9 mars 2016

Matthew Wilder - Break My Stride (une chanson qui me donne la banane)

RealPoetik, une nouvelle revue numérique déjà essentielle !

Animée par les 2 tauliers lyonnais Greg Damon & Sammy Sapin, la revue apparue en début d'année en est déjà à son 3è numéro et s'avère déjà comme une évidence.

Au sommaire du #1 : Murièle Modély, Fred Houdaer & Bernard Deglet
Au sommaire du #2 : Marlène Tissot, Claire Rengade & Mike Kasprzak
Au sommaire du #3 : Mark Kerjean, Séverine Castelant & Thomas Vinau

A déguster ici:
realpoetik



3 mars 2016

Two

Il a survécu
comme on dit
sacrée consolation
on lui rappelle son prénom
il s'en souvient plus trop
il a survécu à l'attentat
ils en parlent encore aux infos
il ne sait pas comment
alors qu'autour de lui c'était
un chaos indescriptible
du sang partout
des éclats de chair
des cris des cris encore des cris
il a survécu
OK
il a perdu une jambe et
un bras et
son portable
il était dans sa poche arrière
il a perdu bien d'autres choses
comme on dit
pour ne pas le brusquer
pour lui permettre de se refaire
avec le temps
il a survécu


***

La nuit
je m'endors
avec des rêves de poursuite
je vois deux gars
qui m'en veulent
je sais même pas pourquoi
ils m'en veulent
je les connais pas
mais ils me connaissent
eux
ils ont des flingues et tirent
un peu au hasard
je vois des gens qui tombent
je ne sais pas s'ils sont
blessés ou
morts
ou s'ils font semblant
la nuit
je m'éveille en sursaut
je vois ces deux gars
qui m'en veulent
et ça dure longtemps
et ça veut dire quoi ce rêve
je vais à la fenêtre
tout paraît si calme
mais moi
j'ai les yeux de mes nuits
aux aguets




Un film d'une superbe noirceur


Un film d'Adam Rapp (2007) avec Paul Sparks & Gillian Jacobs.
La dérive de magnifiques 2 loosers, filmée avec maîtrise, justesse et sobriété.

1 mars 2016

2è élégie à S

J'ai appris à veiller sur ton sommeil sous ordonnance
à refermer ta bouche quand parfois elle se bloque
à essuyer la bave autour de tes lèvres
à te couvrir d'un drap d'une main ou d'un baiser furtif

Oui j'ai appris à veiller sur ton sommeil irrégulier
à t'observer sans en avoir l'air sans que tu le saches
à deviner si tu pleures si tu renifles de froid
à t'éviter de tomber du lit quand tu y perds pied

J'ai appris à ne plus entendre tes ronflements
à faire semblant de n'être pas gêné
à juste tapoter discrètement sur ton épaule en sueur
Oui j'ai appris à bander seul dans mon coin
sans te déranger

&
au matin te demander
si tu avais bien dormi
si tu te souvenais de ces bribes de phrases incompréhensibles
accompagnées de cris plaintifs
si tu avais rêvé de ton père de ta soeur ou de diables perfides

&
ce matin encore
me blottir tout contre toi
comme
autour du fil un peu perdu de nos années
comme
une première victoire sur l’éphémère
oui
comme
une première victoire sur ta dernière absence



****



Ici la 1ère version du texte :
" J'ai appris à veiller sur ton sommeil
à refermer ta bouche quand elle restait bloquée
à essuyer la bave autour de tes lèvres
à me blottir tout contre toi comme au fil de nos années
J'ai appris à écouter tes ronflements
à intérioriser cette musicalité du jeu
à faire semblant de n'être pas gêné
à tapoter discrètement sur ton épaule en sueur
J'ai appris à t'observer sans en avoir l'air
à deviner si tu pleurais ou si tu reniflais de froid
à m'inquiéter quand tu bougeais, plaintive
à te couvrir d'un drap d'une main ou d'un baiser furtif
J'ai appris à bander seul dans mon coin
sans te déranger
à te parler d'amour à l'oreille
sans te réveiller
Oui j'ai appris
&
au matin te demander
si tu avais bien dormi
&
si tu te souvenais d'avoir beaucoup parlé cette nuit "


La mort aussi

Il fonçait sur son scooter
il avait pas de casque
enfin si mais il l'avait laissé chez lui apparemment
il a grillé le feu
une voiture l'a percuté à l'intersection
son corps est retombé une dizaine de mètres plus loin
ça a fait un gros boum
assez flippant dans la nuit
les pompiers sont arrivés rapidement
la mort aussi

***

Il était allongé sur le trottoir
emmitouflé comme il pouvait
ça caillait grave
il pleuvait même un peu
mais lui
il bougeait pas d'un poil
il avait comme des ecchymoses au visage
les pompiers sont venus le voir
la mort aussi

***

Elle était maigre comme un clou
portait des marques noires sous les yeux
comme des poches de survie
qui auraient pourri depuis belle lurette
elle baissait le regard en marchant
elle baissait le regard en demandant son pain
elle baissait tout le temps le regard
elle rentrait chez elle la peur au ventre
on se doutait bien d'où venaient ses boursouflures
son mec rentrerait bientôt pour la frapper
la mort aussi

***

Elle est en arrêt-maladie depuis des mois
son employeur envisagerait de la licencier
car dit-il et ce, malgré les justificatifs d'absence,
"le service en est grandement perturbé"
elle a même reçu la visite d'un médecin
mandaté par l'entreprise où elle bosse
depuis une quinzaine d'années où elle était
plutôt bien vue et bien considérée mais ça
a nettement changé l'année dernière avec
ce nouveau boss surnommé le nettoyeur
elle prend plusieurs antidépresseurs
ne sort plus de chez elle
pense que ça se terminera mal cette histoire
la mort aussi
sans doute





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