21 mai 2015

5 pensées qui forment une main

le soir venu
à la lumière d'une lampe de chevet
j'écris
méthodiquement
le déroulement de la journée
un peu
comme le ferait un flic zélé
sur un procès-verbal
je relis mes notes
avec la sensation
du devoir accompli
rien de plus

***

je me suis levé
ce matin avec
la gaule
mais impossible de la relier
à un rêve érotique
je n'ai déjà plus aucun
souvenir
plus aucune image
de ce qui m'a mis dans cet
état-là
si ça se trouve ce n'était d'ailleurs pas 
un rêve érotique

***

les insomnies se
sont ancrées en nos nuits
devenues
sol lunaire fissuré
de trous noirs
addition de fatigues
quand on cherche parfois
à en comprendre
la raison
on abandonne bien vite
on finit par considérer
que c'est depuis notre
nouvelle normalité

***

les jours (plus ou moins) tranquilles
succèdent
aux jours (plus ou moins) tranquilles
selon
un agencement qui ne dévie (presque jamais)
de sa trajectoire initiale
selon
un vol plané du temps
pour adoucir (au mieux) les récurrences

***

on prend rarement la mesure
de ce qui nous menace
préférant
polir repolir chacun des faux espoirs
jusqu'à l'exténuation
de toute issue de secours

***











(tu ne peux pas nommer) (de Murièle Modély)

tu ne peux pas nommer                    tu n’as jamais pu
ce que tu éprouves ~
pour l'homme
à tes côtés

à chaque fois que son regard           le regard
se pose ^
sur une partie
de ton corps

n’importe laquelle tu sens               tu as toujours senti
dans un
repli >
de chair <

tu ne sais comment dire                 ton corps
le sentiment qui rampe - -
dans ta poitrine
le haut-le-cœur °

son corps                                         tu n’as jamais su
plié en quatre
à chaque
)) inspiration (( expiration

la peau qui se dilate
au creux () de tes poumons ( )

20 mai 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 28)

maman n'aime pas faire
la cuisine
elle dit qu'elle a trop de travail le reste du temps
sauf le dimanche

où l'on mange autre chose que
des conserves
de raviolis
et
des yaourts nature
au goût amer

ensuite
on joue au Monopoly ou
aux Mille Bornes
tous les quatre

puis
dans le terrain vague d'en face
mon frère et moi
lançons des pierres
le plus loin possible

parfois on croise
une couleuvre
qu'on prend pour une vipère
on détale à toutes jambes
en hurlant

papa tond la pelouse
coupe les mauvaises herbes
et nous demande ce qui se passe

j'aime l'odeur de l'herbe fraîchement coupée
j'aime la répétition de l'ennui
j'aime finalement ces gestes familiers qui ne
sortent pas de l'ornière

et pour mettre un peu plus d'animation
mon frère et moi
finissons par nous battre
ce qui a le don de mettre maman dans tous ses états
et l'un des deux finit par
chialer
plus
fort que l'autre

on donne le change à un moment (j'ai un caractère bizarre)

c'est pas que je sois vraiment timide
disons que je parviens à surmonter
l'obstacle
pour rester sociable
on donne le change comme on peut
mais j'ai jamais grand-chose à dire
d'intéressant de
profond de durable parce que j'imagine qu'il faut dire
quelque chose dans cette veine-là pour s'intégrer
alors je déconne je fais le con
l'intéressant qui n'intéresse pas bien
longtemps parce que ça s'use
très vite les blagues à deux balles l'ironie le foutage de gueule
on veut autre chose tu comprends du sérieux alors
je me renferme
je m'isole
je me tais subitement je donne
l'impression de tirer la tronche
peut-être d'en vouloir au monde entier
peut-être même d'être un mec vraiment trop bizarre
aux humeurs lunatiques
et c'est ensuite un peu comme si je
ne connaissais plus
grand monde autour de moi
et c'est à partir de là en fait que
je me sens le mieux dans mon élément
vraiment

15 mai 2015

Perdu pour perdu (Jérôme Leroy)

Quand le grand Jérôme me dédie un poème, bigre, j'en suis pas peu fier ! ;-)


Perdu pour perdu (Jérôme Leroy, Mai 2015)

à Thierry Roquet, cow-boy de Malakoff

Je ne demandais pas grand chose
des espadrilles
des pantalons en toile
des chemises en lin
Je ne demandais pas grand chose
de l’ombre
des citronniers
des chapeaux de paille
Je ne demandais pas grand chose
une petite maison
un transat devant
un bout d’Egée au loin
Je ne demandais pas grand chose
des livres de poésie
du temps devant moi
de la bière fraiche
Je ne demandais pas grand chose
du poisson grillé
des sommeils ailés
des semaines sans parler
Et si je l’avais eu
ce pas grand chose
je n’aurais pas trahi
je n’aurais pas menti
je n’aurais pas senti
ma peau s’en aller
mes nuits se trouer
mes matins s’étrangler
Je ne demandais pas grand chose
Il faut croire que c’était trop
Du coup mettez vous bien
dans la tête que
perdu pour perdu
Je
n’ai
pas
l’in
ten
tion
de
vous
faire
grâce
de
quoi
que
ce
soit.



Le blog de Jérôme Leroy : http://feusurlequartiergeneral.blogspot.fr/







Quelques vidéos de lecture du 1er Mai à la Bastidonne

Vidéos filmées par Jean-Marc Luquet, sous le clapotis incessant et doux de la pluie.

D'abord Hélène D. :


Puis Fred H :


14 mai 2015

People are strange

il s'est installé
dans la dernière cabine
téléphonique de la ville
c'est là qu'il vit
désormais
il veut être le premier à
décrocher
quand ça sonnera de nouveau
et
ça finira bien par sonner
un jour ou l'autre

***

il cherche un emploi
pas n'importe lequel
mais
il ne sait plus
où il l'a mis

***

aujourd'hui
je leur ai dit quelques gentillesses
j'ai remercié poliment au téléphone
j'ai souri à quelques personnes
je leur ai demandé comment ils allaient bien j'espère
j'ai fait quelques simagrées
j'ai souvent regardé l'heure
j'ai signé la feuille de présence
j'ai enfilé ma veste
déchirée
&
j'ai avalé un steak haché
c'était une belle journée

***

le voilà qui vient
ce petit vieux
bedonnant
portant lunettes et chemise blanche
traversant l'open space
sans un mot pour nous
sans un regard
il parait que c'est le patron de l'entreprise
on nous a demandé de nous tenir à carreau
le temps de sa visite
décidément je ne m'y ferais jamais
&
je déteste toujours autant
ces petits vieux
bedonnants
portant lunettes et chemise blanche
qui snobent le petit personnel

***

le soleil brille
toujours aussi fort
et pourtant
jamais
il n'a été nettoyé
encore une bizarrerie de la nature









12 mai 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 27)

Pendaison de crémaillère

C'est une maison
qui a failli ne jamais
voir le jour
l'entreprise de construction
a fait faillite
au début des travaux
et maman a souvent pleuré à cette époque
surtout quand on passait voir
chaque dimanche
ces murs inachevés comme
fantomatiques
sans charpente
qui prenaient l'eau
la boue
le vent
et moi
quand je vois quelqu'un pleurer
je pleure aussi
maman dit que je tiens ça d'elle
maman dit aussi qu'elle tient ça de sa propre mère
alors elle me consolait gentiment
me serrant fort contre sa poitrine
généreuse
mais papa
lui
il ne lâche jamais rien
parce que papa
lui
il a connu une enfance difficile
je l'ai su des années plus tard
il sait bien
que rien ne vient jamais sans effort
il nous le répète souvent
il sait bien
qu'il ne faut pas céder
au découragement
qu'il y a une solution à tout
même à la mort, nous disait-il, un jour vous verrez
(il aurait voulu être médecin)
deux ans plus tard
on a enfin pendu
la crémaillère
j'ignore où elle a été accrochée
on a un jardin en pente
&
la campagne alentour

Quelques songeries bien crétines !

je songe à
quitter la ville
sur la pointe des pieds
sait-on jamais ce qu'un monstre éveillé peut faire

***

en ce moment
j'aimerais quelque chose de précis
avoir
une bière bien fraîche à portée de main
je serais
près de toi
à moitié somnolant dans un hamac
entre deux arbres au milieu du jardin
si nous avions deux arbres
si nous avions un jardin
les insectes n'y feraient même pas attention
préférant butiner les fleurs
&
nos pensées s'en iraient
valser
au moindre souffle du vent
elles ne reviendraient pas
nous laissant au silence
intérieur
paisible
de nos mains jointes
elles ne reviendraient que 
si la naissance d'un poème les y obligeait bien sûr

***

j'ai reçu mon planning du mois de mai
les horaires me conviennent
mais je vais gagner peu
mais les horaires me conviennent
mais je vais gagner peu
mais les horaires me conviennent
mais je vais gagner peu
etc
etc
etc
pas évident de vivre en vision binaire hein

***

je songe à
faire le tour du monde
avec un sac à dos
et une kalachnikov pour certains pays

***

la journaliste à la télé
beugle
son savoir
elle parle de véranda, de surface habitable, de tarifs et d'impôts fonciers
son collègue
journaliste
la contredit
parfois
en parlant plus fort qu'elle
pendant ce temps
moi
je tente d'écrire un poème potable
qui ne parlerait pas
de véranda, de surface habitable, de tarifs ni d'impôts fonciers

***

au milieu du trottoir
une belle crotte de clébard
c'est le mont Canigou
de chez nous

***

je songe à
la procrastination
qui dure
beaucoup plus longtemps que Duracell









11 mai 2015

Extrospection (de Marlène Tissot)

Elle se regarde de l’extérieur
ses mains qui tremblent
la folie posée là
comme un objet trouvé
un objet tombé
d’on ne sait où
dans les sillons de sa peau
et son propriétaire viendra
peut-être bientôt
le réclamer
elle se regarde et voit
cette folie
et se dit
ce n’est pas moi
ce n’est pas à moi tout ça
ce fatras distordu de pensées
elle se dit
non
je ne suis pas folle
si je l’étais
je le sentirais ce grand désordre
ce grand n’importe quoi
et
elle ne sent rien
elle entend parfois
des voix qui ne sont pas la sienne
des voix qui parlent à l’intérieur d’elle
comme une radio
et dans ces moments-là
elle quitte sa peau
en attendant que le silence revienne
elle s’assoit et
elle se regarde de l’extérieur

8 mai 2015

Dans la maison de mon enfance (Extrait 26)

Tocs tocs tocs !

ils sont apparus d'un coup
mais je n'en suis pas sûr à vrai dire
peut-être sont-ils venus
par étapes
sans que je m'en rende bien compte
en tout cas ils sont là
bien là à
me faire répéter d'étranges rituels
maniaques
mon bureau est bien rangé
rien ne dépasse
mes tiroirs sont bien rangés
rien ne dépasse
mes livres sont bien rangés
et si quelqu'un en déplace un d'un seul centimètre je le saurais
ça je ne le supporte vraiment pas
sans doute ai-je intégré les ordres familiaux
avec une soumission
mêlée de zèle et de crainte
je vérifie même plusieurs fois de suite
que le tiroir de gauche est fermé jusqu'au fond
que le tiroir de droite est fermé jusqu'au fond
que le stylo bleu est à sa place
qu'il se tient droit
dans son encrier près du stylo rouge tout aussi à la verticale
que cette feuille de papier
est alignée exactement sur celle d'en dessous
puis je regarde une dernière fois
que tout est en ordre
qu'il n'y a rien sous mon lit
avant de refermer la porte de ma chambre
et de la rouvrir aussitôt
pris d'un doute infernal
qui ne me quitte pas en descendant les escaliers
et mes parents impatients me demandent alors :
-Qu'est-ce-que tu faisais, nom d'un chien ! ça fait dix minutes qu'on t'attend pour partir ?



7 mai 2015

quelques feuilles mortes, par un matin ensoleillé

debout dans le bus
mes yeux ont jeté leur dévolu
sur un vieux
replié sur lui-même
qui scrute le sol
pour échapper sans doute au
décolleté
plongeant
de celle qui lui fait face
elle a vraiment d'énormes nichons

***

après une semaine d'absence
certains collègues me demandent où j'étais passé
je leur réponds assez fièrement que
j'ai fait des lectures
mais pas plus impressionnés que ça
ils veulent simplement savoir si
j'ai eu du beau temps au moins

***

je n'ai pas écouté les infos ce soir
je ne sais pas s'il y a eu des morts
je ne sais pas s'il y a eu des survivants
je suppose que l'état du monde a encore empiré
un peu comme ce chicot qui noircit chaque jour un peu plus

***

j'ai fait deux questionnaires
dont un de près de deux heures
avec une femme d'une cinquantaine d'années
violée
à l'âge de 15 ans
puis
humiliée pendant des années
par un conjoint devenu ex
ils ont eu deux enfants
elle me dit qu'il s'en est fallu de peu finalement
qu'elle soit comme ces patients
qu'elle côtoie chaque jour
à l’hôpital psychiatrique
en tant qu'employée
-je m'en suis plutôt bien sortie, vous savez
et moi
j'ai fait deux questionnaires
c'est plutôt un bon quota

***

oui
on peut sans problème
passer à la douane
avec des mots-valise
et plusieurs cartouches de clopes à l'intérieur

***

non
les cœurs d’artichaut
ne poussent pas
dans le potager
de la clinique
vous pouvez sécher vos larmes et sortir la tête de vos mains

***

oui
un tremblement de taire
peut provoquer
des failles de langage

***

non
l’hôpital ne se fout pas
de la charité
les subventions sont largement insuffisantes

***

oui
les malades peuvent
se cogner
la tête contre les murs
de toute façon
les murs
ne tiennent plus vraiment en place
ils sont sous calmants eux aussi

***

non
la guerre n'aura pas lieu
et dans quel lieu
c'est difficile à
dire
précisément
elle est un peu partout

***

oui
le spectacle de la vie
est gratuit
on paie parfois assez cher
pour le savoir

***

non
l'au-delà n'existe pas
ou alors s'il existe
il est encore au-delà

***

debout dans le bus
mes yeux ont finalement jeté leur dévolu
sur cette jeune femme au
décolleté
plongeant
elle a vraiment d'énormes nichons
le vieux
replié sur lui-même
n'est qu'un mauvais prétexte
comme un autre










3 mai 2015

C'était jeudi, c'était vendredi, c'était super

Une double lecture, un duo, un peu de stress & pas mal de fatigue, mais surtout un accueil très chaleureux, des rencontres amicales, des moments forts, des rires.

D'abord ici, au Lycée de Grenoble (Merci à Perrin L. & sa compagne) :


Puis, là (Merci à Hélène D.) :


On a pu croiser, outre Perrin & Hélène, des poètes de 1er plan comme Marlène T., Fred H., Antoine G., Bernard D., Jean Az. et d'autres... sans oublier Coloc Bingo... sans oublier un lapinou, un chat nommé John Pantoufle, sans oublier un petit verre chez Thomas V & Emilie A..

Ça fait des tas de souvenirs pour quand on sera vieux.