26 févr. 2016

Les grues de l'asphyxie (Morgan Thunder)

Je viens de découvrir cet auteur, à travers son recueil de nouvelles, publié chez Flammarion (GF 3524).

L'auteur, né à Buffalo en 1948, est encore peu connu en France ; il est également assez confidentiel aux States bien que déjà traduit dans plusieurs langues (dont le javanais du Sud, le berbère marocain et le croate).
Son recueil le plus fameux :"Les grues de l'asphyxie".
Titre original : "3 personnal fornications in Buffalo".
Le traducteur estime avoir garanti l'esprit du romancier à travers ce titre. Soit.

Ce livre m'est tombé dessus par hasard : c'est un ami de ma soeur -avec lequel elle a rompu l'an dernier- qui m'en a parlé en premier. Sous prozac, ce jour-là, il m'avait vivement conseillé de lire un "putain d'truc qui réveille grave la conscience". Ok, j'avais fait. En terminant ma bière pression. A ce jour, c'est toujours le seul à m'avoir parlé du livre en question. A mon tour, je vous en fais la publicité.

La vie est à l'image de ce recueil de nouvelles : pleine d'imprévus. Ou l'inverse. Peu importe. Un recueil constitué de 176 nouvelles sur 105 pages, ça peut paraître curieux, voire bizarre, vous me direz. Et vous n'aurez point tort : ce livre est curieux, bizarre, vraiment bizarre. On entame la lecture à tâtons, avec méfiance, on ne lâche plus le livre ensuite.
Dans le premier texte, le personnage principal passe son temps dans sa chambre à ôter du mur les crottes de nez collées une par une. Cela paraît débile et c'est pourtant très touchant. Surtout lorsqu'une des crottes de nez est associée à un souvenir d'enfance traumatisant. Lisez, vous verrez. Dans le 7è texte, c'est l'histoire d'un couple qui va bien. très bien, même. Çà laisse une impression dérangeante. L'on s'interroge fatalement sur ses propres errances. sans trouver de réponse, quoiqu'un indice puisse être fourni dans le texte suivant où il s'agit d'une course à pied.
Et c'est là qu'on sent toute l'expérience de l'auteur : Morton Thunder.
Sans diplôme, il parcourt le Texas sur une charrette à l'âge de 15 ans. Il vole quelques poules, il est soupçonné de viol sur une fermière, mais vite acquitté (faute de preuves...). Quelques années plus tard, il s'engage dans l'armée (non pas américaine mais togolaise). Il y reste 2 ans, 3 mois, six semaines et un jour et demi. Sa précision d'horloger (dixit sa mère sur facebook) !
Il perd un bras lors d'un conflit tribal auquel il ne comprend rien.
Dès le 15è texte du recueil, un poème. Un haïku, devrais-je dire. Et ainsi de suite, que des haïkus sur trente pages d'affilée. C'est long mais passionnant. Et ce n'est qu'à l'issue du dernier haïku que l'on devine la critique acerbe de l'Amérique Reaganienne. Jamais lu une telle critique acerbe ailleurs.
Morton Thunder a ensuite fait divers boulots : pigiste, pongiste, pompiste.
Avant de se dire qu'écrire un roman irait bien avec sa vie.
Dans le dernier texte, le plus long, c'est toute sa cocasserie qui ressort : un homme rencontre un baobab dans Manhattan et décide de lui greffer une âme. La baobab grandit, grandit, se prostitue, inhale des produits toxiques, ressent des pulsions homosexuelles envers d'autres baobabs, sur la 3è Avenue, tandis que le narrateur devient progressivement un arbre efféminé planté sur la 7è avenue, où les clébards viennent pisser, sans scrupules.
Un livre étrange, vraiment.
Je remercie l'ami de ma soeur -qui fut son ex avant de redevenir son ami., la semaine dernière- A moins que depuis...
Morton Thunder prépare un livre sur les réverbères et les stylos bic.
Hâte de lire ça.

Aucun commentaire: