Comme il l'indique lui-même, lors d'une
conversation en fin de livre, Fred Houdaer a souhaité aborder, de
différentes façons, l'écriture et la lecture.
L'écriture : la sienne et celle des autres.
La lecture : la/les sienne(s) et celle(s) des
autres.
Et forcément, ayant la voix de Fred Houdaer en
mémoire, je lisais le recueil avec ses intonations, au début.
Le "je" omniprésent dans le recueil
n'a pourtant rien d'égotiste ; c'est un "je" d'observation.
Pas de psychologisme aigu, pas de moi
intériorisé à l'extrême.
Ce "je" retranscrit, à la façon des
grands caricaturistes, les touches cinglantes, insolites, sensibles, drôles,
cocasses, parfois vengeresses, mais sans enrobage inutile.
Engeances, catégorie d'hommes/femmes digne de
mépris, détestable.
Fred Houdaer pratique une détestation sereine
et posée.
Sur tout ce qui l'entoure. Y compris sur
lui-même.
Pas de rage bruyante, pas de haine viscérale,
pas de fatwa agressive.
La détestation est plus subtile et rend tout
leur ridicule, leur grotesque, leur pédanterie aux personnages, aux situations.
Même s'il apprécie particulièrement Céline et
Nietzsche, on est davantage dans la satire ici.
Gustave Doré n'est pas loin. Chaplin et Reiser
non plus.
Les motifs de satisfaction étant rares, il
n'est pas impossible que le "je" du recueil en développe une certaine
misanthropie.
Pêle-mêle, tout au long de poèmes narratifs,
vivants et variés, Fred Houdaer découvre qu'il n'est pas un poète français (et
c'est tant mieux, à mes yeux), crache sur le balcon d'un quartier bourgeois
d'une ex, n'ose avouer que l'inspiration peut venir d'un pet puant, égratigne
les ateliers d'écriture, les poses des poètes (on rejoint ici le recueil
d'Eric Dejaeger), les lectures publiques, les notables hypocrites, les
poubelles d'une voisine enseignante, en filigrane son rapport (assez contrarié)
avec les femmes, et plus généralement son rapport (critique) avec les autres.
Sur fonds noir, quelques poèmes
"making-off", censés ouvrir des portes sur la naissance des poèmes.
Là encore, pas d'explication réelle, pas de
mode d'emploi précis.
Les coulisses de l'univers des textes sont
ouvertes à l'inattendu, à l'humour, à l'auto dérision encore.
En fin de compte, ce recueil qui n'est pas un
journal intime, en dépit de l'impression de proximité qui provient de cette
écriture de Fred Houdaer, en dit beaucoup sur lui.
Enfin sur ce "je" là.
La sincérité comme arme tranchante.
On s'y attache très vite.
On partage les moqueries.
On savoure les textes. Leur originalité, leur
singularité, leur côté même hypnotique.
On y trouve déjà une teinte opaque de mystère
qui semble annoncer le « Fire Notice ».
Conclusion : Fred Houdaer n'est peut-être pas
un poète français (FUCK MALLARME !) mais il est un poète, assurément !
Avec un grand P ! (puant ou pas, selon la
force de l'inspiration).
Moralité, après lecture (et re-lecture,
jouissive là encore) : éviter de péter plus haut que sa vie de poète(sse) pour ne pas
figurer comme cible dans un prochain opus de Fred Houdaer !
Ca, c'est un objectif !
Seconde conclusion : un recueil à lire
absolument !
S'y soustraire constitue une faute
professionnelle grave (cf Droit du travail et de la Lecture) !
Bonne lecture !
Engeances (paru aux Editions La Passe du vent, 2012)
92 pages ; 10 euros.
A commander ici : http://www.lapasseduvent.com/Engeances.html#livre552
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