19 nov. 2009

Elle & lui & moi autour d'un feu de bois

il habite là depuis trente ans
c'est ce qu'il me dit
autour du feu de bois
qui crépite d'étincelles
il habite là
parce qu'il s'y sent bien
sa femme nous rejoint
en chemise de nuit froissée
transparente lointaine
et fatiguée
elle se sert une brochette d'agneau
une bonne rasade de vin rouge
la brochette est
un peu carbonisée elle souffle dessus
ses yeux fixes brillent est-ce la vie
est-ce tout autre chose
il s'y sent bien il y a des lacs
des étangs des rivières plein de poiscaille
tout autour
c'est l'idéal pour aller pêcher
on ira demain matin si tu veux
il ajoute qu'on y partira de bonne heure
avant le lever du soleil sur
un petit bateau qu'il a construit
lui-même en 1985 ça le fait sourire
je dis ok et je souris aussi par politesse
alors comme ça tu écris des textes
qu'il me demande
je fais oui de la tête j'essaie
en tout cas
il répond qu'il n'a plus envie
d'écrire depuis longtemps
qu'il préfère pêcher
maintenant m'adresse un clin d'oeil
appuyé que je ne saisis pas bien
je regarde sa femme
un peu gêné elle ne porte
rien sous sa chemise
de nuit ses ombres de seins
tombent jusqu'au sol
et ne dit rien depuis le
début elle me regarde à son tour
mâche la viande se sert
un autre gobelet de vin rouge
se lève s'éclipse vers le chalet
en bois referme la porte bruyamment
s'ensuit un long très long silence
hors les bruits de la nuit
ça fait trente ans que c'est
comme ça soupire t'il à me tirer
de ma torpeur
trente ans qu'elle n'a pas dit
un mot mais ça ne me dérange pas
je me sens bien ici t'as vu
comme c'est beau tout autour
la ville c'est loin très loin
on ira à la pêche demain matin
si tu veux de la truite tout ce que tu veux
je l'ai construit en 85
ce rafiot c'est du costaud
on partira de bonne heure tu
veux une autre brochette?
un autre verre? tu sais que
ma femme aime beaucoup lire
elle lit tout le temps la journée
le soir alors comme ça tu écris
des textes toi aussi ça va
lui plaire je pense et puis
moi je vous regarderai
mais t'inquiète pas hein
je me ferai tout petit
si ça te dérange pas
bien sûr j'ai l'habitude de
me fondre dans la nature ici



5 commentaires:

dada a dit…

on se croirait au fin fond d'une foret du canada...loin de la ville et de ts ces tracas.et cette femme qui ne dit rien!et cet homme qui propose sa femme en cadeau?franchement ton texte est hypraréaliste.je suis déjà réchauffée par le crepitement des flammes de ce feu de bois.surtout par ce temps froid et glacial....

Jean Marc Flahaut a dit…

on dirait que l'esprit de Dixon aidé par sa photo juste en-dessous a poussé de toutes ses forces et qu'il s'est retrouvé dans ton texte

Thierry Roquet a dit…

& dada: tu es chaude? ;-)) et pourquoi une forêt du Canada? Pourquoi pas la forêt d'Ermenonville? Hein ? ;-))

& JM: ;-))

Jean Marc Flahaut a dit…

je faisais un tour cet après-midi dans cette petite boutique de Lille
qui vend des livres d'occasion pour une association de solidarité internationale lorsque je suis tomb sur Work de Stephen Dixon et comme je suis superstitieux et que je crois aux signes j'ai acheté le livre maintenant je suis chez moi après être passé chez le toubib qui m'a rassuré et je regarde ce livre Work de Stephen Dixon posé là sur mon bureau il n'y a jamais de hasard

Thierry Roquet a dit…

Effectivement, il n'y a pas de hasard, JM.
Stephen Dixon et toi étiez faits pour vous rencontrez à ce endroit précis, à cette heure précise.

Tu me diras si tu as aimé ce bouquin. Je n'ai pas lu celui-là.

@++