30 juin 2014

entrer progressivement dans la lumière du jour

je vois une épaisse fumée
au loin
aux infos ils disent que c'est un entrepôt industriel
qui brûle
que l'incendie est à présent maîtrisé
j'appelle l'administration
pour savoir si je vais bientôt toucher
le rsa
je n'obtiens pas de réponse
claire et rassurante
tant pis
je lis un article sur l'équipe
de France de foot
qui croit en ses chances de qualification
ouais ce soir moi aussi j'y crois
dur comme fer
je consulte la rubrique nécrologie
de wikipédia
mais les personnes décédées me sont
totalement
inconnues
je jette régulièrement
un oeil à la fenêtre
vers cette grue qui tourne sur
elle-même
dans un ballet bien orchestré
où les danseurs empilent des blocs de
béton
sur le sol
j'envoie un texto à ma fille qui
passe le Bac de français
je fume des clopes toutes les heures
je bois des cafés sans dépasser la dose
dangereuse - d'après les médecins
ce sont des petites choses
comme ça
qui me permettent d'entrer
dans la lumière du jour
jusqu'à faire coïncider
mon existence
avec le
monde qui m'entoure


28 juin 2014

toujours en passant...

connaître ses limites
c'est tracer une frontière
au delà de laquelle
on entre en conflit avec soi-même

***

lors d'un entretien d'embauche
il s'agit de se montrer
sous son meilleur aspect
c'est-à-dire celui d'un faux-cul
sans faux-col
à la recherche d'un vrai boulot
de merde

***

mon esprit
s'ouvre au monde
dans la limite
de l'axe
qui se trouve entre mon siège
et la fenêtre

***

les révolutions
pourraient-elles
n'être le fruit
que de l'évolution
des rêves ?


Comme ça, en passant

Il doit bien exister
quelque part
un pont des sourires
qui
dès qu'on le franchit
provoque
l'hilarité
générale
et l’irrépressible
envie
de se lier
d'amitié avec
des inconnus

***

un homme qui
marche devant son ombre
prend le risque
de la perdre
en cours de route
sans même s'en apercevoir

***

un homme qui
se croit au dessus
des lois
finit par croire
que la gravité
n'existe que pour les
autres

***

un homme qui
pense avoir
toujours raison
est plus proche de
la folie
qu'il ne pense

***

un homme qui
a peur de tout
et de n'importe quoi
me ressemble à tel point
qu'il me fait
peur






au jour le jour

chaque matin, c'est la même
rengaine les seules atrocités sont
dans les images du sommeil dans les pensées
secrètes qu'on sait encore taire dans les journaux télévisés
qu'on peut éteindre à tout moment rien ne saurait
altérer les courbes les angles et les perspectives
des immeubles des arbres des silhouettes
au jour le jour n de cette grue ni de cette boutique
qui vend un peu de tout en vrac
s'il n'y avait l'imagination pour en
découdre parfois avec la réalité
dont on déplore l'extrême lenteur
tantôt l'extrême fuite en avant tantôt
l'étrangeté avec laquelle on se voit là
parce qu'au fond on ne sait pas trop
ce qu'on veut s'il s'agit de faire une pause
de quelques instants d'observer à l'écart
de la route de bifurquer vers une destination
inconnue radicalement différente
et puis il y a cette chose qu'on oublie trop souvent
dans le confort des bruits familiers
c'est de se mettre bien avec soi-même
en reprenant le fil de chaque matin
qu'il puisse recoudre l'envie d'ailleurs
sans faire saigner l'ego l'ancien et le nouveau

27 juin 2014

et de tout ça !

en bras de chemise
et
trempé de sueur
et
les cheveux gras
et
la langue pâteuse
et
perdu dans le vague
et
sans attache
et
la tête sur un verre vide
et
d'une voix rocailleuse
et
d'une salopette crasseuse
et
d'une pièce sur le comptoir
et
de tout ce qui ne se voit pas
il
quitte les lieux
pour quelques heures
seulement

mais aujourd'hui

on y venait par
les chemins bosselés
de campagne
je pédalais comme un
fou devant
mon frère
qui me hurlait de
l'attendre
en crachant la poussière

mais aujourd'hui
les champs les ronces et la minuscule rivière
ont disparu
mais aujourd'hui
sous le béton
armé
ce ne sont plus nos pierres
qui formaient un tas
pour nos jeux

mais aujourd'hui
sur une photo jaunie
je
te montre ce qu'il reste
de notre
maison
familiale
il y a bien longtemps

et tu as peine
à croire
que la force
du temps
est celle de l'écrasement de tout



26 juin 2014

6 postures en sortant du trou

Les jours sombres
s'empilent
&
forment un tas de plus en plus haut
&
seules quelques nuances
un peu plus
claires
restent visibles à
l'oeil
nu

***

les chiffres du chômage ne sont pas bons
celui de ma tension non plus
les lettres d'un poème
sont un combat permanent

***

il me jure que
dieu est amour
je lui réponds que
que ce n'est pas la peine
d'insister

***

sur le mur un insecte
grimpe
jusqu'au plafond
je l'observe
en attendant
qu'il chute

***

les traces
de l'enfance
sont un sillon
de boue séchée
avec beaucoup
de poussière
&
de dureté
sous les pieds

***

j'aimerais bien
que l'avenir
s'éclaircisse
que l'argent
coule à flots
par exemple
en attendant
je vais lire les présages
dans le marc de
mon huitième café
dans la fumée de
ma vingt-et-unième clope

***







24 juin 2014

Il faudrait pouvoir !

sur la table
s’amoncellent
des papiers

qui nous rappellent
chaque jour
de cette vie étriquée
qu'on ne veut plus voir

il faudrait pouvoir
respirer
claquer la porte
sentir
l'air frais
sur nos nuques crispées

Il faudrait pouvoir
bâtir
de nos propres mains
un endroit
secret
où personne ne viendrait
nous chercher

Il faudrait pouvoir
prendre la fuite
au hasard
partir en de longs
voyages
quelque part
ou ailleurs
&
revenir au point de
départ
en nous disant que tout a bien
changé
en notre absence

Il faudrait
pouvoir

20 juin 2014

entre le bleu et le blanc le ciel hésite

entre le bleu et le blanc
le ciel hésite
à ajouter du noir
à raccourcir d'un jour
la fin des haricots
à tomber sur les têtes
qui ne sont pas si solides
que ça

l'équilibre est fragile
par exemple
on se sait trop comment s'habiller
tee-shirt
gilet
capuche
ce sont des détails et pourtant
un papier vole au vent
avec toutes les incertitudes

scooter dans un bruit infernal
couvre les cris
des éboueurs
je compte
tant bien que mal
le vert des poubelles
le rouge des tuiles
la sève étouffée des arbres
les dix doigts de mes mains
les clopes dans mon paquet

au loin
la grue immobile
comme un mirador
semble faire face
à l'immeuble géant
les fenêtres sont toutes les mêmes
c'est pour
uniformiser le cadre de vie
les achats
les couleurs
les pensées
les repères
deux pigeons perchés sur une gouttière
attendent de s'envoler

d'autres n'attendent rien
de spécial
c'est juste qu'on n'y peut pas changer
grand-chose
par exemple
parfois elle pleure sans aucune raison
apparente
dans son coin
parfois j'aimerais comprendre

souvent les mots
se servent
de nos fragilités
pour les rendre
encore plus
étranges

tout n'est pas figé
ce petit rayon de soleil
qui vient à l'instant
m'a redonné l'envie
je crois
de rester terre à terre
un peu plus longtemps
en fin de compte





17 juin 2014

Le souvenir d'un autre

les cloches de l'église retentissent
je regarde l'heure
et le linge qui sèche sur les radiateurs
dehors le vent
influence à peine les marées
humaines
voitures scooters camionnettes
bruits de ferraille
caddies vieux jeans poussettes
dehors le vent
donne
aux voilures d'échafaudages
l'allure de vaisseaux-fantômes
les ouvriers ravalent
le mur d'en face
les commerçants
n'ont pas tous le sourire
les passantes
ont déjà un téléphone
à portée de main
le bus 191 arrive parfois
à l'heure
la vieille femme rom s'assied au même endroit
pour faire la manche
la guerre de Troie aura
bien lieu
mais on ne sait pas quand
je regarde l'heure
et le linge qui sèche sur les radiateurs
et le papier peint qui se décolle
et les ondulations de ton souffle quand tu dors
et un tas d'autres détails qui se perdent
je me demande si
j'existe vraiment
ou
si je suis le souvenir
de quelqu'un d'autre


on s'occupe comme on peut
et j'e pourrais m'occuper
à faire autre chose
mais

j'aime bien regarder
les émissions
qui parlent
des faits divers

les disséquant dans les moindres
détails
depuis les préparatifs
jusqu'au calvaire
des victimes

jetant un oeil à ma fenêtre
ensuite
alors que tout s'apparente à la normalité
je me dis qu'il y a forcément
parmi tous ceux
qui passent

tantôt un pédophile
en chasse
tantôt
un terroriste
cachant une bombe sous son imper
tantôt
un braqueur
de joailleries de luxe
en cavale
et même
une allumeuse
opérant
pour un gang de barbares


Un bon ratio

A la boulangerie
il y a trois clients avant moi
pour seulement un pain au chocolat et aux amandes
ça me fait donc
une chance sur quatre
&
j'ai beau prier pour avoir
ce dernier pain au chocolat et aux amandes
c'est un ratio finalement
très largement supérieur
à celui que j'ai
de trouver un bon salaire
de gagner le gros lot
ou
de rencontrer le meilleur poète américain
du siècle.

16 juin 2014

Partie d'un contingent

Moi
qui suis
si important pour moi
ne serait-ce que certains
jours
j'ai laissé les hypothèses
devant l'implacable réalité
des choses

je porte des lunettes
un survêtement
et tout un tas de phobies
de peurs
qu'on pourrait dire
irraisonnées
(et qui ne le sont sans doute pas)

je fais partie d'un contingent
qui a déposé les armes depuis
longtemps

miné par la culpabilité
à la moindre
embardée de travers

qui se bat encore
pour faire semblant
de chercher le miracle
derrière un horizon
d'oublis

je les côtoie
ces fous
ces lâches
ces gueules de bois
des salopards
en tous genres

parce que
je fais partie d'un
contingent de chômeurs
de branleurs
de baiseurs
d'acteurs d'une vie qui les dépasse
de plusieurs
autres vies

moi
j'ai posé mes valises
avec dedans
des affaires de rechange
pour une solitude
d'agrément

en attendant
qu'on vienne me
chercher