6 nov. 2009

Elle a pleuré quand même (Marlène Tissot)

Elle s’était dit Pleure pas ! quand le boss lui a expliqué que c’était pas de gaieté de cœur qu’il lui annonçait ça, mais qu’il avait pas le choix. Elle s’était dit Pleure pas ! Ce boulot, de toute manière, elle l’aimait pas. C’était purement alimentaire. Elle s’était dit Pleure pas ! Et pendant que le boss argumentait sans relâche, elle pensait aux factures, aux crédits à rembourser, au frigo à remplir. Elle pensait à son mari, à ses enfants, à qui il faudrait annoncer la nouvelle. Et noël qui pointait le bout de son nez… Et le boss qui n’en finissait pas de se justifier pour se donner bonne conscience. En faisant semblant de pas remarquer qu’elle avait de plus en plus de mal à contenir ses larmes. Elle s’était dit Pleure pas ! tu vas toucher le chômage, chercher un autre job, sortir les CV, les sourires, les habits bien repassés. Elle se disait que tout finirait par s’arranger. Il suffirait de serrer les dents pendant que ces connards de l’ANPE la convoqueraient encore et encore de peur qu’elle tire au flanc. Il suffirait de se serrer la ceinture en attendant qu’un autre enculé de patron la choisisse comme on choisit une pute quand on a besoin de baiser…

1 commentaire:

Thierry Roquet a dit…

Un texte sensible, émouvant, qui me cause et me touche énormément.

(je te l'ai "piqué" sur ton myspace, M., tu me pardonneras...)