poème !

Comment parler
d'une journée
où il ne se passe rien de
spécial
c'est comme écrire un
poème
sur un mec
qu'on ne connaît pas
et
qui attendrait pourtant
qu'on écrive un poème
sur lui
et sur rien d'autre.


Notre ville encore ?

La ville est en train de
changer
ce sont des choses imperceptibles
qui tiennent plus
du ressenti
que de la démonstration
et même si certains changements
sont nettement visibles
à l’œil nu
il est du ressort de notre
ressenti
d'en accepter ou d'en refuser
l'augure.


Quelques minuscules histoires d'un lundi sous couverture nuageuse


J’ai connu un homme qui comptait scrupuleusement toutes ses conquêtes féminines. C'était impressionnant. Il s'arrêta au nombre de 3027. Avec un léger doute sur la dernière. Quand je lui révélai que j’étais avec la même femme depuis plus de vingt ans, il écarquilla les yeux : "Hein ? Mais t'es pas normal, toi !".

**

Un jour, le grand savant découvrit le clitoris d’une femme. Il l’examina longuement, en fit part à ses confrères. Face à la perplexité de la situation, ils décidèrent qu'ils n'étaient pas compétents en la matière, abandonnèrent le projet d'en savoir davantage et se mirent en quête de découvrir un nouveau continent enfoui sous les eaux ou un gaz entrant dans la fabrication d'armes létales.

**

Ce dictateur se décréta le plus grand dictateur de tous les temps. Les autres, sans doute par jalousie, ne purent réprimer leurs fous rires, tout en réprimant leurs peuples, bien entendu. Ce dictateur n’eut d’autre alternative, afin de mettre fin aux moqueries, que de leur déclarer la guerre et de réprimer l’ensemble des peuples réunis, il va de soi.

**

Cet homme passait son temps à dénoncer les autres. Une fois qu’il eut dénoncé tout le monde, il se  retrouva bien seul et finit par se dénoncer à lui-même, en s'envoyant une lettre anonyme dont il reconnut rapidement l'écriture et le style. Il se déclara tantôt innocent jusqu'à la culpabilité, tantôt coupable jusqu'à l'innocence et finalement se pendit après s'être tiré une balle dans la tête. Ses derniers mots furent pour accuser son père, sa mère et dieu qui n'aurait jamais dû exister.


**

Chaque nuit, ce chien s’endormait de plaisir dans un lit où une femme le léchait le fond en comble. Parfois, c’était un homme. Du moment qu’il léchait bien.

**

Je suis un homme démocratique. Je me demande mon avis et vote à mains levées pour savoir si j’ai le droit de pisser, de baiser, de boire ou de manger. Je penche quand même souvent, et résolument, vers l’homme autoritaire afin de me satisfaire un peu plus vite.



18 févr. 2018

ça aurait pu se passer autrement

dire que ça aurait pu se passer
autrement
c'est pas plus mal
d'avoir ce genre de regrets
à se raconter
j'aurais pu assurer mieux mes arrières
être un exemple pour ma fille
que sais-je encore
accepter ce poste de petit chef qu'on m'avait alors
proposé
-Je te vois comme un grand frère pour tes jeunes collègues
qu'il m'avait assuré
je l'aimais bien ce boss
un gueulard sympathique
un vieux de la vieille
humain
c'était pas si fréquent
-Je pense que tu ferais un bon encadrant
il avait presque réussi à me persuader
à la condition que je coupe ma longue tignasse
qui me descendait jusqu'au cul
à l'a condition que mes fringues soient plus
présentables
ce futal avec un gros trou au niveau
des couilles
et ces grolles mocassins qui se ferment aux sales 
odeurs ?
-C'est surtout pour les clients, tu vois, Thierry
ouais ouais
je vois
mais les clients j'en avais strictement rien à battre
et ce poste
de toute façon il était pas fait pour moi
je n'ai jamais eu
ma mémoire me trahirait peut-être
une quelconque ambition professionnelle
si ce n'est celle d'envoyer
chier tout ce qui portait
costard et cravate
alors non je crois
que ça n'aurait pas pu se passer
autrement