3 déc. 2013

voisin

En descendant les poubelles, je croise le voisin. Qui se débat avec un cancer de la gorge. Il ne mange plus que des compléments alimentaires liquides. Il les achète par paquets de 50. Voix sourde, cassée, peau abîmée, froissée, rougie. Il me dit qu'il n'a pas toujours été aussi maigre bien sûr. Je lui demande si ça va mieux. Il descend souvent en Touraine, seul, dans sa maison de campagne. Il a un peu de famille, là-bas. Il s'y sent bien, me dit-il. Il ne remonte sur Paris que pour des séjours à l'hôpital. Examens, scanners, tout ça. La douleur passe parfois. Elle finit par revenir. Je hausse les sourcils. Il me demande si j'ai retrouvé du travail. Je lui réponds non. Depuis la mort de sa femme, il y a 5 ou 6 ans, je ne sais plus, il n'est plus le même. Elle portait la culotte. C'est l'impression qu'elle donnait. Je la trouvais assez désagréable. Lui, je l'aime bien. Une fois retraité, il s'est mis au bricolage ; une mezzanine chez lui, une ampoule par ci, par là ; la peinture du hall ; la boîte aux lettres ; une marche dangereuse dans l'escalier... "ça m'occupe" me dit-il. Il me demande si j'ai des entretiens d'embauche. Je lui réponds non. "La vie est dure en ce moment". Son regard perforant quand il prononce ça. Ce n'est pas juste une phrase de politesse, automatique. J'ai presque envie de le prendre dans mes bras. Je sors les poubelles sur le trottoir ; il remonte chez lui. La tristesse quand j'y repense.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

beaucoup de réalisme et un brin d'émotion dans ce très beau texte!

Une Nouille Martienne a dit…

le quotidien vrai vie de merde déconnectée
les mots en soupape de sécurité quel sens oui quel sens donner à tout ça
aucun sinon ce goût de tristesse que tu nous restitues et peut être l'envie naissante de secouer le joug

Thierry Roquet a dit…

Merci à toutes les deux, Saida & La Nouille.
"L'envie naissante de secouer le joug", si joliment dit mais pas encore à l'ordre du jour ;-)