23 mai 2013

le haut de la citerne

je suis déjà
en nage
dans mon bleu de chauffe
un peu trop large

derrière une
énorme citerne
il me dit :
-viens on va s'en griller une là
comme j'hésite
un peu
il trouve à me convaincre :
-t'inquiètes, le boss peut pas nous voir d'où il est

je pose mon grand pinceau
et le seau maculé d'huile
par terre

-moi, c'est Bob
-Thierry, je réponds
je lui demande ça fait combien
de temps qu'il
bosse dans la boîte
-deux ans, un peu plus peut-être
puis je lui demande si
ça lui plaît
ici

il se marre comme une baleine
et les regards d'autres ouvriers se tournent
vers nous
-merde, y'en a bien un qui va nous dénoncer, tu vas voir !
qu'il fait
tout bas

puis il énumère sur ses doigts
d'un ton presque doux
de 1-ici, c'est ambiance de faux-culs
de 2-le patron est un enculé
de 3-le salaire est pourri
de 4-je te parle pas de l'organisation, des rotations

il me tend une
heineken 33cl
sortie d'un sac plastique à ses pieds
et tiédie
par le soleil
-je trouve pas de 5 pour l'instant mais j'te jure qu'il doit bien y en avoir un...
-t'as sans doute raison
-à la tienne, mec ! faut faire avec c'qu'on a, hein ?

un peu plus tard dans l'après-midi
fatigué par
la répétition des efforts
je prends une petite pause
clope
bien méritée
à l'abri des regards

mon collègue de tout-à-l'heure
(il a l'oeil)
vient me voir et
ma lance gentiment :
-t'avances pas vite, nom de dieu... tu veux un coup de main sur le haut de la citerne ?
-nan ça ira, j'vais m'y remettre
-c'est la première fois que tu bosses sur un chantier, hein ?
puis il me dit
tout sourire:
-et de 5, j'ai trouvé.. je crois que t'es pas fait pour ça !

on s'est salué
à la fin de la journée
et j'ai repensé à lui
le lendemain
quand je suis resté
chez moi
fourbu de partout


2 commentaires:

Anonyme a dit…

autobiographique? n'empêche c'est dans la lignée des écrivains américains ça me fait penser notamment aux "travaux forcés" de Mark Sa franko. tu l'as peut être pas lu mais tu devrais c'est vraiment génial!!! et je pèse mes mots ;-)

Thierry Roquet a dit…

Oui, Dada ! Autobio (ou à peu près). Bon, c'est vrai que ça remonte mes 18 ans... Pas encore lu le dernier SaFranko mais je le ferai sans faute, vu le bien que tu m'en dis chaque fois ;-) Tu as bien raison de peser tes mots ; ça pèse lourd, tout ça ! Bise ma belle. On s'en sortira, foi de chantier !