21 mars 2018

Give Me Water - John Forte & Valerie June

DEONTOLOGIE (de l'excellent Heptanes Fraxion)

la grande poétesse outre-Atlantique prépare une micro-revue littéraire basée sur le bénévolat comme c'est coutume dans le milieu

elle aime vraiment beaucoup un de mes poèmes la grande poétesse
elle a carrément flashé dessus mais elle a aussi des principes sur lesquels elle ne transigera jamais
elle ne me publiera uniquement que sous mon vrai nom
celui que m'ont donné mes parents

je lui réponds qu'en tant que poète 
ma famille m'a toujours plus ou moins considéré comme un parasite déviant 
traduire par fainéant
traduire par tapette
et qu'au nom du punk de Blaise Cendrars et des indiens d'Amérique
tout ce que je ne suis pas mais qui m'éclaire et me nourrit 
mon pseudonyme est un masque et un projet qui me permet de me réapproprier moi-même

certes j'en fais un peu des caisses
d'autant que j'en rajoute encore un peu quand
je me surprends à lui dire que tout cela n'est pas négociable
elle me rétorque qu'elle ne peut pas faire d'exception la grande poétesse
qu'il faut que je la comprenne
que sa déontologie est en jeu

alors ne prenons surtout pas de risque lui dis-je et restons-en là

deux jours plus tard elle me recontacte
elle a bien réfléchi
elle aime vraiment trop mon poème
elle accepte mes conditions 
elle compte sur ma discrétion pour  que cela ne s'ébruite pas
je promets de garder le secret 
et je la remercie
traduire par rien à foutre de ces conneries
traduire par pitié passons à autre chose

juillet
le fanzine est mis en ligne
et il est très réussi je dois dire
modeste et intense
textes disparates et néanmoins cohérents
parfaitement enrichis qui plus est 
par des photographies pertinentes

septembre
on me demande d'être rédac chef d'une revue numérique

manière de renvoyer l'ascenseur
je propose à la grande poétesse de figurer au sommaire
je reçois un mail dans la foulée
elle est positivement ravie 
elle est absolument enthousiaste
elle me demande juste le montant de sa rémunération

Du saké, une tisane et la sieste

Le pessimisme est l'ardeur la mieux adaptée à l'époque actuelle.


Je ne sais pas faire grand-chose de mes dix doigts de pieds.


Je crois que ma vie bien rangée est un chef d'oeuvre d'inutilité sociale.


La graisse d'écriture est terrible pour la santé du lecteur.


Je suis poète à mes heures perdues. Ce qui, en théorie, devrait me laisser suffisamment de temps pour écrire.


Tu préfères jouer à saute-moutons ou à broute-minou ?


Les révoltés du Bounty se contentèrent d'un Toblerone.


J'ai franchi, avec succès, le cul de l'utérus mais je ne vois toujours pas le point G culminant.


"Colique dans les prés, fleurisse, fleurisse... colique dans les prés, c'est la fin de péter".


Quand un agent double, accélère!


Je vais profiter de mes insomnies pour compter les moutons.


J'ai remplacé "métro, boulot, dodo" par "fenêtre, sieste, poèmes".


L’Eve en Gilles a rendu Adam fou de rage.


Les chiens aboient, la rumeur court.


Peut-on mourir d'une mort naturelle après avoir vécu de tant d'artifices?


Les voyages forment l'esprit de la jeunesse, les chaises déforment le cul de la vieillesse.


Je suis couché sur le flanc au cas où j'aurais un petit creux dans la nuit.


J'ai dû brandir un écriteau pour rassurer ma voisine : "Je ne suis pas un voyeur, je suis un poète à la fenêtre".


Souvent j'oublie qu'il faut entretenir sa mémoire.

20 mars 2018

Des bigorneaux dans le moteur

J'écris des tas de poèmes invisibles et perdus.

                                               **

Je vais maintenant compter les insomnies pour essayer de m'endormir.

                                               **

Il y a comme un nuage noir qui aurait pris racine et refuserait obstinément de s'en aller.

                                               **

Tu fixes l'écran de la télé, je fixe l'écran de l'ordinateur; ainsi nous fixons-nous des buts.

                                              **

Je suis à sec en ce moment. Il est grand temps de se mouiller un peu plus.

                                               **

Où trouver la consolation quand on ne sait pas de quoi, au juste, on veut être consolé.

                                               **

Parfois oui, le repli sur soie est d'une telle douceur.

                                               **

Si ma solitude était une solution, alors je n'aurais plus de question.

                                              **

J'écris des tas de poèmes qui semblent courir dans tous les sens.

                                               **

Si seulement un cri sauvage pouvait sortir de tout ça.

                                               **


19 mars 2018

Une Bataille d'Aphorismes (2014) avec : André Stas, Eric Dejaeger, Jean-Philippe Querton et Paul Guiot

C'est très bientôt et on y sera !


Quelques bouts de gras dans la neige

Les révolutions sont le fruit de l'évolution des rêves.

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Celui qui pense avoir toujours raison est un con; ah ça, oui. Il est surtout plus proche de la folie qu'il ne pense.

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Demain est une autre nuit.

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Ce peintre est jaloux d'une toile d'araignée.

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Il y a trop de réverbères attachés à des chiens ; on ne peut plus les promener tranquillement sans une meute d'aboiements au cul.

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La pluie tombe sans discontinuer : c’est ainsi que la nature m’hypnotise.

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La mouche est cavalière ; elle est entrée dans l’appartement sans notre permission.

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Des traces de fenêtre sur le nez et les doigts.

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Le temps glouton file à la vitesse de l'éclair au chocolat.

9 mars 2018

La compagnie des trains perdus vous souhaite une longue promenade le long des rails


Passer devis à trépas, ça coûte cher ?

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L’homme, ce cancer : quel glauque homme.

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En période de grand froid, je boude.

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Mon grand-père jouait de l'accordéon, ma grand-mère menait les vaches au chant.

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Moi, je vous le dis : c'est mon dentiste, la bête du « J’ai vos dents » !

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Un trappeur rencontrant un trappiste autour d’un point d’eau ?

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Je ne filerai jamais mes clopes à ceux qui ont cassé leur pipe cette année !

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Un jour, nous sommes revenus de loin et, curieusement, ça nous a rapprochés.

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Un vieillard, c'est encore un enfant mort en grand âge.

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La compagnie des trains perdus vous souhaite une longue promenade le long des rails.

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Mes parents m'ont donné la vie : je n'ai jamais eu mon mot à dire.

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J'aime lire les récits de voyage intérieur.

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On devrait tous avoir un non de famille pour se choisir quelqu’un d’autre.

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J'ai vu ma femme en sainte pendant plusieurs mois et, miracle, nous avons eu une fille !

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Le cercle des silences pesants se dégage de toute responsabilité au moindre mot de travers.

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8 mars 2018

Une dernière visite

Le village est désert. Le cimetière n'est pas loin. Et puis sa petite maison, sur la place de l'église. C'est là où elle a vécu les dernières années de sa vie. Je me gare devant l'entrée. Il n'y a plus personne pour nous accueillir. Je sors la clé de ma poche. La porte grince comme avant. J'entre dans le salon. Il y fait sombre. L'électricité est coupée depuis quelques jours. Le grand meuble est intransportable. Et il ne nous plaît pas vraiment. Il est daté. On va récupérer le siège à accoudoirs où elle avait l'habitude de jouer à ses mots fléchés. Pour entretenir sa mémoire, un peu vacillante. Elle ne plaisantait. Tu t'en souviens ? Je sens sa présence. Un peu partout. C'est ma respiration qui tremble. Je ferme les yeux. Je ne parviens pas à communiquer avec elle. On va mettre sa maison en vente.