24 déc. 2009

Une petite promenade

Je suis sorti seul de chez moi, mal rasé, mal habillé, la clope au bec, en coup de vent pour éviter un coup de cafard. J’ai marché par des rues, au hasard, des artères centrales, animées, des quartiers d'évasion, des lieux quelconques, et sales, à la périphérie, je l’étais, moi aussi, de tout, j'ai soupiré « quelconque », quel con, et j'ai tourné. Il ne s'est rien passé. Il faisait un temps froid aux vitrines, scintillantes, à lécher pour Noel. Des passantes, des passants. Et les regards, nulle part, partout, complices? J’avais l’air nonchalant, trop crispé, naturel? Je n'étais pas peigné. J'étais ailleurs et parmi tous. Cheveux au vent, glacial, et mon humeur, pareille. Je marchais en canard, au pas de l'oie, à l’aveugle, des pas devant, d'autres perpendiculaires, en travers et j'ai tourné. La tête. Personne ne me suivait. J'ai trouvé ça normal. Après tout. J'ai entendu des rires. J'avais envie de rire. Mais seul, sourire et sans écho ? D'ou venaient-ils, ces rires ? D'un bar, d'un resto, d'une galerie de portraits? Photographie de mon étau, morose. J'ai le visage étroit, pressé. Je m'y suis renfermé. Un mime. Incognito. J’avais fumé beaucoup, vidé tout le paquet, cendres et poussière, inconcevable, encore en vie! Et je l'ai chiffonné, jeté aux oubliettes. Poumons, poumons, coeur et débris, bribes de soi et j'étais là, perdu, comme saturé, et toujours mal rasé, mal habillé. Il me fallait un lieu; Vite! Vite. J'ai réfléchi. Un lieu sûr. Loin de ces rues. Qui me vidaient de sens. Qui m'étiolaient. Qui me tombaient dessus. Pleine gueule et j’étouffais, je rampais, les pieds lestés de plomb, de surplace, de quoi faire. Face à tant d'inconnues, des X et des Y, des anonymes, des syncopes. Le vertige d'un vide, un trop-plein. J'aurais dû y penser, j'aurais dû y rester, j'aurais dû! Chez moi. Le cafard du dedans, l'asphyxie sous les draps, la trouille du couloir, au moins, j'en avais l'habitude! La rue, la rue n'était pas mon royaume.

3 commentaires:

dada a dit…

trés beau texte sur l"agoraphobie"!!!

moi aussi qd je me sens pas bien dans ma peau,je ressens un peu les mêmes symptomes que ton personnage!

juste une question...est ce que c'est autobiographique?

Marlene a dit…

Joliment enguirlandé ce foutu cafard ! J'ai adoré cette phrase aussi :"un temps froid aux vitrines, scintillantes, à lécher pour Noel"
Et puis le rythme du texte, tout ça... y'a un je-ne-sais-quoi de différent ici, dans la position des virgules, le choix des sonorités, je sais pas trop en fait? Mais c'est tjs aussi bon. Happy noël my dear :-)
(même si, Noël, j'aimerais que ce soit autre chose que ce que les gens en font, au fond...)

Thierry Roquet a dit…

Merci à vous deux. Dada et M.
Ce texte est un "vieux" texte de 2002 ou 2003 que j'ai un peu remanié mais pas tellement. C'est un des rares textes de cette époque que je trouve encore potable et qui était assez autobio (à l'époque... et encore un peu maintenant, n'est-ce-pas Dada...).