24 déc. 2015

bordel de merde (un putain de bon texte de Heptanes Fraxion)

bordel de merde

à l'heure qu'il est
avec le temps qu'il fait
ils vont éviter la ville
le cowboy de l'espace
et le poète obscur
et se caler au bar 
que tient la rouille
au bord des rails
au crépuscule
loin de la route
à coté du parking 
à gauche du hangar
qui fait aussi camping
deux parpaings
une grille 
quelques saucisses
quelques bières à craquer
à même le sol
sur le béton
à la santé du chien Platon
tabac de cuisine
et pommes des fous
y a le ciel du soir qui enchaine
les archipels et les pochoirs
bordel de merde
comme c'est vital parfois
de décevoir

FC Nantes de mon enfance

Saison 1978-1979


Stade Marcel Saupin (à Nantes)




Saison 1977-1978

23 déc. 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 37)

Un jour au collège
je fais l'école buissonnière
avec des copains de classe
c'est même pas de ma propre initiative non
je me contente simplement de suivre le mouvement
pour bien m'intégrer dans la bande quoi
ce jour-là
je fume ma première clope
et je trouve ça super cool
on joue au flipper
dans un bistrot du centre-ville
je m'éclate comme un fou
ce jour-là
on me demande ce que j'écoute comme musique
-heu ben un peu de tout, je réponds vaguement
je vais quand même pas leur parler de Guy Béart ou des Tri Yann
-tu connais AC/DC ?
-ouais, ouais
-t'as l'air d'être bon en classe, toi
-bah non pas vraiment et de toute façon j'm'en branle pas mal
on me demande si j'ai déjà embrassé une fille sur la bouche
parce que eux ils l'ont fait hein
ils sont même allés beaucoup plus loin
mec si tu vois ce qu'on veut dire
je me marre avec eux évidemment
ce jour-là
on me propose ensuite un truc roulé
avec de l'herbe
qui sent fort une fois allumé
mais j'ose pas leur demander ce que c'est
je veux pas passer pour un abruti complet auprès de mes nouveaux copains
je tire quelques taffes
et je commence à me sentir mal...
ce soir-là
je crois que je reçois
la plus grosse branlée
de mon père
&
de ma mère
réunis
dans une parfaite entente pour l'occasion
on me prive aussi de ce qui me tient le plus à coeur
à savoir :
deux mois d'entraînement
et
de matches de foot
ce soir-là
j'ai bien conscience que dieu n'existe pas
ou alors il ne m'aime pas...
putain de vie !





Les mots, en peu de mots

Les mots
stricto sangsues
me collent à la peau.

***

Pas facile de reconnaître
le mot de trop
il est timide
il est discret
il est finalement très effacé.

***

Le moi
s'imagine
un tas de possibilités
parce que les
mots
qu'il écrit
lui échappe.

***

J'aime embrasser
ta langue
étrangère.

***

Les mots
sont des condamnés
à mort
en sursis.

***

Tes mots
portent
les habits noirs
d'un combat
perdu d'avance.

***

Les mots
s'envolent
à condition d'ouvrir
la bouche
&
les fenêtres

***

Quand je dis je
à qui crois-tu que
je me parle ?






Catarrhe N°18

Au sommaire du Catarrhe N°18 (décembre 2015) : 
L'éditorial : « Noël blanc » du boss Jean-Paul Verstraeten. 
Marc Sanders. André Stas & Éric Dejaeger. Paul Guiot. Lou Dubois. Jean-Paul Verstraeten. Thierry Roquet. Céline Maltère. Thierry Lechat. Patrick Beaucamps. Christine Schmidt. Fabrice Marzuolo. Éric Dejaeger. Perrin Langda.
Dessin de couverture et petites illustrations d'Olivier Texier







22 déc. 2015

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 36)

La R16 bleu foncé
file sur les petites routes
quasiment désertes
interminables et sombres
la voiture presque neuve
souffre déjà du long voyage
et nous aussi
on ne chante plus
on ne joue plus à reconnaître
les panneaux de signalisation
avec des cartes
on ne parle plus de ces deux semaines de vacances
excitantes
en terre étrangère
mais au moins
on ne crève plus de chaud
sur nos sièges en skai
la nuit est fraîche par ici
lors de la traversée de la Manche
en hydroglisseur
j'ai vomi tout mon déjeuner et mes tripes
j'ai découvert le mal de mer
aussi fort que mon horreur des huîtres
nous voici quelque part
dans la campagne anglaise
sans doute un peu perdus
mais ça, papa ne l'avouera jamais
à chercher l'adresse
de notre location Bed & Breakfast "chez l'habitant".
mon frère roupille profondément
je tente d'en faire autant
mais je me sens encore vaseux
maman se retourne de temps à autre vers nous
elle me sourit
un sourire à la fois tendre, forcé et fatigué
-on est bientôt arrivés ?
maman me répond vaguement oui
jetant un oeil sur la carte routière
puis elle se met à hurler
tire brusquement sur le bras gauche de mon père
en apercevant le poids lourd qui fonce droit
sur nous
-Attention ! Attention !
papa se replace vite fait sur la bonne file
celle de gauche celle de l'Angleterre
sans répondre au klaxon énervé
ni au doigt d'honneur du conducteur d'en face
en toutes circonstances
papa cherche à garder la maîtrise et son calme
maman n'en peut plus
elle commence à craquer à pleurer
-Qu'est-ce qui se passe ?
demande mon frère qui vient de s'éveiller
-Les anglais sont des malpolis
lui répond papa
qui se met à chantonner We all live in a yellow submarine
posant sa main virile sur la cuisse de maman
moi je pense déjà avec angoisse au retour en hydroglisseur






21 déc. 2015

Marlène Tissot & compagnie (avec un texte de Saida)


Au sommaire : Marlène Tissot, Lidia Badal, Samantha Barendson, Isabelle Bonat-Luciani, Séverine Castelant, Hélène Dassavray, Estelle Fenzy, Alexandra Kalyani, Mélanie Leblanc, Mijo, Murièle Mdély, Perrine le Querrec, Jany Pineau & SAIDA !!!!!!!!!!!!!!!!!!

Couverture souple, 108 Pages
Prix : 6,00€ (HT)
Édité par Walter Ruhlmann
Co-édité par Marlène Tissot
Illustration de couverture :
« Broken Doll», photo Marlene Tissot




19 déc. 2015

Les bruits de la nuit ont un petit air de death metal
griffu
bagarre de matous sur le toit
cris de guerre pour un bout
de territoire
l'un des deux finira par se casser
(et peut-être revenir avec plus de stridence dans la gorge)
je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet vide à la poubelle
faut que j'mange quelque chose

Au loin
les bruits de la nuit ont un petit air de punk rock
vintage
sirènes de flics de pompiers d'ambulances
au choix
motos scooters bagnoles qui
défient la vitesse du vent
dans l'avenue
des hurlements de poivrots des tatoués qui se battent
en duel
autour d'un feu de poubelle
et leurs cadavres de bouteilles
des poètes qui tentent d'écrire
en rythme
le fameux meilleur poème de leur collection
avec tout ce qu'il faut de concentration fatiguée
et qui en restera là : au stade de tentative

Les bruits de la nuit ont un petit air de folk
triste
on repense à ce qui s'est dit
entre nous
à ce qui se trame
dans les coulisses du monde
on a en tête une mélodie de Leonard Cohen
qui s'insinue
en plein coeur
on se souvient
qu'on n'a pas fait grand chose de sa vie
qu'on ne fait pas grand cas
des signaux d'alerte
qu'on court après des chimères
qu'on ferait mieux de fermer sa gueule
une bonne fois pour toutes

je jette ma clope dans la cuvette des chiottes
le paquet est le dernier
les bruits de la nuit ont un petit air de fin
du monde
(tout rentrera dans l'ordre au matin faut pas s'en faire)




18 déc. 2015

Vivre s'apprend sur le tas


A chaque jour suffit sa peine
on se contente parfois d'expressions toutes faites
on se contente de ça
en attendant mieux
alors oui, à chaque jour suffit sa peine
(le mieux ne viendra sans doute pas)

Les motifs de satisfaction
alors, là, sont pas légion ceux là
c'est dur pour tout le monde comme ils disent
faut faire avec faut faire sans faut faire
quelques conseils placardés dans un coin du cerveau
maîtriser la respiration
laisser venir les pensées
y compris les sombres pensées oui
les laisser repartir
ainsi chasser l'angoisse
ça marche ? tu crois ça marche ?
ensuite s'esbaubir d'un vol d'un chardonneret
(il n'y pas de chardonneret par ici)
(pas grave, on peut en inventer, ça s'invente un chardonneret)

Les chiffres nous cernent
le prix de ceci
les chaînes télé
la taille de mon sexe en érection au repos
je ressens moins de désir est-ce ma faute ?
la valeur de notre appartement
les dettes du dossier de surendettement
l'âge de nos artères
la radiologue m'a dit que j'avais les artères de l'aorte déjà bouchées
qu'il fallait faire gaffe
ça ne m'inquiète même pas vraiment

Tu peux pas rester comme ça
comme ça rester sans rien faire
tu peux pas tout simplement tu peux pas
tu veux bien m'aider s'il te plait ?
la poésie ta poésie n'y suffit pas bordel de merde
l'amour non plus
(ce qu'il reste entre nous)
"Poste de téléconseiller"
pas dans la vente
le conseil, uniquement le conseil
je sais pas vendre, je n'aime pas vendre
penser à relire les Initiés de Dan Fante
par exemple
et des exemples on en tire des expériences
et ainsi va la vie continue
à couler quelque part
la somme de nos irrémédiables
lacunes
(vivre s'apprend)


17 déc. 2015

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 35)

Je me souviens rarement de mes rêves
mais celui-là revient
parfois
avec la même insistance
je tourne je tourne
toupie
aspirée par un vide
obscur
sans fin sans fond
je tourne je tourne
pris dans une chute
vertigineuse
la chute
n'en finit pas
m'engloutit quelque part
qui me réveille
chaque fois
en
sursaut
&
en
sueur
je me demande ce qui m'arrive
je me demande si quelque chose a changé autour de moi
je n'ose plus me rendormir
la chambre est désespérément silencieuse
je m'assieds sur mon lit
les yeux grands ouverts
jusqu'à ce qu'ils
s'habituent
jusqu'à ce qu'ils
devinent les formes
les contours
les objets
avec davantage de netteté
je me prends pour un chat
prêt à bondir sur une proie
imaginaire
c'est ma façon d'apprivoiser
la peur
&
de prendre ma revanche
sur la nuit.

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 34)

Quand je vais pas bien
que je me sens trop seul
par exemple
je ne me l'explique pas
vraiment
je ne sais pas mettre des mots précis
sur ce que je ressens
&
ce que je ressens prend d'ailleurs différentes
directions
qui ne font qu'accentuer le chaos
intérieur
je ne sais pas à qui en parler
surtout pas à papa ni à maman
surtout pas à mon frère
j'en touche un mot à mon journal intime
qui regorge de questions métaphysiques
que je crois être le seul à me poser
puisque les autres n'en disent rien
ne m'en disent rien
alors c'est mon secret
alors je le cache bien à l'abri des regards
je fais comme si de rien n'était
je prends tout à la rigolade
mais
je sens bien que j'ai un sérieux problème de
concentration
&
de compréhension
le monde m'échappe
les études m'échappent
mon cerveau même m'échappe
avec toutes ces phobies
tous ces tics
toutes ces démonstrations d'impuissance
rien ne se résout tout s'aiguise et se transforme
parfois je n'ai d'autre solution
que de vider les placards
de la cuisine
sucré, salé, tout y passe
dans mon ventre
jusqu'à ce que mes obsessions
soient tournées vers autre chose
de plus concret
&
maman de hurler comme si c'était la fin du monde :
-qui a mangé tous les gâteaux ?
-qui d'entre vous a liquidé les cacahuètes ? C'est pas possible bon dieu, c'est pas possible cette gourmandise !
&
papa de gifler
celui qui finit par avouer son horrible forfait
c'est-à-dire
moi
(et ça, je vais le noter dans mon journal intime).







5 déc. 2015

Un très beau texte de Saida

Dis hamdulillah...

Tous les jours, je dis Hamdullilah,
Le matin le midi le soir chaque instant de ma vie je dis Hamdullilah..
Louange à Dieu.
Merci Dieu. Merci tout le temps même quand je suis triste même quand je suis en colère même quand les temps sont durs même quand j'ai mal.
Allah est grand, il me protège me dit-on,
Je n'en doute pas, j'en suis sûre.

Tout est noué à l'intérieur, tout est confus.

Quand je dois dire Hamdullilah et que ça va pas, y a du ressentiment. Comme si j'avais pas le droit d'avoir des émotions négatives, comme si j'avais pas le droit de pleurer comme si je devais accepter une vie de merde et ravaler mes larmes.
J'ai peur, j'ai peur de brûler dans les flammes de l'enfer si je ne dis pas ce Hamdullilah.
Et puis je pense à cette putain de vie, mon passé
Tous les péchés.
Et je sais très bien que j'irai en Enfer. J'ai pris dès le départ,dès mon enfance un billet aller simple.

Mais l'enfer, je le connais déjà,
Il est là
Dans ma tête, au jour le jour.
Tu n'es pas à plaindre, tu as tout pour être heureuse ma fille.
Dis Hamdullilah, bordel de merde dis Hamdullilah
Tu as un mari aimant, une fille intelligente, tu n'as jamais manqué de rien, tu as eu la chance d'avoir un père une mère des frères et sœurs la chance de faire des études un travail un toit,tu manges à ta faim.
Tu n'es pas à plaindre ma fille.
Moi je n'ai pas eu de mère
Ton papa a vécu la misère.
Nous n'avons pas eu la chance d'aller à l'école pour apprendre à lire et à écrire.
Une vie de malheur pour tous les deux.
Alors pourquoi tu dis pas Hamdullilah?
Pourquoi?
Mais si Maman je le dis, je le dis!!!!
S'il te plaît maman j'ai juste envie de pleurer parfois parce que c'est trop dur. Parce que je vois bien que ma vie c'est que dalle! Dès mon arrivée en France.
Maman je t'en supplies Maman je sais que je suis pas à plaindre. Je le sais y a pire que moi.
Est ce que ça console de savoir que dans le monde, y a des personnes qui n'ont pas de quoi manger, pas de toit pas de mari pas d'enfant?
Est ce que dire Hamdullilah ça voudrait dire que je ferme ma gueule et tout accepter?
Sans broncher?

Mine de rien,
je dis Hamdullilah le matin
le midi le soir tous les jours de l'année
Mais je sais très bien que quand je m'en irai
il ne restera pas grand chose de moi
juste le souvenir d'un nana complètement timbrée.

Hamdullilah, Louange à Dieu
Et je fais juste de mon mieux.
Pour survivre tant bien que mal.
Les larmes coulent en silence, j'étouffe mon mal être ma solitude mon désespoir
Etre face à moi même le jour du jugement dernier
L'enfer je le connais déjà, j'y suis habituée.
Éternellement à vie pour toujours...

Pourquoi moi?
Hamdullilah!

12 nov. 2015

Dans la maison de mon Enfance (Extrait 33, version remaniée)

Ce chemin de poussière
&
de pierres
je le connais par coeur
c'est beaucoup dire
je manque d'y chuter
plusieurs fois
de mon vélo
en rentrant de l'école
je m'en fous nom de dieu
je crâne un peu
en passant devant la maison
d'une belle fille de
ma classe
qui me regarde peut-être à sa fenêtre
y a des champs alentour
&
des terrains à l'abandon
y a aussi quelques maisons comme la nôtre
plus grandes que la nôtre
papa et maman n'en sont pas jaloux
à ce qu'il paraît
papa dit même que ces gens-là sont pas comme nous
moi j'en sais rien nom de dieu je m'en fous
c'est quelque chose que je répète souvent
et maman n'aime pas ça 
quand on parle de dieu de cette façon
je salue les voisins
politesse bien apprise
ils prennent le thé
ils prennent le temps
à leur terrasse
un vieux couple avec un chien hargneux
qui m'aboie dessus
comme un fou
je pédale
je pédale
un peu plus loin j'arrive à
la barrière blanche c'est chez nous
une barrière en plastique
facile à enjamber
on le fait souvent mon frère
&
moi
quand on s'ennuie à l'intérieur
maman sourit
maman m'attend
maman demande si ça s'est bien passé
les notes
l'école
tout ça
toujours les mêmes questions
je la connais par coeur
mais je dis rien nom de dieu je m'en fous
c'est beaucoup dire ça peut mal se passer




9 nov. 2015

Retour de visite de quelques blogs

Le terrible – Le langage et nos sens couvrent Dieu comme la peau nous épargne la vue de nos tripes, sont le voile jeté sur le terrible.

Stéphane Bernard - Extrait de Notes et contres-notes : ici

***

Marlène Tissot - Mot barré #25

***

10-05-3000 – La Vierge Marie, icône de la religion catholique, apparaît de nouveau à Lourdes après plus de mille ans. Elle effectue un strip-tease devant dix-huit pèlerins – dont trois aveugles – et disparaît sans laisser le moindre message.

Eric Dejaeger - Extrait de Fin du IIIe millénaire (27) ici

8 nov. 2015

Bataille d'aphorismes (Eric Dejaeger, Paul Guiot, André Stas & Jean-Philippe Querton) à la boutique Maelström 31-10-2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 32)

Je
m'accroupis
dans
l'herbe
humide
du jardin en
pente
pour
voir de plus près
les escargots
les vers de terre
&
les limaces
maman me
demande de
ne pas y toucher
parce que c'est dégoûtant
mais quand
elle a le dos
tourné
je pose
mes doigts
&
le nez presque
dessus
car moi
voyez-vous
je n'ai pas
d'animal de
compagnie


Présentation des Éditions « LE PÉDALO IVRE » (7ème partie) (Thierry Radière & Simon Allonneau)

Dans la maison de mon enfance (Extrait 31)

Chaque fois qu'il pleuvait fort
le garage en pente était inondé
on enfilait des bottes
de pêcheur
qui ne servaient jamais le reste du temps
on se mettait tous ensemble
à évacuer l'eau
avec des balais des serpillières et des seaux
maman à bout de nerfs
répétait qu'elle en avait marre
de cette maison
moi j'aimais bien cet effort physique
qui donnait l'impression
d'être utile
à autre chose
Chaque fois qu'il pleuvait fort
les cartons mouillés dans le garage
sentaient le rance
et on recommençait
à éponger
parfois c'était en pleine nuit
-on fait comme les Shadoks souriait papa
qui nous expliquait à mon frère et moi
qui étaient les Shadoks
ensuite on buvait une boisson chaude
Je crois bien que
l'imminence des catastrophes
devenait un souhait que je n'osais
bien sûr pas exprimer clairement.
Une fois seul dans ma chambre
je retrouvais mes peurs
la nuit quand le vent
sifflait entre les volets
la mélopée des solitudes
le retour des vieux fantômes
vengeurs
&
mes prières n'y changeaient rien
parfois j'en voulais à ce dieu et ça n'y rien changeait rien non plus




7 nov. 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 30)

Les amis de papa et maman
quand ils viennent chez nous ils
me demandent ce que je veux faire plus tard
ils ne sont pas les seuls
papy et mamy me posent la même question
pépé et mémé pareil
et d'autres gens dans notre entourage
et d'autres gens que je connais à peine
mais qu'est-ce-qu'ils ont tous à vouloir savoir ?
et chaque fois je réponds la même chose
ça les fait bien sourire
moi je comprends pas qu'ils sourient comme ça
peut-être que j'ai dit une bêtise ?
parce qu'on dirait qu'ils ne me prennent pas au sérieux
parce qu'on dirait qu'ils se moquent de moi
je leur souris aussi quand même pour faire plaisir
surtout pour ne pas m'énerver
et là
papa et maman d'un commun accord
concluent d'un "ça va lui passer"
ferme et définitif
qui me fait presque froid dans le dos
et puis tous parlent des études, de réussite, d'un vrai métier
et puis tous parlent d'autre chose
et puis tout le monde oublie que j'existe
je n'écoute déjà plus
que cette phrase en boucle dans ma tête
et si ça ne me passait pas ?
et si ça ne me passait pas hein ?




5 nov. 2015

Microbe #92

Au sommaire : Astrid Waliszek - Sophie G.Lucas - Samantha Barendson - Hafida Ait-Yahya -           Antonella Fiori - Gregory Salako - François-Xavier Farine - Lidia Badal - Perrine Le Querrec - Robert Serrano - Stéphane Bernard - Massimo Bortolini - Yves Artufel - Isabelle Bonat-Luciani - Benoît Jeantet - Hervé Bougel.
3 Illustrations/collages :  Jany Pineau.

Merci à mon pote Eric de m'avoir laissé piloter ce numéro de Novembre !

En plus du numéro "classique", un Mi(ni)crobes signé du truculent Marc Bonetto !

(Photo Paul Guiot)

4 nov. 2015

Quelques aphorismes, Erasme !

-Vertige de la grossesse
Elle est tombée enceinte de plus de dix mètres & n'a pas survécu.

-Qu'en savons-nous ?
Si l'origine du monde est une chatte poilue, qu'est-ce-que sera la fin ?

-Ce que ne savent pas faire les politiciens
Prêter serment & le rendre intact.

-Insidieuse, elle
La folie nous guette : elle attend juste le bon moment pour nous sauter dessus.

-Confidence
Je prends mon mâle en patience, me dit-elle, mais je n'attends plus rien de lui.

-Sont-ils fiables ?
Tu parles à tort et à travers : les connais-tu au moins ces deux-là ?

-Logique
Comment joindre les deux bouts en restant assis ?

-Transfusion
Je bois beaucoup de cafés noirs ; un jour mon sang ne sera plus qu'un lointain souvenir.

-Question d'équilibre
Vaut-il mieux se pencher sur son passé ou tomber à la renverse ?

-L'étrange est là
La réalité nous échappe, me dis-je, en me regardant dans le miroir.

-Les OGM & nous
Mon sentiment ? Monsanto ment !

-Simple recette
Un éditeur : un nez d'auteurs.

(Extraits d'un truc en cours...)

Chanson de la solitude matinale

Rideau tiré
ciel sombre
pluie fine
j'accorde ma solitude matinale

Je devrais me frotter au monde
&
me battre
d'une manière ou d'une autre
j'accorde ma solitude matinale

Nous ne savons plus comment
résoudre
ce qui cloche entre nous
engueulades, reproches, discours
rien n'y fait
à moins que cela se joue en sourdine

S'adapter
toujours s'adapter
mieux s'adapter
reprendre forme
ou fuir
j'accorde ma solitude matinale

Désir
le manque
les manques
absence
j'accorde ma solitude matinale

Nous ne savons plus s'il est
nécessaire
d'y remédier
s'il n'est déjà pas trop tard
s'il est seulement possible d'y remédier
avec des hypothèses et la bouteille tu sais

J'écris
l'avenir en pointillés
J'écris
ce présent déchiré
j'accorde ma solitude matinale


3 nov. 2015

Certitudes en escalier

Tu te construis des certitudes en escalier

Tu remontes le temps
marche après marche
phrase après phrase

Ça te donne le vertige

Tu ne prétends plus
mieux cerner
tes alentours
&
tes déchets

Tu laisses ça à d'autres

Il en faut du temps pour dépoussiérer
ce qui encombre
de l'intérieur

Et puis

L'enfance, ce mollusque agrippé
à des parois séculaires
te glisse entre chaque souvenir

Tu te construis sur fil placé
entre deux immeubles
laids
mais habités de
quelques créatures qui te semblent
vivantes

Et tu t'en tiendras là.






Port O'Brien - Fisherman's Son

Grisaille & autres petites considérations

Grisaille
un peu partout
appréciation purement subjective

mes phobies traînent des pieds
le moucheron est coincé là
lui aussi

elle dit que je suis presque aussi
malade qu'elle
en plaisantant

elle insiste sur le presque
énumère toutes
mes phobies
on se connaît depuis tellement d'années
comme

le paysage en face
destiné à ne jamais
varier d'un pouce
appréciation purement subjective

tout paysage change
s'abîme
se meurt
se renouvelle
prendre en considération l"argent la politique

je ferais mieux de ne rien dire
je pense une chose et son
contraire
avec la même intensité la même sincérité

je pense que c'est une hauteur de vue
mais non c'est un doute
sur les choses
sur moi-même
je ne parviens pas à décider
de ce qui est, de ce qui n'est pas

à la fenêtre je côtoie
un moucheron
qui n'a pas peur de moi
il est hypnotisé par le dehors

la vie intérieure d'un moucheron
ne doit pas être moins étouffante
que cette sorte de solitude abrasive
qui serait la confirmation

que j'existe pour ne jamais en jouir pleinement.




2 nov. 2015

Quelques impressions par brouillard

On pourrait bien sûr se projeter vers l'avenir
mais je crois que cette image
se confondrait avec celle d'un écran noir
plongé dans le silence
quand tous les spectateurs sont partis.

**

Épais brouillard
froid vif
la rue presque déserte
là haut c'est le 3è étage
de notre appartement
&
nous deux dans le prolongement d'un hiver
ou d'une saison un peu perdue
&;
nos habitudes qui se chamaillent
pour un oui, pour un non.

**

Je ne suis pas allé au terme de mon contrat
j'en avais marre
c'est un luxe de pouvoir s'en tirer comme ça me dit-tu
tu as peut-être raison
je ne sais pas
j'ai l'impression de revenir des années en arrière
quand je n'allais jamais au bout des choses
&
dire que rien n'aurait vraiment changé alors...

**

Je mène une double vie : celle du réel et celle que je m'invente.

**

Un couple fusionnel nécessite une bonne digestion.
Après des années de cannibalisme de l'un envers l'autre.

**

Les gens qui passent sous la fenêtre
ont leur propre rythme, leur propre digestion.
Je me trompe sans doute
car je ne les imagine pas
vivant la même chose que nous.
Après tout, à quelques détails près.
Oui, mais ce sont ces détails justement.
c'est possible.
Quoiqu'il en soit c'est une idée en l'air.
Je garde mes distances avec le monde.
Et avec toi, désormais.

**

Il y en a dont le métier est de toiletter les défunts.
à ma mort, merci de me laisser tel quel : avec ma crasse et ma sueur.
je n'ai nulle envie de faire le beau sous terre.








Catherine ribeiro + Alpes (Jusqu'à ce que la force de t'aimer me manque)

My Rifle, My Pony, and Me (Dean Martin & Ricky Nelson dans Rio Bravo)

Présentation des Éditions « LE PÉDALO IVRE » (6ème partie)

Perrin Langda & compagnie

Le recueil est sorti le mois dernier.
Piloté avec classe par Perrin Langda, via l'éditeur Walter Ruhlmann (Mauvaise Graine).

Au sommaireBrice Haziza, Christophe Bregaint, Stéphane Poirier, Mike Kasprzak, Heptanes Fraxion, Morgan Riet, Emmanuel Campo, Thierry Roquet & Perrin Langda.



5€ + 3€ de port
64 pages au format 14,8 x 21 cm
A commander sur lulu.com

15 juil. 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 29)

Lettre à mon papy

"Cher papy,
j'espère que tu vas mieux depuis
que tu as attrapé l'infractus
du coeur
c'est un mot bizarre infractus pour une maladie
je pense à toi souvent.
et à mamy aussi bien sûr
de mon côté ça va
puisque je ramène de bonnes notes à l'école
ce qui fait plaisir
à papa et à maman
et à moi aussi bien sûr
au fait maman m'a dit
que tu avais écrit un journal intime
pendant la guerre
j'aimerais bien le lire un jour quand
je serai plus grand
moi aussi j'écris un journal intime
je te le ferai lire si tu veux
au fait papa a acheté
plusieurs gros livres
sur la vie des français pendant l'occupation
je ne les ai pas encore lus
je ne lis pas beaucoup sauf les aventures de Michel le gardian
et Onze et Mondial et Gaston Lagaffe
mais j'ai regardé les photos en noir et blanc
donc j'ai pensé à toi
et à mamy aussi bien sûr
maman m'a dit que tu avais été prisonnier
pendant la guerre
mais elle n'a pas voulu m'en dire plus
alors j'espère que quand tu iras mieux
tu me raconteras tout ça
d'accord ?
je t'embrasse fort
et mamy aussi bien sûr
je vous dit à bientot".


Poésie Nomade en Luberon (17 au 19 Juillet 2015)

Organisé par Antoine Gallardo, dit Antoine le Boucher, ce festival de poésie est un acte de résistance face à l'acharnement des pouvoirs publics à réduire les subventions pour ce genre de manifestations !

Le samedi 18, je lirai avec Marlène Tissot & Brigitte Baumié.
Le dimanche 19, je lirai avec Hélène Dassavray.

Il y a aussi des apéros poétiques, animés par Fred Houdaer & Emmanuel Campo.
Avec vins bio et bières bio !

Et d'autres auteurs/musiciens/plasticiens seront présents : Armand le Poète/Patrick Dubost, Yves Artufel, Jean Azarel, Melchior Liboa, Nat'Yot, Julien Blaine, Uto...

Et des anonymes, des spectateurs, des curieux, des clochards, des promeneurs, des vacanciers, des chômeurs, etc.

Et ma squaw Saida ! Qui lira aussi, ah oui !
Et peut-être aussi Catherine (la frangine de ma copine Hélène) !

Voici l'affiche :








12 juil. 2015

7 trucs à te dire à l'oreille

levé encore trois fois dans la nuit
je ne me suis toujours pas
transformé en loup-garou

***

plein de courbatures ce matin
après l'intense effort physique de la veille
j'ai porté 76 kilos de poèmes aux encombrants

***

revenu de tout
il n'est parti nulle part
depuis un bon moment
il se contente de sortir
sa tête de la fenêtre
quelques minutes par jour
c'est amplement suffisant pour se faire une idée du monde en marche dit-il

***

certains soirs
j'écoute les infos en boucle à la télé
je pense à Bill Murray dans
Groudhog Day

***

1-une bière bien fraîche
2-un moment de tendresse à deux
3-des fous rires et des private jokes
tiercé gagnant du jour

***

j'observe l'avenue pour la dix millième fois
au moins
il ne s'y passe pas grand chose à vrai dire
ce qui est assez
rassurant
en fin de compte

***

ça fait un bon moment
que je n'ai plus ressenti de coup
de déprime
et ça m'inquiète un peu










12 juin 2015

Dédicaces au Marché de la Poésie


Place St-Sulpice (Paris), ce vendredi 12 Juin (14h-15h) sur le Stand du Pédalo Ivre :


3 juin 2015

A la Médiathèque du Nord !

Ce vendredi 05 juin, on viendra voir Greg & Simon, les deux jeunots du Pédalo Ivre, pour une lecture pleine de peps.
Tout ceci organisé avec maestria par François-Xavier Farine.








tous ceux que j'aime... (de Thierry Radière)

tous ceux que j’aime sont là
et je voudrais tellement être autrement
avec eux plus présent plus assis
moins sur le qui-vive des crépuscules
à rabâcher constamment des reproches
sur mon compte à propos de je ne sais
quoi d’impalpable et qui me démange
depuis que j’existe à rebours
nous échangeons des paroles des rires
des idées des soupirs que je trouve beaux
sans jamais le dire que bien plus tard
à l’aurore sur une terrasse couverte de glycine
quand ils sont partis et que le téléphone
est coupé tous les deux nous nous parlons
de ce qui fait les jours heureux
recouchés l’un contre l’autre
sans nous en apercevoir au lit

1 juin 2015

Une femme à gros seins qui court un marathon (d'Eric Dejaeger)

Lors d'une précédente note de lecture (Avril 2014), j'avais dit du recueil Ouvrez le gaz 30 minutes avant de craquer l'allumette qu'il était jouissif.
Histoire de changer d'adjectif, disons que Une femme à gros seins qui court un marathon d'Éric Dejaeger est absolument délicieux !
Les deux recueils, parus chez Gros Textes la même année, forment d'ailleurs une sorte de bilogie, le second pouvant servir d'écho (ou de complément instrumental) au premier.

Une femme à gros seins qui court un marathon
Le titre, déjà !
Sonne comme du Bukowski.
Mais ça n'a finalement pas grand-chose à voir avec le poivrot américain.
Hormis peut-être la liberté de ton, le langage "familier", l'impression de naturel qui s'en dégage.

Une femme à gros seins qui court un marathon
C'est d'un amateur éclairé de Chimay bleue, fin gourmet de la langue, vivant dans une sorte de Montana belge.
Ce recueil est à l'image du chevelu bien barbu (pour celles et ceux qui le connaissent) : droit dans ses bottes, chaleureux, finaud, drôle avec ce sens de l'observation, du détail qui font mouche, de la chute qui fait rein, sans oublier quelques piques dûment lancées à la face de ceux qui le méritent (riches capitalistes repus, curés et religions, geeks des réseaux sociaux, des modes vestimentaires douteuses, ceusses et ceusselles qui se plaignent à tout bout de champ) !
Ô lecteur parfois aussi interpellé dans ton trop grand confort.

C'est aussi pour ça qu'on aime tant les recueils d'Éric Dejaeger.
En tout cas celui-ci et quelques autres du même acabit.
En le lisant, on a envie de faire pote avec Éric, de boire un godet, deux godets, trois godets, de deviser, de se marrer, d'ironiser, de fumer clopes ou cigarillos, de marcher quelques pas dans la campagne en sa compagnie, d'observer la Lune faire un grrros bisou à la Terre.



Le recueil s'ouvre sur un absurde cruel autant que jubilatoire, avec cette maison au bord du néant.
Puis Eric invente des mots. Pour la bonne cause. Bannir les anglicismes. Pour que ce soit plus rythmé, plus vivant, plus marrant.
Puis le poème qui donne le titre au recueil. Excellentissime !
Puis les thèmes récurrents : la campagne, la nature, les animaux (plus sauvages que domestiques), les femmes, des souvenirs de voyage (Irlande, Hanovre), le bon vieux rock (Patty Smith, Velours Souterrain de Lou Reed, the Pogues...), les cimetières dans son jardin.
Puis "Le mot jaste" pour se consoler de n'écrire pas à la perfection (je parle pour moi, of course).
Et la double petite bio finale.
On ne saurait passer sous silence la sensibilité d'Éric, qui affleure par petites touches. Entre pudeur et discrétion. Pour Molly d'Irlande, par exemple.
Le "je" n'est jamais trop mis en avant. On ne sait d'ailleurs trop si ce "je" invente sa vie, nous la raconte telle quelle, s'en détache, s'en moque… et peu importe.

Au final, on pourrait presque considérer ce recueil comme un manuel de sagesse ou comment survivre en mode flegme so british et zen dans une modernité tarabiscotée (sans biscottos).
Moi j'en ai fait mon livre de chevet actuel.
Un délicieux patchwork d’une soixantaine de pages.
M'est avis qu'il s'agit-là d'un des recueils les plus aboutis d'Éric Dejaeger. En terme d'équilibre et de dosage.

Pour l'occasion, Éric a fait les choses en famille, entouré de ses deux filles : Sarah à la 1ère de couv' et Fanny pour la 4è de couv'.

On peut commander le recueil (8 euros) sur le site des Editions Gros Textes : https://sites.google.com/site/grostextes/publications-2014/dejaeger-eric-2



Le poids du monde (de Marlène Tissot)


Dense, noire, sensible, élégante, "Le poids du monde" de Marlène Tissot, nouvelle de 20 pages parue l'an dernier aux Editions Lunatiques, nous raconte la dérive psychologique d'un homme qui ne parvient plus, malgré l'amour des siens - de sa femme et de ses deux enfants - à s'insérer ni dans la société ni dans la vie tout simplement.
La seule charité, la seule compréhension qu'il trouve l'espace d'un jour se trouve chez les forains.

Chômage, dettes, huissiers finissent par avoir raison de lui.
A trop porter ainsi le poids du monde, il s'imagine, pris dans l'implacable logique qui l'entraîne vers le fond, qu'un sacrifice (le sien) est nécessaire pour permettre à sa femme Lili et à leurs deux jeunes enfants de tout reprendre à zéro.
Il y a du David Goodis dans l'atmosphère du récit.
Anti-héros sans espoir.
Il y a surtout du Marlène Tissot qui trace sa route de poétesse, de romancière, de nouvelliste.



Le destin, même s'il n'est pas écrit avec certitude, semble impossible à surmonter. Quoiqu'il fasse, le narrateur ne peut que s'enfoncer davantage. Malgré la lumière, malgré la force de résistance de Lili, malgré son amour pour elle. La force du sombre est plus tenace encore.
On suit donc les méandres de cet anti-héros, entre monologues intérieurs et parties dialoguées, entre la honte, le mépris des autres, le sentiment de n'être jamais à la hauteur, de n'être à sa place nulle part. Pas même auprès des siens.

Ce personnage est un anonyme parmi tant d'autres ; ça pourrait être vous, ça pourrait être moi, et on pourrait forcément se reconnaître en lui, en tout cas sur de nombreux aspects…
Le désespoir n'a pas de nom, pas de prénom.
Il est juste porté par la lumineuse subtilité de l'écriture de Marlène Tissot.

On peut commander le recueil (4 euros) sur le site des Editions Lunatiques : http://www.editions-lunatique.com/#!le-poids-du-monde/c20pf



21 mai 2015

5 pensées qui forment une main

le soir venu
à la lumière d'une lampe de chevet
j'écris
méthodiquement
le déroulement de la journée
un peu
comme le ferait un flic zélé
sur un procès-verbal
je relis mes notes
avec la sensation
du devoir accompli
rien de plus

***

je me suis levé
ce matin avec
la gaule
mais impossible de la relier
à un rêve érotique
je n'ai déjà plus aucun
souvenir
plus aucune image
de ce qui m'a mis dans cet
état-là
si ça se trouve ce n'était d'ailleurs pas 
un rêve érotique

***

les insomnies se
sont ancrées en nos nuits
devenues
sol lunaire fissuré
de trous noirs
addition de fatigues
quand on cherche parfois
à en comprendre
la raison
on abandonne bien vite
on finit par considérer
que c'est depuis notre
nouvelle normalité

***

les jours (plus ou moins) tranquilles
succèdent
aux jours (plus ou moins) tranquilles
selon
un agencement qui ne dévie (presque jamais)
de sa trajectoire initiale
selon
un vol plané du temps
pour adoucir (au mieux) les récurrences

***

on prend rarement la mesure
de ce qui nous menace
préférant
polir repolir chacun des faux espoirs
jusqu'à l'exténuation
de toute issue de secours

***











(tu ne peux pas nommer) (de Murièle Modély)

tu ne peux pas nommer                    tu n’as jamais pu
ce que tu éprouves ~
pour l'homme
à tes côtés

à chaque fois que son regard           le regard
se pose ^
sur une partie
de ton corps

n’importe laquelle tu sens               tu as toujours senti
dans un
repli >
de chair <

tu ne sais comment dire                 ton corps
le sentiment qui rampe - -
dans ta poitrine
le haut-le-cœur °

son corps                                         tu n’as jamais su
plié en quatre
à chaque
)) inspiration (( expiration

la peau qui se dilate
au creux () de tes poumons ( )

20 mai 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 28)

maman n'aime pas faire
la cuisine
elle dit qu'elle a trop de travail le reste du temps
sauf le dimanche

où l'on mange autre chose que
des conserves
de raviolis
et
des yaourts nature
au goût amer

ensuite
on joue au Monopoly ou
aux Mille Bornes
tous les quatre

puis
dans le terrain vague d'en face
mon frère et moi
lançons des pierres
le plus loin possible

parfois on croise
une couleuvre
qu'on prend pour une vipère
on détale à toutes jambes
en hurlant

papa tond la pelouse
coupe les mauvaises herbes
et nous demande ce qui se passe

j'aime l'odeur de l'herbe fraîchement coupée
j'aime la répétition de l'ennui
j'aime finalement ces gestes familiers qui ne
sortent pas de l'ornière

et pour mettre un peu plus d'animation
mon frère et moi
finissons par nous battre
ce qui a le don de mettre maman dans tous ses états
et l'un des deux finit par
chialer
plus
fort que l'autre

on donne le change à un moment (j'ai un caractère bizarre)

c'est pas que je sois vraiment timide
disons que je parviens à surmonter
l'obstacle
pour rester sociable
on donne le change comme on peut
mais j'ai jamais grand-chose à dire
d'intéressant de
profond de durable parce que j'imagine qu'il faut dire
quelque chose dans cette veine-là pour s'intégrer
alors je déconne je fais le con
l'intéressant qui n'intéresse pas bien
longtemps parce que ça s'use
très vite les blagues à deux balles l'ironie le foutage de gueule
on veut autre chose tu comprends du sérieux alors
je me renferme
je m'isole
je me tais subitement je donne
l'impression de tirer la tronche
peut-être d'en vouloir au monde entier
peut-être même d'être un mec vraiment trop bizarre
aux humeurs lunatiques
et c'est ensuite un peu comme si je
ne connaissais plus
grand monde autour de moi
et c'est à partir de là en fait que
je me sens le mieux dans mon élément
vraiment

15 mai 2015

Perdu pour perdu (Jérôme Leroy)

Quand le grand Jérôme me dédie un poème, bigre, j'en suis pas peu fier ! ;-)


Perdu pour perdu (Jérôme Leroy, Mai 2015)

à Thierry Roquet, cow-boy de Malakoff

Je ne demandais pas grand chose
des espadrilles
des pantalons en toile
des chemises en lin
Je ne demandais pas grand chose
de l’ombre
des citronniers
des chapeaux de paille
Je ne demandais pas grand chose
une petite maison
un transat devant
un bout d’Egée au loin
Je ne demandais pas grand chose
des livres de poésie
du temps devant moi
de la bière fraiche
Je ne demandais pas grand chose
du poisson grillé
des sommeils ailés
des semaines sans parler
Et si je l’avais eu
ce pas grand chose
je n’aurais pas trahi
je n’aurais pas menti
je n’aurais pas senti
ma peau s’en aller
mes nuits se trouer
mes matins s’étrangler
Je ne demandais pas grand chose
Il faut croire que c’était trop
Du coup mettez vous bien
dans la tête que
perdu pour perdu
Je
n’ai
pas
l’in
ten
tion
de
vous
faire
grâce
de
quoi
que
ce
soit.



Le blog de Jérôme Leroy : http://feusurlequartiergeneral.blogspot.fr/







Quelques vidéos de lecture du 1er Mai à la Bastidonne

Vidéos filmées par Jean-Marc Luquet, sous le clapotis incessant et doux de la pluie.

D'abord Hélène D. :


Puis Fred H :


14 mai 2015

People are strange

il s'est installé
dans la dernière cabine
téléphonique de la ville
c'est là qu'il vit
désormais
il veut être le premier à
décrocher
quand ça sonnera de nouveau
et
ça finira bien par sonner
un jour ou l'autre

***

il cherche un emploi
pas n'importe lequel
mais
il ne sait plus
où il l'a mis

***

aujourd'hui
je leur ai dit quelques gentillesses
j'ai remercié poliment au téléphone
j'ai souri à quelques personnes
je leur ai demandé comment ils allaient bien j'espère
j'ai fait quelques simagrées
j'ai souvent regardé l'heure
j'ai signé la feuille de présence
j'ai enfilé ma veste
déchirée
&
j'ai avalé un steak haché
c'était une belle journée

***

le voilà qui vient
ce petit vieux
bedonnant
portant lunettes et chemise blanche
traversant l'open space
sans un mot pour nous
sans un regard
il parait que c'est le patron de l'entreprise
on nous a demandé de nous tenir à carreau
le temps de sa visite
décidément je ne m'y ferais jamais
&
je déteste toujours autant
ces petits vieux
bedonnants
portant lunettes et chemise blanche
qui snobent le petit personnel

***

le soleil brille
toujours aussi fort
et pourtant
jamais
il n'a été nettoyé
encore une bizarrerie de la nature









12 mai 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 27)

Pendaison de crémaillère

C'est une maison
qui a failli ne jamais
voir le jour
l'entreprise de construction
a fait faillite
au début des travaux
et maman a souvent pleuré à cette époque
surtout quand on passait voir
chaque dimanche
ces murs inachevés comme
fantomatiques
sans charpente
qui prenaient l'eau
la boue
le vent
et moi
quand je vois quelqu'un pleurer
je pleure aussi
maman dit que je tiens ça d'elle
maman dit aussi qu'elle tient ça de sa propre mère
alors elle me consolait gentiment
me serrant fort contre sa poitrine
généreuse
mais papa
lui
il ne lâche jamais rien
parce que papa
lui
il a connu une enfance difficile
je l'ai su des années plus tard
il sait bien
que rien ne vient jamais sans effort
il nous le répète souvent
il sait bien
qu'il ne faut pas céder
au découragement
qu'il y a une solution à tout
même à la mort, nous disait-il, un jour vous verrez
(il aurait voulu être médecin)
deux ans plus tard
on a enfin pendu
la crémaillère
j'ignore où elle a été accrochée
on a un jardin en pente
&
la campagne alentour

Quelques songeries bien crétines !

je songe à
quitter la ville
sur la pointe des pieds
sait-on jamais ce qu'un monstre éveillé peut faire

***

en ce moment
j'aimerais quelque chose de précis
avoir
une bière bien fraîche à portée de main
je serais
près de toi
à moitié somnolant dans un hamac
entre deux arbres au milieu du jardin
si nous avions deux arbres
si nous avions un jardin
les insectes n'y feraient même pas attention
préférant butiner les fleurs
&
nos pensées s'en iraient
valser
au moindre souffle du vent
elles ne reviendraient pas
nous laissant au silence
intérieur
paisible
de nos mains jointes
elles ne reviendraient que 
si la naissance d'un poème les y obligeait bien sûr

***

j'ai reçu mon planning du mois de mai
les horaires me conviennent
mais je vais gagner peu
mais les horaires me conviennent
mais je vais gagner peu
mais les horaires me conviennent
mais je vais gagner peu
etc
etc
etc
pas évident de vivre en vision binaire hein

***

je songe à
faire le tour du monde
avec un sac à dos
et une kalachnikov pour certains pays

***

la journaliste à la télé
beugle
son savoir
elle parle de véranda, de surface habitable, de tarifs et d'impôts fonciers
son collègue
journaliste
la contredit
parfois
en parlant plus fort qu'elle
pendant ce temps
moi
je tente d'écrire un poème potable
qui ne parlerait pas
de véranda, de surface habitable, de tarifs ni d'impôts fonciers

***

au milieu du trottoir
une belle crotte de clébard
c'est le mont Canigou
de chez nous

***

je songe à
la procrastination
qui dure
beaucoup plus longtemps que Duracell









11 mai 2015

Extrospection (de Marlène Tissot)

Elle se regarde de l’extérieur
ses mains qui tremblent
la folie posée là
comme un objet trouvé
un objet tombé
d’on ne sait où
dans les sillons de sa peau
et son propriétaire viendra
peut-être bientôt
le réclamer
elle se regarde et voit
cette folie
et se dit
ce n’est pas moi
ce n’est pas à moi tout ça
ce fatras distordu de pensées
elle se dit
non
je ne suis pas folle
si je l’étais
je le sentirais ce grand désordre
ce grand n’importe quoi
et
elle ne sent rien
elle entend parfois
des voix qui ne sont pas la sienne
des voix qui parlent à l’intérieur d’elle
comme une radio
et dans ces moments-là
elle quitte sa peau
en attendant que le silence revienne
elle s’assoit et
elle se regarde de l’extérieur

8 mai 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 26)

Tocs tocs tocs !

ils sont apparus d'un coup
mais je n'en suis pas sûr à vrai dire
peut-être sont-ils venus
par étapes
sans que je m'en rende bien compte
en tout cas ils sont là
bien là à
me faire répéter d'étranges rituels
maniaques
mon bureau est bien rangé
rien ne dépasse
mes tiroirs sont bien rangés
rien ne dépasse
mes livres sont bien rangés
et si quelqu'un en déplace un d'un seul centimètre je le saurais
ça je ne le supporte vraiment pas
sans doute ai-je intégré les ordres familiaux
avec une soumission
mêlée de zèle et de crainte
je vérifie même plusieurs fois de suite
que le tiroir de gauche est fermé jusqu'au fond
que le tiroir de droite est fermé jusqu'au fond
que le stylo bleu est à sa place
qu'il se tient droit
dans son encrier près du stylo rouge tout aussi à la verticale
que cette feuille de papier
est alignée exactement sur celle d'en dessous
puis je regarde une dernière fois
que tout est en ordre
qu'il n'y a rien sous mon lit
avant de refermer la porte de ma chambre
et de la rouvrir aussitôt
pris d'un doute infernal
qui ne me quitte pas en descendant les escaliers
et mes parents impatients me demandent alors :
-Qu'est-ce-que tu faisais, nom d'un chien ! ça fait dix minutes qu'on t'attend pour partir ?



7 mai 2015

quelques feuilles mortes, par un matin ensoleillé

debout dans le bus
mes yeux ont jeté leur dévolu
sur un vieux
replié sur lui-même
qui scrute le sol
pour échapper sans doute au
décolleté
plongeant
de celle qui lui fait face
elle a vraiment d'énormes nichons

***

après une semaine d'absence
certains collègues me demandent où j'étais passé
je leur réponds assez fièrement que
j'ai fait des lectures
mais pas plus impressionnés que ça
ils veulent simplement savoir si
j'ai eu du beau temps au moins

***

je n'ai pas écouté les infos ce soir
je ne sais pas s'il y a eu des morts
je ne sais pas s'il y a eu des survivants
je suppose que l'état du monde a encore empiré
un peu comme ce chicot qui noircit chaque jour un peu plus

***

j'ai fait deux questionnaires
dont un de près de deux heures
avec une femme d'une cinquantaine d'années
violée
à l'âge de 15 ans
puis
humiliée pendant des années
par un conjoint devenu ex
ils ont eu deux enfants
elle me dit qu'il s'en est fallu de peu finalement
qu'elle soit comme ces patients
qu'elle côtoie chaque jour
à l’hôpital psychiatrique
en tant qu'employée
-je m'en suis plutôt bien sortie, vous savez
et moi
j'ai fait deux questionnaires
c'est plutôt un bon quota

***

oui
on peut sans problème
passer à la douane
avec des mots-valise
et plusieurs cartouches de clopes à l'intérieur

***

non
les cœurs d’artichaut
ne poussent pas
dans le potager
de la clinique
vous pouvez sécher vos larmes et sortir la tête de vos mains

***

oui
un tremblement de taire
peut provoquer
des failles de langage

***

non
l’hôpital ne se fout pas
de la charité
les subventions sont largement insuffisantes

***

oui
les malades peuvent
se cogner
la tête contre les murs
de toute façon
les murs
ne tiennent plus vraiment en place
ils sont sous calmants eux aussi

***

non
la guerre n'aura pas lieu
et dans quel lieu
c'est difficile à
dire
précisément
elle est un peu partout

***

oui
le spectacle de la vie
est gratuit
on paie parfois assez cher
pour le savoir

***

non
l'au-delà n'existe pas
ou alors s'il existe
il est encore au-delà

***

debout dans le bus
mes yeux ont finalement jeté leur dévolu
sur cette jeune femme au
décolleté
plongeant
elle a vraiment d'énormes nichons
le vieux
replié sur lui-même
n'est qu'un mauvais prétexte
comme un autre










3 mai 2015

C'était jeudi, c'était vendredi, c'était super

Une double lecture, un duo, un peu de stress & pas mal de fatigue, mais surtout un accueil très chaleureux, des rencontres amicales, des moments forts, des rires.

D'abord ici, au Lycée de Grenoble (Merci à Perrin L. & sa compagne) :


Puis, là (Merci à Hélène D.) :


On a pu croiser, outre Perrin & Hélène, des poètes de 1er plan comme Marlène T., Fred H., Antoine G., Bernard D., Jean Az. et d'autres... sans oublier Coloc Bingo... sans oublier un lapinou, un chat nommé John Pantoufle, sans oublier un petit verre chez Thomas V & Emilie A..

Ça fait des tas de souvenirs pour quand on sera vieux.









21 avr. 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 25)

On parle de choses et d'autres, à la surface
On parle de la terrible sécheresse
de la victoire de Lucien Van Impe
dans les Alpes
on parle de l'Amoco Cadiz
et du possible
déménagement qui se profile
à l'horizon dans une grande ville
inconnue
on parle de ma grande sensibilité
on me demande de ne pas en avoir peur
on parle de mes études
de mes capacités de ma mémoire puisque
je sais déjà plein de choses
par exemple
je connais par cœur mes
tables de multiplication
je peux réciter un
poème de René-Guy Cadou
en y mettant le ton
&
je retiens le nom de tous
les joueurs de l'équipe de foot
qui vient d'être championne de France
devant St Etienne
&
de toute façon
j'ai horreur de me tromper
&
quand on joue à des jeux
de société
j'ai viscéralement horreur de perdre

20 avr. 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 24)

Les truites multicolores
La minuscule
rivière
serpente
en contrebas
du jardin
sous d'immenses arbres
ils m'apparaissent immenses en tout cas
papa prétend qu'il y a parfois
des truites multicolores
qui descendent le courant jusqu'à
l'Erdre
quand il fait trop chaud
je m'amuse à l'enjamber à
sauter d'un bord à
l'autre
à cloche-pieds
sans jamais voir les truites multicolores
&
je demande à mon frère
de faire pareil
s'il est cap'
&
lui de hausser les épaules
en me répondant qu'il
à autre chose à faire de plus important :
papa lui a demandé d'aller chercher le fil
à couper le vent

Dans la maison de mon enfance (Extrait 23)

En feuilletant l'album de famille
Il y a cette photo
de mon frère et moi posant fièrement devant la proue
d'un voilier de collection - un trois mâts -
arrimé à l'un des quais de Londres
qu'y a-t-il d'écrit dessus, là ?
papa se targue pourtant de connaître assez bien l'anglais
Il y a cette photo de maman
en maillot de bain et lunettes de soleil
sur la plage de Varna lors d'un séjour en
Bulgarie communiste - notre guide n'osait pas parler de politique
ni même des immenses queues devant les épiceries qu'on découvrait à la télé -
Il y a cette photo de papy
clope au bec
pour la première fois de sa vie
lors de ma première communion
c'est moi qui avait pris la photo avec le jetable qu'on m'avait alors offert
mais mamy n'était pas contente du tout
de ce sourire plein de défi de papy
il venait tout juste d'avoir son premier infarctus
tu exagères quand même ! lui avait-elle répété
Il y a cette photo de pépé et mémé
droits comme des piquets
qui ne sourient jamais
la photo en noir et blanc date de 1938 je crois
ils ne sont pas heureux ? avait demandé mon frère
Il y a cette photo de papa
grand échalas et fine élégance
en habit militaire lors d'une permission
puis je referme l'album de photos
rassasié de nos parcelles de vies - de ces instants fugaces 
porteurs d'émotions et de questions -
qui en disant finalement bien plus
sur la famille
que les personnages eux-mêmes

Dans la maison de mon enfance (Extrait 22)

Allégorie de la porte et de la fenêtre
En général
une maison compte au moins
une porte
et
une fenêtre
et si
l'enfance s'échappe par la porte
pendant des années
à son retour au bercail
elle trouve que tout a changé
que la petite bourgade la campagne les champs
sont devenus des périphéries grises
elle ne reconnaît plus rien ni personne
ni sa petite musique intérieure
la porte est désormais close
et
les souvenirs qu'elle espérait
retrouver intacts en passant par
par la fenêtre
lui sont devenus une autre vie
à mille lieux de ce qui s'est réellement passé ici
le temps a transformé cet homme transfiguré ses souvenirs
en une sorte de magma diffus

Dans la maison de mon enfance (Extrait 21)

Les règles d'or
Un enfant doit être sage et poli
il doit
se laver les mains
avant de manger
il doit
se brosser les dents
chaque soir
il ne doit pas
poser les coudes
sur la table
il ne doit surtout pas
répondre à ses parents
sinon c'est la claque assurée
il doit
se coucher de bonne heure
il doit
s'endormir sans faire d'histoires
il ne doit pas
s'éloigner de la maison
il doit
dire la vérité
il ne doit surtout pas
s'intéresser aux filles
c'est beaucoup trop tôt pour ça
il ne doit pas non plus
traîner avec des copains
dans les bars à flipper
sinon tu vas mal finir
il doit au contraire
bien apprendre ses leçons et
ramener des bonnes notes
de très bonnes notes ce serait même encore mieux
il ne doit jamais
dire nom de dieu
c'est une question de principe
ainsi un enfant sera-t-il aimé
en retour
pour ce qu'il est